Justice en langues officielles – Le Bulletin, no. 19, Été 2023

Un grand ami des langues officielles : une entrevue avec le sénateur René Cormier

C’est par un matin frisquet de la mi-mai 2023 que Jacinthe Bourdages, Directrice de la Direction des langues officielles, et Karina Yelle, Directrice adjointe de l’équipe Justice en langues officielles, ont eu le grand plaisir de rencontrer l’honorable René Cormier, sénateur indépendant du Nouveau-Brunswick à son bureau sur la colline parlementaire pour parler des langues officielles. Originaire de Caraquet au Nouveau-Brunswick, le sénateur Cormier a voué sa vie aux arts et à la culture. Depuis son entrée à la Chambre haute, il a démontré un engagement manifeste envers les droits linguistiques.

Le Sénateur a fait preuve de beaucoup de générosité lors de l’entrevue et c’est un plaisir de partager ses réflexions sur les langues officielles et la diversité avec vous. Bonne lecture!

D’après vous, comment vont les langues officielles au Canada présentement?

Les langues officielles n’ont jamais été autant à l’avant-plan du débat public en ce moment et en même temps, nous assistons au déclin de la langue française partout au Canada, ce qui est extrêmement préoccupant. Plus de Canadiennes et Canadiens parlent le français mais sur le plan de l’équilibre démographique, il y a plus de locuteurs de langue anglaise ce qui diminue le poids des locuteurs de la langue française au pays. Ceci a un impact sur la vie des Canadiens d’expression française et sur les francophiles. Leur capacité de vivre et d’obtenir des services dans cette langue en est forcément affectée. La situation actuelle nous confirme qu’il faut constamment être vigilant au sujet des droits linguistiques, d’où l’importance d’avoir une loi forte et une fonction publique qui soit bien consciente de ces enjeux. L’engagement des organismes sectoriels et individus de la société civile impliqués dans la défense des droits linguistiques est par ailleurs absolument essentiel et incontournable au maintien de cette vigilance.

Quel impact a eu la pandémie sur votre travail sur les langues officielles et votre vision de celles-ci?

La pandémie nous a révélé que le respect des langues officielles n’est pas seulement une question de droits linguistiques mais aussi une question de sécurité publique. Nous avons été à même de constater la fragilité de certains mécanismes pour assurer le respect de la Loi sur les langues officielles durant cette période. Je pense notamment à la question de l’affichage et de l’étiquetage en rapport aux mesures d’urgence. Personnellement, j’ai pris davantage conscience de l’importance du rôle des interprètes et des traducteurs dans notre travail de parlementaires. La pandémie a mis en relief le fait que nous avons besoin d’interprètes pour nous permettre de communiquer dans les deux langues officielles, autant en mode virtuel que présentiel. Cette période a été très exigeante pour les interprètes travaillant sur la colline, j’en profite pour les remercier et saluer leur travail remarquable.

D’où vient votre passion pour les langues officielles?

J’ai grandi dans un milieu et dans une région où la langue française est considérée comme une richesse, comme un trésor qui nous permet d’affirmer et de célébrer notre culture acadienne. Le lien entre la langue et la culture a toujours été évident chez-nous. Mes parents valorisaient énormément la culture et l’éducation, et c’est de l’éducation reçue de mes enseignants et enseignantes, notamment des religieuses, que m’est venu mon amour de la langue française. La reconnaissance de la richesse de la langue française et de l’importance du respect des droits linguistiques a aussi évolué au fil de mon parcours professionnel comme artiste et gestionnaire culturel. Étant issu de la seule province officiellement bilingue où le respect de la Loi sur les langues officielles a toujours été un enjeu, j’ai été rapidement sensibilisé à la nécessité de se battre pour nos droits. Cette bataille a été et demeure très mobilisatrice pour moi.

Comment percevez-vous les langues officielles par rapport à la diversité?

