Rapport sommaire : Consultations publiques auprès de communautés ethnoculturelles et religieuses au sujet de l'impact de la Loi antiterroriste

29 novembre 2004
Ottawa, Ontario


Le présent document est un résumé des opinions exprimées par les participants, et il ne représente pas les opinions du ministère de la Justice ou du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada.


Séance plénière portant sur les 1er et 2e thèmes de discussion

Quel impact la Loi antiterroriste a-t-elle eu sur les membres de votre communauté? Votre organisme a-t-il mené des recherches ou des enquêtes sur cet impact?

Le vice-président pour le Canada de la Muslim Students Association of the United States and Canada a cité un Énoncé sommaire de position, disponible sur la table de documentation, et appuyé par bon nombre des organismes participant à la consultation[1]. Il a affirmé que son organisme se préoccupait tout particulièrement du profilage à la frontière, mais aussi, entre autres, des conséquences que subissent les étudiants du fait de leur activité politique ou de leur participation à des activités pacifistes sur les campus, de la pratique consistant à inscrire sur différentes listes les noms des participants à des programmes d'échanges d'étudiants, et du harcèlement des étudiants par les corps policiers. La Muslim Students Association compile des données sur ces questions en vue de les présenter lors de l'examen parlementaire.

Le représentant de la Coalition des organisations musulmanes, qui regroupe trente organismes membres, a exprimé des préoccupations au sujet des arrestations d'individus sans mandat et du refus signifié à un accusé de communiquer avec un avocat. Il s'est ensuite dit préoccupé des frissons que ressentent les gens qui envoient des fonds à leurs familles. Bon nombre d'agences de transfert de fonds sont devenus craintives, et certaines personnes ont maintenant peur d'envoyer de l'argent à leur propre mère. Selon lui, la communauté musulmane canadienne estime qu'elle a été prise à partie et humiliée par son propre gouvernement, en particulier par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Faisant allusion aux commentaires du Ministre au sujet de la protection des minorités, il a recommandé que les musulmans soient aussi reconnus et protégés en tant que groupe minoritaire.

Le président (Toronto) de la Canadian Muslim Lawyers' Association a affirmé que très peu de gens au sein de sa communauté avaient lu la Loi antiterroriste et que peu d'entre eux étaient capables de la comprendre. Les gens ont aussi du mal à faire une distinction entre l'impact de la Loi et ce qu'ils perçoivent comme les répercussions générales du 11 septembre 2001. Bon nombre des membres de la communauté ont l'impression qu'il n'y a pas eu de consultations sur le fond avant l'annonce de la Politique de la sécurité nationale. Il a exprimé des préoccupations de trois ordres. Sa principale préoccupation concerne la manière dont le SCRS et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) abordent les gens lors de leurs enquêtes. Ces gens sont sous surveillance, mais ne sont pas accusés. La Muslim Lawyers' Association offre des conseils juridiques gratuits aux personnes qui sont approchées pour être interrogées. Bien souvent, lorsque le SCRS et la GRC ont convoqué une personne à un entretien en vue de recueillir des renseignements et que cette personne a ensuite communiqué avec le service juridique de l'Association pour obtenir des conseils juridiques, les agents ont annulé l'entretien après que le service juridique eut insisté pour assister à l'entretien aux côtés de ses clients. Bien que le SCRS ait pour mission de recueillir des renseignements et non de mener des enquêtes criminelles, l'individu moyen n'arrive pas à faire la différence entre le SCRS et la GRC ni entre leurs missions respectives. Le deuxième sujet de préoccupation concerne les obligations en matière de déclarations qui incombent aux entreprises de transfert de fonds et la façon dont ces entreprises sont traitées par les banques. Le troisième sujet de préoccupation au sein de la communauté musulmane est l'impact de la surveillance et des enquêtes sur les organismes de bienfaisance, leurs donateurs et leurs donateurs potentiels.

