Consultations sur l'aide médicale à mourir - Résumé des résultats et des principales constatations

Résumé

Les ministres de la Justice et de la Santé ont officiellement créé le Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada (le Comité) le 17 juillet 2015. Le Comité avait pour mandat de tenir des discussions avec les intervenants dans la cause Carter et avec « les autorités médicales concernées », et de mener une consultation en ligne ouverte à tous les Canadiens et autres parties intéressées. Selon un échéancier ambitieux de cinq mois, le Comité a tenu des discussions approfondies sur l'aide médicale à mourir avec des parties intéressées et des experts, tant au Canada qu'à l'étranger. Ce rapport présente un résumé des résultats et des principales constatations issus des consultations directes et en ligne menées par le Comité.

Les activités de consultation du Comité se sont concentrées sur les enjeux essentiels en vue d'une réponse législative fédérale à la décision Carter, tel que spécifié dans le mandat du Comité :

Le rapport débute par un examen du contexte juridique dans lequel s'inscrit Carter c. Canada, des enjeux soulevés devant la Cour et de l'issue de la cause. Cette section présente également les domaines de droit pertinents aux enjeux dont il est question dans Carter et décrit le raisonnement de la Cour suprême. La décision rendue par la Cour suprême a constitué le fondement tant des consultations que du présent rapport. Le Comité exprime sa déférence sans réserve à la Cour suprême du Canada et son respect pour la suprématie du Parlement qui décidera à terme de la réponse du Canada à la décision Carter.

Le Comité a sollicité un vaste éventail de perspectives diverses afin de s'assurer que les discussions entourant l'accès à l'aide médicale à mourir et les mesures de sauvegarde visant à protéger les personnes vulnérables soient éclairées par les points de vue de plusieurs : les patients, les familles, les groupes intéressés et les membres des équipes multidisciplinaires de soins de santé. Un autre aspect important de l'examen du Comité est venu de juridictions où diverses formes d'aide médicale à mourir sont légales. La chronologie détaillée des activités du Comité, présentée en annexe, contribue à démontrer le volume et l'étendue de son examen.

Au cours de son mandat, le Comité a tenu des rencontres avec 73 experts individuels au Canada, aux États-Unis, aux Pays-Bas, en Belgique et en Suisse. Du 20 octobre au 6 novembre 2015, le Comité a mené des consultations directes auprès de 92 représentants issus de 46 organisations canadiennes (intervenants, autorités médicales et autres parties intéressées). Le Comité a également reçu et étudié 321 mémoires rédigés par des organisations de la société civile, des universitaires et des particuliers.

Pour solliciter les points de vue en ligne, le Comité a publié un questionnaire - le Cahier de questions -sur son site Web du 20 août au 23 novembre 2015. Au total, 14 949 individus ont rempli le questionnaire, fournissant au Comité des données précieuses détaillant la diversité de points de vue des Canadiens concernant la mise en œuvre de l'aide médicale à mourir. Le total inclut un échantillon représentatif à l'échelle nationale de 2 066 Canadiens.

Le Comité a embauché un expert indépendant pour qu'il procède à une évaluation des conclusions pouvant être tirées de façon fiable à partir des données recueillies, et pour qu'il en guide l'interprétation. L'évaluation de Richard Jenkins, Ph.D., indique que le Comité « peut et devrait utiliser les résultats de la consultation [...] comme un reflet des différents points de vue des Canadiens sur le sujet ». Son évaluation complète figure à l'Annexe B du rapport du Comité.

Le Rapport des résultats du Cahier de questions (Annexe A) fournit une riche source de renseignements et de points de vue, entre autres :

La partie centrale du rapport est structurée de manière à suivre le processus potentiel à travers lequel un individu cherchant à obtenir l'aide médicale à mourir devrait naviguer, soit : des discussions concernant la demande et l'admissibilité, le processus d'évaluation de la demande, les moyens de déterminer si la demande sera accordée, et diverses questions liées au fait de dispenser l'aide médicale à mourir.