Sur le plan linguistique, nous devons reconnaître et apprécier que nous possédons au Canada une diversité de langues. En plus de nos deux langues officielles, les langues autochtones font partie de notre paysage linguistique et il faut prendre cela en considération quand nous travaillons à la défense et à la promotion des droits linguistiques. Ces langues premières sont essentielles à la réconciliation et à l’identité de notre pays. Nous devons les défendre et les promouvoir et il reste beaucoup à faire à ce niveau. Par ailleurs, notre pays bénéficie de l’arrivée grandissante de nouveaux arrivants qui amènent avec eux une riche diversité linguistique. Nous devons en tenir compte dans les travaux que nous menons et dans notre manière de sensibiliser et de promouvoir la population canadienne à la Loi sur les langues officielles. Les langues officielles ne doivent pas être perçues comme portant ombrage aux autres langues, mais bien comme nos deux langues du « vivre ensemble ». Dans le Canada d’aujourd’hui, les réalités socio-économiques ainsi que la diversité des réalités culturelles et identitaires doivent être au cœur de nos travaux parlementaires et de nos politiques. Il est important de ne pas obnubiler cette lentille lorsqu’il s’agit des questions relatives aux langues officielles.

Vivez-vous le bilinguisme et la diversité de la même manière au Nouveau-Brunswick qu’à Ottawa? Sinon, quelles différences observez-vous?

Provenant de la Péninsule acadienne au nord du Nouveau-Brunswick, une région majoritairement francophone, et ayant principalement travaillé en français avant mon entrée au Sénat, mon premier choc en arrivant à Ottawa a été de constater la diversité des provenances et d’expertise de mes collègues sénatrices et sénateurs. Sur le plan linguistique, malgré cette diversité, j’ai rapidement constaté que la langue anglaise est celle qui est dominante et majoritaire. Ce portrait reflète bien le Canada et le Nouveau-Brunswick d’aujourd’hui. Si le bilinguisme au niveau national, provincial et territorial peut se vivre de manière différente selon les régions, il reste quand même que ces différentes réalités se ressemblent. Le rapport minorité-majorité demeure un enjeu, peu importe où on se trouve au pays. La langue est un outil de pouvoir et cette réalité fait en sorte que sur les plans politique, social et économique, il faut constamment remettre à l’avant-plan le fait que la langue française n’est pas un simple mode de communication, mais bien un instrument de développement et d’épanouissement sociétal.

Quelle est l’expérience ou l’histoire la plus marquante de votre carrière en langues officielles?

L’expérience la plus marquante de mon engagement pour les langues officielles est celle que je vis en ce moment en tant que président et membre du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Le travail que nous effectuons pour moderniser la Loi sur les langues officielles, une modernisation visant à reconnaitre notamment la notion d’asymétrie pour atteindre l’égalité réelle entre nos deux langues officielles, marque une étape importante dans la reconnaissance des réalités linguistiques de notre pays. La prise de conscience du déclin du français au Canada, y compris au Québec, provoque un réel réveil au sein de la population canadienne. Bien qu’elles étaient présentes dans certains milieux dans le passé, ces prises de conscience rejoignent un plus large segment de la population canadienne aujourd’hui. C’est la première fois me semble-t-il, que nous affirmons cette réalité en ayant l’adhésion d’une part si importante de la population.

Selon vous, quel est l’état des relations entre les Communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) et la majorité linguistique?

La majorité linguistique anglophone de ce pays entretient une relation parfois ambiguë avec les CLOSM. Autant une majorité de Canadiens semble apprécier la présence de nos deux langues officielles au Canada, il faut parfois rappeler à certains Canadiens et Canadiennes que la langue française n’est pas une simple traduction de la langue anglaise. La langue française est égale à la langue anglaise et cette réalité fait partie du contrat social que nous nous sommes donnés comme pays. En vertu de la Constitution, la loi suprême de notre pays, ces deux langues sont les langues officielles du Canada. Notre manière de promouvoir l’ensemble des réalités linguistiques au Canada, incluant les langues autochtones, doit se faire en reconnaissant que le français et l’anglais sont des langues inclusives qui permettent l’expression de différentes cultures. Je constate que pour certaines personnes, la langue française à l’extérieur du Québec est perçue comme la langue d’un groupe ethnique alors qu’elle est l’une de nos langues officielles. Il faut que l’égalité réelle soit comprise et appliquée partout dans notre gouvernance étatique, y compris dans notre système de justice. Il y a beaucoup de travail à faire pour que cela soit une réalité dans le quotidien des Canadiens et dans nos institutions démocratiques.