Le représentant choisi pour parler au nom des Initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice est aussi un représentant de l'Indigenous Network on Economies and Trade, mais il ne participait pas à la consultation en cette qualité. Il s'est dit préoccupé par le fait qu'aucun groupe autochtone n'avait été invité à la consultation, et il a affirmé que la Loi antiterroriste a un impact considérable sur les peuples autochtones au Canada. Il a affirmé que l'arrestation de 50 manifestants au Sun Peak Resort en Colombie-Britannique constituait un exemple de l'usage de la Loi antiterroriste[2].

La directrice exécutive de l'African Canadian Legal Clinic a dit que la Loi antiterroriste avait suscité de sérieuses préoccupations au sein de la communauté afro-canadienne. Les inquiétudes de son organisme se rapportent à une augmentation de la fréquence des interpellations et des fouilles et des interpellations et fouilles secondaires, en particulier dans les aéroports. Selon elle, de nombreuses personnes ont fait l'objet de traitements embarrassants et honteux, notamment lorsqu'ils sont sommés de se déchausser et de se dévêtir et subissent une fouille corporelle et une fouille de leurs vêtements. Elle a dit que la même chose vaut aussi pour les Afro-américains qui viennent en visite au Canada, et elle a dit qu'il y avait eu un nombre effarant de plaintes. Les communautés somaliennes et rastafariennes se sentent toutes deux visées, surtout les Afro-canadiens de sexe masculin. De même, on relève des cas fréquents d'interrogatoires, de vérifications et de harcèlement dans les banques. Les personnes se voient demander un plus grand nombre de pièces d'identité, on les interrogent au sujet de leurs dépôts, et la police et les agents de sécurités sont appelés. Elle a conclu en disant que la Loi antiterroriste favorisait le profilage racial.

Le représentant de l'Association Inde-Canada a dit craindre que le Canada ne perde son indépendance en se rangeant derrière ses voisins américains. Il a dit que ses préoccupations concernaient tous les gens à la peau brune ou noire, puisque les gens ont du mal à différencier les groupes. Un quart de la population de l'Inde est musulmane, et les musulmans canadiens d'origine indienne ont leur propre philosophie. Il a lui aussi décrit le profilage racial comme un problème important.

Le président de la World Sikh Organization a affirmé que tant les réalisations antérieures que le leadership international du Canada en matière de préservation et de protection des droits de la personne étaient pour lui une source de fierté. Il a fait valoir que les gouvernements avaient l'obligation et le devoir de se porter garants de la liberté. La World Sikh Organization est inondée de demandes formulées par des gens qui la prient de documenter de nombreux incidents signalés de violence, de haine et d'oppression qui sont trop souvent passés sous silence par les médias grand public. Les sikhs et les musulmans se trouvent dans une position peu enviable où ils doivent éduquer et rééduquer des générations de leurs compatriotes. Il a parlé de fouilles humiliantes de sikhs à la frontière, et de la nécessité de donner une formation rigoureuse en matière de sensibilisation à la diversité culturelle aux gens qui travaillent aux frontières. Malgré une histoire exceptionnelle de non-violence, les sikhs ne peuvent plus voyager à bord d'avions, de bateaux ou de trains sans subir d'atteintes à leur intégrité religieuse. Les enfants sont confrontés à de l'hostilité dans les écoles, à bord des autobus et dans l'intimité de leurs propres salons.

Le vice-président exécutif de B'nai Brith a souligné la réalité du terrorisme au sein de sa communauté. Il a exprimé l'avis que le gouvernement ne saisit pas parfaitement les conséquences du terrorisme. Selon lui, si le Canada a été épargné jusqu'à présent, la seule question qui se pose à l'heure actuelle est celle de savoir quand et où le terrorisme frappera au pays. Il a dit que la communauté juive était la minorité la plus vulnérable, puisqu'elle a été la cible du terrorisme partout dans le monde. Il a remis en question la décision de désigner seulement 35 groupes terroristes alors que l'Institut Mackenzie avait dressé une liste d'au moins 50 organisations terroristes en 2003. Il a affirmé qu'il y a un manque de volonté nationale de prendre la question du terrorisme très au sérieux ou de financer adéquatement les forces de l'ordre afin que celles-ci disposent de ressources suffisantes et ne commettent pas d'erreurs. Il a conclu en disant qu'il souhaitait qu'on applique la Loi antiterroriste, et non qu'on en édulcore les dispositions.