En étape préalable, le rapport examine la terminologie utilisée pour faire référence aux procédures qui ne seront désormais plus prohibées suite à la décision Carter. Observant que la Cour suprême du Canada a adopté le terme d'aide médicale à mourir/à la mort sans faire davantage d'observations quant à la terminologie, le Comité a suivi la même approche. Les termes aide médicale à mourir et aide médicale à la mort sont utilisés de manière interchangeable tout au long du rapport. Au cours de ses consultations, le Comité a toutefois appris que nombre de défenseurs dans le domaine des soins de santé et de la société civile préfèrent d'autres expressions, certaines davantage explicites - comme suicide assisté et euthanasie volontaire - et d'autres plus particulières - comme mort précipitée par un médecin, ou médicament fourni ou administré par un médecin pour induire le décès. Les connotations, sens et implications de ces différentes approches sont examinés dans le rapport.

Une personne cherchant à obtenir l'aide médicale à mourir doit rencontrer les critères d'admissibilité énoncés par la Cour suprême dans l'arrêt Carter. Selon la Cour, une personne admissible est :

une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa conditionNote de bas de page 1.

S'appuyant sur cette déclaration, le rapport débute en examinant la question de qui sera admissible à demander et à recevoir l'aide médicale à mourir. Cet examen révèle un éventail de points de vue souvent divergents sur une foule de questions liées, telles que :

  1. Qui peut être reconnu comme une personne adulte?
  2. Qui est « capable » en ce qui concerne la décision de demander l'aide médicale à mourir?
  3. Que signifie un « problème de santé grave et irrémédiable »?
  4. Qu'entend-on par « lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables »?
  5. Comment peut-on garantir la nature volontaire d'une demande?

Le Comité a examiné ces questions et de nombreuses autres sans tirer de conclusions fermes, dans un souci de représenter les multiples points de vue et de soutenir le développement d'une réponse législative efficace à Carter.

Le rapport examine ensuite des paramètres possibles pour la demande en soi, étudiant les observations présentées par les intervenants ayant mis l'accent sur l'exigence de la Cour voulant que la demande provienne de la personne cherchant à obtenir l'aide médicale à mourir. Les intervenants et autres groupes intéressés ont partagé leurs points de vue au sujet de la manière de communiquer la demande et du nombre de demandes nécessaires, de la présence d'un témoin indépendant, et du rôle - s'il y a lieu - que les membres de la famille devraient jouer dans le processus.

Une fois qu'une demande est présentée, une évaluation doit être réalisée pour établir l'admissibilité et déterminer si la demande est réellement volontaire. En harmonie avec des soins médicaux de qualité, ces processus exigent qu'on examine attentivement les souffrances d'un individu et qu'on évalue les options thérapeutiques. Une majorité des intervenants ont indiqué qu'il devrait revenir au médecin de la personne de procéder à l'évaluation, comme cela se fait dans la plupart des juridictions où l'aide médicale à mourir est autorisée. Le rapport examine les propositions soumises en vue de procéder à de possibles évaluations supplémentaires ou complémentaires, par exemple l'évaluation d'un second médecin ou d'un spécialiste en soins palliatifs ou en psychiatrie. Certains intervenants ont suggéré que les évaluations impliquent d'autres professionnels, notamment des infirmiers, des pharmaciens, des intervenants en soins spirituels et des aînés autochtones. Le Comité a également entendu des demandes visant la participation de travailleurs sociaux ou de psychologues qui contribueraient à évaluer les déterminants sociaux de la santé pouvant compromettre l'autonomie d'une personne vulnérable aux abus, à la coercition ou à une influence indue, et à y répondre.

Une section du rapport porte sur les aspects juridiques, éthiques et cliniques du consentement éclairé - une mesure de sauvegarde fondamentale. La section décrit également divers points de vue quant à la période d'attente entre les demandes, une autre mesure de sauvegarde. Plusieurs intervenants croient qu'une période d'attente, obligatoire ou discrétionnaire, pourrait contribuer à garantir que le choix de l'aide médicale à mourir ne soit pas un réflexe, mais une volonté dûment réfléchie. Comme dans les autres sections du rapport, les contributions réfléchies et raisonnées des groupes que le Comité a rencontrés servent de toile à la gamme d'approches possibles.