Nous vous avons déjà posé cette question lors de votre présentation auprès de Justice, le 27 mars dernier, mais pour le bénéfice de nos lecteurs du Bulletin, pourriez-vous élaborer sur la question de l’insécurité linguistique et quelles suggestions vous pourriez proposer pour surmonter cette insécurité?

L’insécurité linguistique est intimement liée aux défis que rencontre un individu à s’affirmer dans sa langue s’il est issu d’un milieu minoritaire ou dans une langue seconde s’il ne la maîtrise pas. Cela n’est pas seulement propre aux francophones minoritaires vivant et travaillant dans un milieu majoritairement anglophone, mais elle est aussi présente chez les anglophones qui utilisent le français dans un milieu majoritairement francophone. Cela dit, je constate que ce phénomène est davantage présent chez les francophones minoritaires. En tant que citoyen francophone au pays, il faut beaucoup de courage et de détermination pour parler sa langue dans certains milieux.

Alors, comment surmonter son insécurité linguistique dans ce contexte? Il faut certainement acquérir une confiance en soi, être habité par un désir profond de communiquer et d’aller à la rencontre de l’autre. Il faut aussi avoir un réel amour de la langue que l’on parle. La langue est plus qu’un mode de communication, elle est un mode d’expression nous permettant de partager notre vision du monde. Il faut en célébrer toutes les nuances et les couleurs. Il faut aussi reconnaître que le rapport que nous entretenons avec une langue est intimement lié aux milieux dans lesquels nous vivons et travaillons. En tant qu’Acadien, par exemple, mon rapport à la langue anglaise a été fortement teinté des relations historiques difficiles vécues entre le peuple acadien et la majorité anglophone. La langue anglaise était au départ pour moi la langue du conquérant, la langue de celui qui voulait nous assimiler. Inconsciemment, il y avait une forme de barrière dans mon désir d’apprendre cette langue. J’ai dû surmonter cette perception pour me l’approprier, la parler le mieux possible et l’apprécier dans toute sa richesse. En tant que Canadien travaillant au Parlement du Canada, il est de notre devoir d’apprendre à parler le mieux possible les deux langues officielles de notre pays, et cela à tous les échelons de l’appareil étatique. Il est aussi de notre responsabilité de faire preuve d’ouverture envers celles et ceux qui font l’effort de parler la langue de l’autre.

Quel avenir voyez-vous pour la francophonie et la diversité au Canada?

En pensant à l’avenir, je ne peux m’empêcher d’avoir en tête les défis actuels d’intégration de la diversité et de la francophonie à l’intérieur d’un Canada majoritairement anglophone. En matière d’immigration, par exemple, nos stratégies pour intégrer les nouveaux arrivants aux communautés francophones du pays ne semblent pas porter les fruits attendus. Il faut une réelle politique en immigration francophone avec des ressources suffisantes pour appuyer les organismes qui sont les réels champions de la mise en œuvre de nos politiques dans les communautés. Par ailleurs, il me semble qu’en matière d’éducation, il y a beaucoup à faire pour assurer une éducation de langue française de grande qualité partout au pays, tant pour les francophones que les francophiles. Le gouvernement fédéral doit davantage soutenir les provinces et territoires à cet égard, et ceux-ci doivent impérativement mettre l’épaule à la roue pour que cela devienne réalité.

De gauche à droite : la directrice et avocate générale de la Direction des langues officielles (DLO) de Justice Canada, Jacinthe Bourdages; le Sénateur René Cormier; la directrice adjointe et avocate-conseil de la DLO, Karina Desmarais Yelle

De gauche à droite : la directrice et avocate générale de la Direction des langues officielles (DLO) de Justice Canada, Jacinthe Bourdages; le Sénateur René Cormier; la directrice adjointe et avocate-conseil de la DLO, Karina Desmarais Yelle