Le directeur général du Congrès juif canadien a affirmé que les particuliers et les communautés ont une double crainte : ils craignent d'être victimes du terrorisme, et ils craignent aussi d'être victimes de mesures antiterroristes. Il a rappelé au groupe que le Canada est le seul pays de la liste de Ben Laden qui n'a pas encore été attaqué. Les Canadiens juifs, en particulier, craignent d'être des victimes potentielles du terrorisme, puisqu'ils appartiennent à la seule communauté ethno-religieuse à avoir été désignée publiquement comme cible pour des actes de violence terroriste internationale par les disciples de Ben Laden. En août 1999, deux membres d'une cellule algérienne à Montréal ont évoqué la possibilité de faire exploser un camion-citerne à carburant au milieu d'une intersection fréquentée par une communauté importante de Juifs orthodoxes. Une école juive montréalaise a récemment été attaquée à la bombe incendiaire. Selon lui, la Loi antiterroriste lance un message rassurant et contribue à apaiser les craintes des communautés juives d'être la cible du terrorisme.

Selon le directeur général du Somali Centre for Family Services, la Loi antiterroriste donne les pleins pouvoirs et tous les moyens aux organismes canadiens d'application de la loi, tels que le SCRS, la GRC, les corps policiers locaux et les agents des douanes. Ces entités surveillent, profilent et ciblent certains groupes parce qu'ils sont différents. Il a soutenu que la Loi antiterroriste confère des pouvoirs extraordinaires et que l'exercice de ces pouvoirs est dangereux pour la communauté musulmane, particulièrement la communauté somalienne. Selon le directeur général, de nombreux incidents ne sont jamais signalés parce que les victimes sont trop timides pour parler. De nombreuses personnes ont déjà vécu une telle victimisation dans leurs pays d'origine et pensent que personne ne peut les aider. Il y a eu des interrogatoires abusifs et des incidents de fouille à nu et d'humiliation de la part d'agents des douanes dans des aéroports. Des femmes ont été forcées d'enlever leur hidjab dans des aéroports et à des postes frontière. Des hommes portant des barbes longues ou des vêtements différents ont été ciblés.

La directrice générale du Conseil ethnoculturel canadien a commencé par souligner les travaux importants réalisés par la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiques. Elle a précisé que son organisme est un organisme cadre qui ne travaille pas nécessairement en première ligne, mais qui a tout de même des éléments de preuve anecdotique à rapporter. Elle a affirmé qu'il se pourrait que plusieurs années s'écoulent avant que l'on puisse cerner l'impact de la Loi antiterroriste sur différentes communautés. Pour illustrer son propos, elle a cité la situation qui existait au Canada durant la Seconde Guerre mondiale, époque à laquelle des personnes ont beaucoup souffert d'être arrêtées, détenues, puis internées. À la suite de ces événements, nombre de personnes ont perdu leur emploi et leurs moyens de subsistance, et certaines ont pris plusieurs années à s'en remettre. Elle a affirmé que bien que l'on puisse dire qu'il s'agissait-là d'une époque extrême et de mesures extrêmes, il n'en demeure pas moins que de nombreuses personnes innocentes ont été victimisées du seul fait de leur appartenance à un groupe ethnique. La directrice générale a ajouté que la « sécurité » demeure encore le critère primordial pour déterminer la capacité des gens à contribuer et à participer à la vie canadienne. Elle a cité en exemple le processus d'embauche du gouvernement fédéral, qui comporte notamment un contrôle sécuritaire et des questions au sujet des croyances et des fréquentations du candidat. Les gens se sentent ostracisés et surveillés, a-t-elle dit. Il est difficile de se trouver un emploi, et les gens s'inquiètent pour leurs enfants.