Le Comité aborde ensuite la question litigieuse à savoir qui prendra la décision finale en réponse à une demande d'aide médicale à mourir. Le Comité met en lumière les diverses options entendues lors des consultations. Certains intervenants exigeraient l'autorisation formelle d'un juge, d'un tribunal ou d'un comité spécialisé, alors que d'autres sont d'avis qu'il vaut mieux laisser de telles décisions à la personne et au médecin.

Dans les chapitres suivants de son rapport, le Comité examine les enjeux de la participation des professionnels de la santé et du respect d'un éventuel régime, y compris la question importante de la protection de la liberté de conscience. La décision Carter établit clairement qu'aucun médecin ne sera contraint de dispenser une aide à mourir s'il s'y objecte. Plusieurs intervenants et parties intéressées ont fourni une contribution très détaillée, notamment à propos de l'obligation d'un médecin de diriger un patient vers un autre médecin s'il s'objecte à dispenser l'aide médicale à mourir pour des raisons de conscience. Ici encore, les points de vue divergent considérablement. Le rapport examine aussi l'obligation d'informer une personne des sources vers lesquelles elle peut se tourner pour obtenir de l'assistance en matière d'aide médicale à mourir. Cette section traite également de la formation et de la certification appropriées pour les médecins, ainsi que des protections juridiques pour ceux qui respectent de bonne foi les protocoles liés à l'aide médicale à mourir.

Une section essentielle du rapport identifie un résultat frappant des consultations, à savoir que la vaste majorité des participants soutenaient - sans réserve - que la priorité devrait être de mettre en place un système efficace de supervision. Les groupes de défense d'intérêts, les organismes de réglementation des professions de la santé, les groupes qui appuient l'aide médicale à mourir et ceux qui s'y opposent étaient tous d'avis qu'il fallait des mécanismes pour s'assurer que l'aide médicale à mourir soit administrée de manière transparente, efficace et digne de confiance. Le Comité présente ses constatations sur les mécanismes de supervision existants, et traite du rôle de leadership que les gouvernements peuvent jouer en mettant en œuvre un mécanisme de supervision fort, moderne et novateur. Bien que certains groupes, reconnaissant le rôle provincial en santé, préconisent des organes de surveillance provinciaux et territoriaux, la plupart sont en faveur d'une approche pancanadienne qui mènerait à une politique cohérente dans l'ensemble du pays.

Avant de conclure son rapport, le Comité livre son point de vue sur la question plus vaste des soins de fin de vie, insistant particulièrement, et de manière cohérente avec ce qu'il a entendu au cours de ses consultations, sur l'urgente nécessité d'améliorer l'accès à d'excellents soins palliatifs à travers le Canada. Le Comité a entendu à plusieurs reprises qu'une demande d'aide médicale à mourir ne pouvait être véritablement volontaire si la possibilité d'avoir accès à des soins palliatifs appropriés n'était pas disponible pour alléger les souffrances d'une personne.

Comme le montrent clairement l'éventail et la complexité des enjeux décrits dans ce rapport, répondre à la décision prise par la Cour suprême dans l'arrêt Carter exige de nos gouvernements et de nos organismes de réglementation de la médecine de très nombreuses délibérations et décisions. Parmi les revendications et les arguments concurrents devant être réglés dans ces déterminations, rien n'est plus fondamental que l'enjeu identifié comme l'élément central de la décision de la Cour suprême, à savoir pondérer des valeurs opposées d'une grande importance. « D'une part », écrit la Cour, « il y a l'autonomie et la dignité d'un adulte capable qui cherche dans la mort un remède à des problèmes de santé graves et irrémédiables. D'autre part, il y a le caractère sacré de la vie et la nécessité de protéger les personnes vulnérables ». Le Comité espère que les contributions de milliers de Canadiens, dont les points de vue sont reflétés dans ce rapport, aideront les ministres de la Justice et de la Santé à l'approche de la prochaine et dernière phase d'une réponse à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Carter.