Malgré certains sondages, j’ai parfois l’impression que le fait français n’est pas apprécié à sa juste valeur par certains Canadiens et Canadiennes travaillant à l’intérieur de l’appareil gouvernemental fédéral. L’avenir de la langue française et de nos langues officielles passe par un leadership aux plus hauts échelons de l’appareil étatique et il y a encore beaucoup à faire à ce niveau. Si à l’intérieur de notre gouvernance fédérale, nous n’arrivons pas à appliquer la Loi sur les langues officielles adéquatement et à la faire vivre, imaginez l’impact que cela a dans la population. Comme parlementaire, fonctionnaire, élu et non-élu, nous devons donner l’exemple. Cette responsabilité collective de veiller au respect du bilinguisme institutionnel au sein de l’appareil étatique ne devrait pas être perçu comme un fardeau mais plutôt comme une démarche passionnante dans notre parcours professionnel et personnel. Il faut faire en sorte que parler la langue de l’autre soit important pour tous, et pour cela, il nous faut de bons outils législatifs pour faciliter cet exercice communicationnel. Le projet de loi C-13 est très prometteur à ce point de vue.

En pensant à l’avenir je dirai également que la relation que le Canada entretient avec la francophonie internationale est déterminante pour l’avenir de la langue française au Canada. Il est clair que l’avenir de la langue française est notamment lié au développement des pays francophones en Afrique et à notre capacité de créer des réseaux francophones partout dans le monde. Ces éléments sont au cœur des enjeux d’avenir pour que les langues officielles s’épanouissent réellement dans notre pays.

Enfin, sur une note positive, je crois sincèrement que malgré les défis qu’elles rencontrent, ce sont les jeunes générations qui intègrent le mieux la richesse de la diversité dans notre pays. Espérons que nous saurons leur donner tous les outils nécessaires pour qu’elles s’épanouissent dans nos deux langues officielles avec cette conscience que notre pays est plus riche, plus accueillant et plus prospère grâce à celles-ci.

Note : Depuis cette entrevue, le projet de loi C-13 visant la modernisation de la Loi sur les langues officielles a été adopté et a reçu la sanction royale le 20 juin 2023. Le sénateur Cormier a été le parrain de ce projet de loi au Sénat du Canada.

Prix boréal de 2022 : hommage au Certificat de common law en français

Chaque année, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) remet le Prix Boréal à différentes entités pour reconnaître leur apport « à l’avancement, au développement et à l’épanouissement des communautés francophones et acadiennes du Canada »Note de bas de page 1. En 2022, la FCFA a décerné le Prix Boréal Rapprochement au Certificat de common law en français (CCLF) « pour sa contribution à la création d’une communauté juridique forte partout au Canada. Le Programme permet, en particulier, aux étudiantes et étudiants des facultés de droit de l’Ouest canadien de poursuivre des études en français en complétant un tiers de leur Juris Doctor à l’Université d’Ottawa »Note de bas de page 2.

Financé en partie par le Fonds d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles de Justice Canada, le CCLF donne aux étudiants en droit qui sont francophones et francophiles la possibilité d’effectuer une grande partie de leurs études en français. Le CCLF veille à ce que les futurs juristes comprennent bien les deux langues officielles dans un contexte judiciaire.

Le CCLF est offert par les facultés de droit de l’Université d’Ottawa, de l’Université de Calgary, de l’Université de la Saskatchewan, de l’Université de l’Alberta, de l’Université de la Colombie-Britannique et de l’Université Lakehead. Les étudiants en droit de l’Ouest canadien participent à un échange à Ottawa, où ils prennent part au concours Michel-Bastarache. Les étudiants sont également jumelés avec des mentors bilingues afin d’effectuer un stage accrédité dans un organisme qui utilise le français comme langue de travail, tel que la fonction publique fédérale.

Pour en savoir plus sur le CCLF, veuillez consulter le site Web de l’Université d’Ottawa.

Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur l’accès à la justice dans les deux langues officielles

La réunion semi-annuelle du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur l’accès à la justice dans les deux langues officielles (Groupe de travail FPT), réunissant la Direction des langues officielles (DLO) et des intervenants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, a été tenue en personne à Ottawa, le 6 mars 2023. Cette séance d’une journée a été la première réunion du Groupe de travail FPT en personne depuis mars 2020.

Le rôle de ce groupe de travail est d’identifier des enjeux concernant l’accès à la justice dans les deux langues officielles et d’échanger des informations sur les meilleures pratiques et les initiatives en place dans chaque juridiction.

La journée a été productive et a été une excellente occasion de rétablir les relations de travail de longue date. La prochaine rencontre aura lieu le 17 octobre 2023.