Le représentant du National Anti-Racism Council of Canada a dit partager bon nombre des préoccupations qui avaient été évoquées, et il a dit appuyer tout particulièrement l'Énoncé sommaire de position. Il a soutenu que certaines dispositions législatives sont formulées de manière raciste en réaction à une hystérie exagérée. Il a souligné que 2004 marquait le dixième anniversaire du projet de loi C-44, le projet de loi sur « le juste dû », dont il a soutenu que la disposition relative au « danger pour le public » avait été mise en œuvre de manière raciste. Selon lui, la Loi antiterroriste alimente aussi un climat généralisé de peur exagérée et de xénophobie ethnique et religieuse, non seulement du fait du libellé de la Loi antiterroriste, mais aussi de par la manière dont elle est mise en œuvre dans la pratique.

Le représentant de la Sri Lanka United National Association s'est dit préoccupé et frustré par le fait que le gouvernement semble ne pas oser inscrire les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET) sur la liste des organisations terroristes bannies. Il a dit que cette décision fait fi des préoccupations relatives aux TLET et à la sécurité de la population canadienne. Son organisme dénonce l'opportunisme politique inavoué des candidats qui cherchent à profiter d'appuis électoraux éventuels au sein de l'importante population tamoule au Canada. Il a conclu en disant que la sécurité du pays et des habitants devrait primer toute considération politique, et que les TLET devraient être désignés officiellement comme une organisation terroriste, comme c'est le cas aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie.

La présidente du Conseil national de femmes musulmanes a affirmé que la Loi antiterroriste avait suscité beaucoup de craintes, de discrimination, de stéréotypes et de racisme. Un projet de recherche communautaire participative terminé en 2002 a débouché sur le constat suivant : les femmes, les familles et les enfants ont été touchés de façon significative, et les membres de la communauté éprouvent de grandes craintes. Les membres des groupes de discussion ne comprenaient pas pourquoi des hommes avaient été emmenés de la maison ou pourquoi leurs comptes bancaires avaient été bloqués. Elle a affirmé que les deux ordres de gouvernement doivent travailler ensemble à tenter de résoudre ces problèmes. Elle a recommandé une plus grande ouverture au sujet du processus, et, à cet égard, elle a suggéré au gouvernement d'élaborer une fiche documentaire au sujet de la Loi antiterroriste et de la diffuser largement. Elle a conclu en disant que le Canada devrait élever davantage la voix sur la scène internationale contre le terrorisme appuyé par l'État.

La directrice générale de l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada a recommandé que l'on examine le programme de sécurité national et la Loi antiterroriste à travers le prisme des différences entre les sexes et de la diversité ethnique. De nombreuses personnes au sein des communautés immigrantes, surtout les femmes, sont apeurées et intimidées, selon elle. Celle-ci a affirmé que bon nombre des personnes qui sont des « consultés professionnels » sont de plus en plus lasses à force de constater que les dirigeants ne semblent pas tenir compte de leurs préoccupations. Elle a recommandé la création d'une brochure simple, offerte en plusieurs langues, pour apaiser bon nombre de craintes au sein de la communauté. Elle a souligné que les femmes immigrantes et les femmes appartenant à une minorité visible étaient particulièrement préoccupées par le dénigrement des organismes de bienfaisance. Beaucoup de femmes envoient de l'argent dans des pays où l'État est en déliquescence, souvent par le seul moyen disponible, à savoir les voies non officielles. La communauté a aussi souffert de profilage racial, et, pour des gens issus d'une culture de modestie, les fouilles sommaires dans les aéroports sont extrêmement humiliantes. Le programme de sécurité nationale est un exercice d'exclusion fondée sur l'ethnicité et la confession religieuse, a-t-elle conclu.

