Le point de vue de l'enfant dans la médiation et les autres méthodes de règlement extrajudiciaire des différends dans les cas de séparation et de divorce : une analyse documentaire

5.0 ORIENTATIONS FUTURES ET QUESTIONS NON RÉSOLUES

Les perspectives théoriques et les recherches en sciences sociales nous enseignent de plus en plus que l'opinion de l'enfant est une considération importante en cas de séparation ou de divorce. Plus précisément, on sait que la participation des enfants aux instances de séparation ou de divorce, à la médiation et aux autres méthodes de RED atténue le risque ou le préjudice après la séparation ou le divorce. Ces conclusions sont confirmées par les théories de l'habilitation ou de l'amélioration, où l'enfant est vu comme un « acteur social » qui devrait avoir la possibilité de s'impliquer dans les décisions qui le touchent. L'importance d'écouter les enfants s'appuie aussi sur des idéaux fondés sur les droits et l'intérêt des enfants, tant sur le plan juridique qu'au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant. Il y a certains enfants qui veulent se faire entendre dans le cadre des processus juridiques qui façonnent leur vie après la séparation et le divorce, mais il y en a aussi qui ne veulent pas y participer, et ce choix devrait être respecté.

En fin de compte, la discussion n'est plus centrée sur le bien-fondé de la participation des enfants aux décisions qui sont prises après la séparation ou le divorce, mais bien sur la forme que cette participation doit prendre. En d'autres termes, les enfants qui souhaitent participer au processus décisionnel ont la possibilité de le faire. Toutefois, la question continue d'être posée suivant le point de vue de l'adulte, c'est-à-dire qu'on se demande quelle est la meilleure façon d'obtenir le point de vue de l'enfant pour qu'il soit utilisé par des décideurs adultes et non pas avec ces décideurs. Même si les enfants ont besoin que les adultes les aident et les guident, ils jouissent également de droits au sein de la famille, droits qui doivent être tout aussi respectés, soutenus et cultivés.

Les moyens employés à l'échelle nationale et internationale pour donner une voix aux enfants dans le contexte de la séparation, du divorce ou de la médiation relative à la garde et dans le cadre d'autres interventions de RED varient selon que la participation est volontaire ou obligatoire, de même qu'en fonction des méthodes utilisées (représentation par un avocat, évaluations en matière de garde et d'accès, entrevues avec un juge, rapports sur le point de vue de l'enfant, médiation incluant les enfants, coordination des responsabilités parentales). Bien que les auteurs en droit et en sciences sociales débattent des avantages et des inconvénients de la participation des enfants au processus décisionnel entourant la rupture de l'union des parents, cette participation n'est pas nécessaire à tous les égards et peut être dommageable si la sécurité des enfants n'est pas jugée primordiale.

Il reste plusieurs questions et défis qui doivent être considérés, indépendamment de l'approche choisie. Par exemple, si les enfants sont écoutés, quel poids accorde-t-on à leur point de vue? Devrait-il y avoir un âge auquel les opinions et les souhaits de l'enfant sont déterminants? À quel âge les enfants devraient-ils être interrogés et qui décide s'ils sont capables de participer aux décisions? Qu'entend-t-on réellement par « participation des enfants »? Comment la sécurité de l'enfant est-elle protégée? Quelles interventions permettent de faire en sorte qu'il y ait des professionnels de la santé mentale, des avocats ou des juges ayant la formation voulue pour interroger les enfants? Qu'en est‑il des questions de confidentialité et de consentement? Qu'arrive-t-il lorsque les enfants ont des troubles d'apprentissage et ne peuvent s'exprimer verbalement? Y a-t-il un suivi auprès des enfants et une synthèse? Et que se passe-t-il avec les enfants qui proviennent d'un milieu culturel différent où il n'est pas acceptable de discuter de la famille et de sentiments? Avec les enfants et les familles où il y a différents degrés de conflits (faible, moyen et élevé) ou dans les situations où il y a de la violence familiale ou des mauvais traitements infligés à l'enfant? Quand les enfants devraient-ils participer à la médiation (avant, durant ou après la conclusion de la médiation)? En outre, qu'est-ce qui devrait entrer dans l'évaluation des résultats de la médiation? Par exemple, la médiation qui privilégie le règlement d'un conflit familial n'est pas évaluée de la même manière que la médiation qui vise à renforcer la relation parent-enfant après la séparation. Comment les adultes peuvent-ils donner aux enfants des moyens d'agir et faciliter un meilleur dialogue avec eux à propos de leur vie après la séparation ou le divorce? Finalement, prend-t-on réellement en considération le point de vue des enfants ou est‑il remanié par un adulte en fonction de ce qu'il croit être dans l'intérêt supérieur des enfants? Voilà des questions très importantes à examiner, car les décisions d'ordre juridique qui sont prises à l'égard des enfants après la séparation ou le divorce peuvent souvent changer la vie de ces derniers sur le plan physique, émotionnel, social et comportemental.

Malgré le fait que de nombreux services et programmes d'excellente qualité ont vu le jour afin d'aider les parents à trouver d'autres solutions extrajudiciaires pour régler leurs différends, ils continuent fondamentalement de s'appuyer sur la démarche traditionnelle contradictoire. En outre, ils n'atteignent pas chaque enfant sur toute la planète.

Lorsque nous nous demandons quelles sont les avenues futures en ce qui concerne la participation des enfants, plusieurs facteurs sont mis en lumière. Ils peuvent être conceptualisés en trois catégories distinctes, mais interreliées :

Premièrement, il faut établir un cadre théorique et conceptuel clair qui relie la théorie du développement de l'enfant, la théorie sur le risque et la résilience de même que les relations familiales après la séparation ou le divorce, d'une part, avec des approches exemplaires en matière de médiation incluant l'enfant et d'autres procédés de RED, d'autre part. Selon l'information recueillie par l'intermédiaire des services offerts dans le monde entier et les entrevues avec des informateurs clés, il est essentiel d'acquérir des connaissances solides sur le développement de l'enfant, l'évolution des capacités des enfants, les techniques d'entrevue avec des enfants, les relations parent-enfant et le droit de la famille. En outre, les différents professionnels qui œuvrent auprès des enfants doivent suivre une formation continue.

Deuxièmement, il faut élaborer un programme de recherche coordonné qui rattache les pratiques exemplaires à un objectif empirique (au moyen de méthodes quantitatives et qualitatives). Les interventions devraient viser aussi la consolidation de la relation parent-enfant et non pas le simple règlement des différends. De plus, la recherche envisagée doit faire participer les enfants à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des différentes approches : nous (adultes et enfants) avons en effet besoin de comprendre ce qui est utile et ce qui ne l'est pas pour les enfants et les familles après la séparation ou le divorce tout en continuant à faire clairement de la sécurité des enfants une priorité absolue. Chaque enfant est unique en son genre, et il est crucial que le programme de recherche intègre toute une gamme d'options destinées aux enfants, appliquées par des enfants et avec des enfants[85].

Troisièmement, il faut assurer une discussion et une coordination constantes entre les praticiens, les chercheurs, les enfants, leurs familles et les décideurs afin que la participation des enfants soit significative. Pour que le processus soit véritablement démocratique, les enfants doivent être pris en considération à toutes les étapes. Une fois que le principe et la démarche auront été modifiés dans cette optique, les enfants pourront être plus étroitement impliqués, et ils détermineront eux‑mêmes leurs besoins et leurs intérêts, qui ne seront donc plus laissés au soin d'adultes qui présument savoir ce qui est dans l'intérêt supérieur des enfants.