Comité consultatif sur l’accès à la justice dans les deux langues officielles

La réunion annuelle du Comité consultatif sur l’accès à la justice dans les deux langues officielles (Comité consultatif) a eu lieu à Ottawa le 16 mai 2023. Ce fut la première rencontre en personne depuis la pandémie et elle fut un succès.

Le Comité consultatif sert d’agent de liaison entre les représentants du milieu juridique dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire, les organismes porte-parole de ces communautés et Justice Canada.

Jacinthe Bourdages, directrice et avocate générale de la DLO, prononce une allocation d’ouverture lors de la réunion du Comité consultatif de mai 2023.

Jacinthe Bourdages, directrice et avocate générale de la DLO, prononce une allocation d’ouverture lors de la réunion du Comité consultatif de mai 2023.

Justice Canada a profité de cette réunion d’une journée pour dévoiler ses priorités révisées pour le Fonds d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles (Fonds d’appui). Parmi celles-ci figure l’accompagnement sociojuridique (voir article ci-dessous). Un panel d’experts issus du milieu communautaire a démontré, à l’aide de témoignages et d’exemples concrets, les bénéfices de ce modèle pour améliorer l’accès à la justice des membres les plus vulnérables de nos communautés. Un autre atelier a quant à lui permis aux participants de lancer des idées d’activités et de projets novateurs qui pourraient être financés par le Fonds d’appui, sous le nouveau Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028.Note de bas de page 3

Il y avait plus de 45 participants à la réunion.

Une nouvelle possibilité d’apprentissage : diplôme d’études supérieures en ligne de l’Université Mcgill en traduction juridique

Le Diplôme d’études supérieures en ligne de l’Université McGill en traduction juridique a été lancé en 2020-2021. Financé en partie par le Fonds d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles de Justice Canada, le Diplôme d’études supérieures en ligne en traduction juridique (le Diplôme) contribue à combler la pénurie croissante de traducteurs juridiques.

Adapté à partir du programme de certificats d’études supérieures, le Diplôme offre à la fois une formation théorique et pratique, en mettant l’accent sur le perfectionnement des cinq compétences suivantes : Thématique et culture; Communication et textuelle; Essentielle; Gestion interpersonnelle et professionnelle; Méthodologique. Les demandeurs doivent réussir l’examen d’entrée et satisfaire à tous les autres critères de sélection.

Pour en savoir plus sur le Diplôme, veuillez consulter le site Web de l’Université McGill.

Commission scolaire francophone des T.N.-O C. ministre de l’Éducation des territoires du Nord-Ouest devant la cour suprême du Canada

Drapeau des Territoires du Nord-Ouest

Drapeau des Territoires du Nord-Ouest

Après des années de démarches juridiques, le litige opposant la Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest (Commission) à la ministre de l’Éducation des Territoires du Nord-Ouest (Ministre) s’est retrouvé devant la Cour suprême du Canada (CSC). C’est le 9 février 2023 que le plus haut tribunal du pays a entendu l’appel de la Commission dans ce dossier portant sur le droit à l’instruction dans la langue de la minorité et la question de savoir comment le pouvoir de la Ministre de décider quels enfants « non ayants droit » (c’est-à-dire n’ayant pas le droit constitutionnel de fréquenter une école de la minorité linguistique en vertu de l’art. 23 de la Canadian Charter des droits et libertés) peuvent fréquenter une école publique en français doit être exercé.

Le dossier soulève des enjeux importants pour l’avenir des communautés minoritaires de langue officielle. Dans cette affaire, des parents résidant dans les Territoires du Nord-Ouest (TNO) souhaitaient que leurs enfants soient instruits en français, malgré qu’ils ne soient pas titulaires de droits en vertu de l’art. 23 de la Canadian Charter des droits et libertés (Canadian Charter) et ne se qualifient pas en vertu d’une Directive établie par le gouvernement des TNO. Ils ont donc demandé à la Ministre d’utiliser son pouvoir discrétionnaire afin d’autoriser l’inscription de leurs enfants dans des écoles francophones. La Ministre a refusé. La Commission et les parents ont donc présenté des demandes de contrôle judiciaire de la décision de la Ministre devant la Cour suprême des TNO. Dans deux jugements séparés, celle-ci a annulé la décision de la ministre.

Ces jugements ont été portés en appel devant la Cour d’appel des TNO. La Cour d’appel a accueilli les appels de la Ministre et a rétabli ses décisions. La Cour a conclu que le raisonnement du juge de première instance relativement aux valeurs constitutionnelles partait d’une hypothèse erronée selon laquelle l’affaire mettait en cause des droits constitutionnels. De l’avis de la Cour d’appel, les familles en question ne répondaient pas aux critères de l’art. 23 en ce qu’elles n’étaient pas des ayants droit et n’avaient donc aucun droit ou attente en common law ou d’origine législative de voir leurs enfants fréquenter ces écoles de langue française.

La Commission a déposé une demande d’autorisation d’appel devant la CSC, qui l’a accueillie. Elle a également autorisé la Commission à déposer une preuve additionnelle quant au déroulement de l’audience à la Cour d’appel, en particulier concernant l’incapacité des trois juges de la Cour à comprendre le français directement tant à l’oral qu’à l’écrit et concernant la qualité de l’interprétation lors de l’audience. Selon la Commission, le droit d’employer le français ou l’anglais prévu au par. 9(1) de la Loi sur les langues officielles des TNO et au par. 19(1) de la Canadian Charter comprend le droit d’être entendu par un juge qui comprend la ou les langues officielles choisie(s) par les parties sans l’aide d’un interprète. En d’autres mots, la Commission a plaidé que la CSC devrait réexaminer et renverser une tétralogie d’arrêts rendus en 1986 et 1988 et conclure que le droit d’« employer » le français ou l’anglais devant un tribunal des TNO, garanti par le par. 9(1) de la Loi sur les langues officielles des TNO, inclut le droit d’être entendu par des juges qui comprennent l’une ou l’autre langue officielle ou les deux sans l’aide d’un interprète.

La Commission a aussi plaidé que si la CSC conclut que le par. 9(1) ne crée pas de telles obligations à l’endroit des tribunaux, le par. 9(1) serait incompatible avec le par. 19(1) de la Canadian Charter qui, selon la Commission, garantirait également le droit d’employer le français ou l’anglais, devant tout tribunal créé par le Parlement, et qui garantirait le droit d’être entendu par un juge qui comprend la langue officielle dans laquelle une partie s’exprime sans l’aide d’un interprète.

Sur l’art. 23, les demandes d’admission des parents (qui ont été refusées) ont été présentées en vertu du pouvoir discrétionnaire résiduel du ministre, malgré le fait que ces familles ne respectaient pas les critères énoncés dans la Directive du territoire. Les appelants soutiennent que dans son processus décisionnel, la Ministre devait tenir compte du triple objet de l’art. 23 (ou des valeurs qui le sous-tendent ou des intérêts qu’il protège). Les appelants ne demandent pas à la CSC de conférer à la Commission le pouvoir unilatéral de gérer les admissions à ses écoles. La CSC a déjà décidé en 2015 (dans un autre litige visant le Yukon) qu’en l’absence d’une délégation de ce pouvoir à la commission scolaire, ce sont les gouvernements des provinces et territoires qui détiennent le pouvoir d’accepter ou de refuser d’admettre à une école de l’art. 23 des enfants dont aucun parent n’est titulaire de droits. La CSC a précisé toutefois dans cette décision de 2015 que cette discrétion ne peut être exercée d’une manière qui « fait obstacle à la réalisation de l’objet de l’art. 23 ». Selon la Commission, avec le pouvoir de gérer les admissions des écoles de l’art. 23 vient forcement le devoir de s’en acquitter dans le respect a) des droits des titulaires de droits dont les enfants fréquentent une école de l’art. 23, b) de la raison d’être de l’art. 23 et c) de l’objet des droits linguistiques, soit « le maintien et l’épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada ».

Les questions soulevées par cette affaire interpellaient plusieurs intervenants du monde des langues officielles et plusieurs organismes ont demandé le statut d’intervenant devant la CSC. La permission d’intervenir a été accordée à la Chaire de recherche sur la francophonie canadienne en droits et enjeux linguistiques, au Commissaire aux langues officielles du Canada, à la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, à la Commission nationale des parents francophones, à la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, et à la Commission scolaire francophone du Yukon.

Quatre procureurs généraux (Manitoba, Yukon, Québec et Canada) ont choisi d’intervenir dans l’affaire.

Le procureur général du Canada est intervenu uniquement à l’égard de la question constitutionnelle en cause dans cette affaire, soit « Le paragraphe 9(1) de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest est-il inopérant dans la mesure de son incompatibilité avec le paragraphe 19(1) de la Canadian Charter? ». Il a abordé, sans prendre position, la portée de ces dispositions quant au droit d’employer le français ou l’anglais devant les tribunaux, sans se prononcer sur les questions relatives à l’instruction dans la langue de la minorité.

La CSC a pris l’affaire en délibéré. Tous s’entendent pour dire que la décision de la CSC pourrait avoir des répercussions majeures sur l’avenir des écoles de la minorité et sur l’administration de la justice à travers le pays.

À suivre!

L’accompagnement sociojuridique, pour un meilleur accès à la justice

Le secteur de l’accès à la justice s’intéresse de plus en plus à l’accompagnement sociojuridique. L’accompagnement sociojuridique peut être considéré comme un ensemble de moyens extra-judiciaires (p.ex. soutien émotionnel et culturel, renseignements, orientation, obtention de formulaires) aidant le justiciable à naviguer le système juridique selon ses besoins spécifiques, de manière à [traduction] « soutenir son bien-être »Note de bas de page 4.

Ces services sont utilisés par un large éventail de personnes, dont certains nouveaux arrivants au Canada. Étant généralement moins familiers avec le système de justice canadien et plus vulnérables par leur statut migratoire, les nouveaux arrivants au Canada présentent des besoins d’informations ou de conseils juridiques urgents. D’ailleurs, les communautés de langues officielles en situation minoritaire accueillent beaucoup de nouveaux arrivants francophones. De fait, le 23 janvier 2022, le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada a déclaré les cibles d’immigration francophone, initialement établies en 2003, atteintesNote de bas de page 5. Cette annonce met en lumière la démographie changeante des communautés qui accueillent beaucoup de nouveaux arrivants francophones. Les communautés, mais aussi plusieurs secteurs d’activités, tentent de s’adapter à ce changement démographique tout en se demandant « comment soutenir ces nouveaux arrivants? » et « par quels moyens? ».

L’accès à des services d’information juridique n’est pas toujours facile; celui-ci dépend du niveau d’intégration sociale acquis et de la capacité du système à fournir ces services, notamment dans des coûts et des délais raisonnables. Effectivement, « les questions juridiques sont souvent intégrées à un ensemble d’autres problèmes qui peuvent toucher de nombreux domaines de la vie, dont le logement, l’emploi, l’éducation et la santé. Il importe donc grandement de régler ces problèmes dès que possible »Note de bas de page 6. De façon concomitante, plusieurs facteurs peuvent empêcher la personne immigrante de se qualifier pour obtenir des services d’aide juridique. Lorsque les problèmes ne peuvent être réglés de manière traditionnelle, c’est-à-dire par un moyen strictement juridique, il est important, « sur le plan social, d’avoir en place des mécanismes » pour aider autrement le justiciableNote de bas de page 7.

Dans le passé, Justice Canada a étudié « la mise en place d’un réseau de services d’accès à la justice qui regrouperait tous les services utiles compte tenu des problèmes interreliés éprouvés par les personnes »Note de bas de page 8. Bien que le secteur de l’accès à la justice soit depuis longtemps favorable à offrir un soutien [traduction] « holistique »Note de bas de page 9 aux justiciables, certaines études montrent que la mise en place de services d’accompagnement sociojuridique représente un défi de taille. Chose certaine, « l’élaboration et la mise en œuvre continues de nouveaux programmes d’accompagnement permettront d’accroître l’accès à la justice, d’aider les justiciables non représentés à différentes étapes de leur parcours judiciaire, et de fournir des programmes spécialisés aux personnes les plus vulnérables »Note de bas de page 10, notamment aux personnes immigrantes en quête d’équité.

Annonces

Retraite

Guy Jourdain – Un pilier de la communauté juridique de la francophonie canadienne, Me Guy Jourdain, a pris sa retraite de son poste de directeur général de l’Association des juristes d’expression française du Manitoba (AJEFM). Me Jourdain a obtenu son baccalauréat en droit civil à l’Université de Montréal et son baccalauréat en common law à l’Université du Manitoba. Il est membre du Barreau du Québec et du Barreau du Manitoba. Me Jourdain a occupé divers rôles où la langue et le droit se croisent, comme ceux d’avocat, de traducteur juridique, de directeur de l’Institut Joseph-Dubuc, de professeur de traduction et de coordonnateur de l’AJEFM. Il a travaillé de 2001 à 2012 comme directeur général au Secrétariat des affaires francophones du gouvernement du Manitoba. Il a poursuivi sa carrière en langues et en droit au ministère de la Justice du Manitoba à titre de chef du Service de traduction juridique de 2012 à 2015. Il a ensuite travaillé de 2015 à 2018 comme représentant du Commissaire aux langues officielles du Canada pour la région du Manitoba et de la Saskatchewan. En 2019, il est retourné à l’AJEFM pour occuper le poste de directeur général jusqu’en 2022. Nous souhaitons à Me Jourdain une bonne retraite!

Sabine Derbier – Mme Derbier a pris une retraite bien méritée en septembre 2022. Mme Derbier était la gestionnaire et la coordonnatrice ministérielle des Services en français pour le Secteur de la justice (procureur général) auprès du gouvernement de l’Ontario. Elle a contribué régulièrement aux réunions du Groupe de travail FPT, assumant le rôle de coprésidente de 2020 à 2022. Son enthousiasme pour les langues officielles nous manquera. Bon succès dans vos projets futurs, Mme Derbier!

Diane Dagenais – Diane Dagenais, directrice adjointe (Droit de l’immigration) au bureau régional de l’Ontario de Justice Canada à Toronto et coordonnatrice du Réseau 41 pour l’Ontario, a pris sa retraite en janvier 2023. Me Dagenais s’est jointe à Justice Canada en 1995. Elle a contribué de manière importante aux activités de langues officielles au sein du ministère, étant membre du Réseau 41 depuis 2009. L’enthousiasme et la contribution de Me Dagenais aux langues officielles et au ministère nous manqueront grandement. Bonne retraite, Me Dagenais!

Nouveaux rôles

Sacha Baharmand – Nous annonçons, avec des sentiments partagés, la promotion de Sacha Baharmand au sein de Justice Canada, et donc son départ de la DLO. Me Baharmand a travaillé à la DLO de février 2014 à septembre 2022 en tant que conseiller juridique, avocat-conseil et directeur adjoint. Il a joué un rôle clé dans le Groupe de travail FPT, le Comité consultatif et le Réseau des coordonnateurs 41. Le dévouement, le professionnalisme et la passion de Me Baharmand pour les langues officielles nous manqueront, mais continueront de nous inspirer dans notre travail.

Karina Desmarais Yelle – Nous annonçons avec beaucoup d’enthousiasme la nomination de Karina Desmarais Yelle au poste de directrice adjointe et avocate-conseil au sein de la DLO. Me Desmarais Yelle a travaillé auparavant en tant qu’avocate à la DLO et y retourne après avoir travaillé pendant deux ans au Service administratif des tribunaux judiciaires et à la Cour fédérale du Canada. Bon retour, Me Desmarais Yelle!

JeuLO

  1. Combien de pays utilisent le français comme langue officielle?
    A) 29     B) 35     C) 50
  2. Les modifications de 2019 au Règlement sur les langues officielles-communications avec le public et prestation des services pourraient donner lieu à combien de nouveaux bureaux bilingues? Environ :
    A) 300     B) 500     C) 700

Réponses :

  1. A) 29. De nombreux pays partout dans monde utilisent le français comme l’une de leurs langues officielles.
  2. C) Environ 700

Si, contrairement à nos abonnés, vous ne recevez pas le Bulletin en ligne, ajoutez votre adresse électronique à notre liste de distribution!

Justice en langues officielles
Direction des langues officielles
Secteur du droit public et des services législatifs
Ministère de la Justice Canada
Téléphone: 613-946-3120
Justice en langues officielles
Page web JELO