Le porte-parole du Congrès musulman canadien a décrit son organisme comme un groupe de musulmans qui appuient résolument le principe de la séparation entre la religion et l'État. Il a affirmé que le profilage racial fait partie intégrante de la Loi antiterroriste. Bien que le profilage racial ne figure pas dans le texte de la Loi, il transparaît dans l'esprit de la Loi, et cela découle notamment des stéréotypes raciaux qui existent. À son avis, tous sont à même de constater que la communauté musulmane a été ciblée. Il a ensuite souligné que jusqu'à présent, personne n'avait été déclaré coupable de la moindre infraction en vertu de la Loi antiterroriste, ce qui démontre à son avis que les autorités sont incompétentes, ou encore, que cette nouvelle loi n'était pas nécessaire. La troisième hypothèse avancée par lui est que, si aucune des deux propositions précédentes n'est vraie, alors le véritable objectif de la Loi antiterroriste était d'instaurer un climat de peur tant au sein de la communauté musulmane qu'au sein de la population générale. Pour illustrer son propos, il a cité comme exemple le fait qu'on avait demandé à la communauté musulmane d'identifier les suspects dans ses rangs ainsi qu'au sein de la population générale.

La directrice générale du Conseil canadien pour les réfugiés a affirmé que son organisme appuie l'Énoncé sommaire de position élaboré aux fins de la consultation par six des organismes invités. Elle a souligné la nécessité d'apprécier la Loi antiterroriste dans le contexte plus général des mesures de sécurité. Les mesures de sécurité sont souvent prises sous le régime d'application des lois sur l'immigration plutôt qu'au moyen du Code criminel, de sorte que peu des droits d'une personne sont reconnus. Elle a demandé pourquoi les groupes de défense des droits de la personne n'avaient pas été inclus dans cette consultation, compte tenu de leur capacité à obtenir des renseignements au sujet des incidences des mesures de sécurité sur les droits. Elle a affirmé que certains droits, comme le droit de ne pas être torturé, sont sacrifiés aux termes de la Loi et du fait d'autres mesures de sécurité. La Loi ne prévoit aucun recours pour les personnes lésées. La directrice générale a demandé ce que le gouvernement faisait pour corriger l'impression fausse qui règne au sein de la population générale qui confond Arabes, musulmans et terroristes. Elle a aussi critiqué la Politique de la sécurité nationale qui préconise une réforme du processus de détermination du statut de réfugié.

Le représentant de la Fédération canado-arabe a dit que son organisme souhaite vivement établir des rapports sur des bases nouvelles avec les ministères au sujet de la Loi antiterroriste et de l'ensemble du programme de sécurité. La Fédération ne dispose pas des ressources nécessaires pour effectuer des recherches, et ses demandes de ressources restent lettre morte. Selon lui, le programme de sécurité a modifié le paysage de la société très multiculturelle à laquelle aspire le Canada en niant les droits, les privilèges et les occasions inhérentes à une démocratie qui valorise la diversité culturelle. À titre d'exemples, il a évoqué les interrogatoires injustifiés et les abus qui surviennent à la frontière, de même que la détention pour une période indéterminée et la perte de la citoyenneté par des Canadiens nés à l'étranger sur le fondement d'éléments de preuve secrets. Le représentant a affirmé que la communauté arabe se sent marginalisée, ciblée, prise à partie, maltraitée et victime de discrimination. Il a conclu en disant que le programme de sécurité devrait être abordé collectivement, en ayant à l'esprit la sécurité de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes, et ce, en vue de forger un destin commun avec grandeur et courage.

La directrice générale de la Fondation canadienne des relations raciales a expliqué que son organisme avait été fondé dans le cadre de l'entente signée avec l'Association des Canadiens japonais en vue d'accorder réparation aux Canadiens d'origine japonaise, avec pour mission d'agir comme organisme de surveillance et comme service de ressources documentaires offert aux personnes souhaitant dénoncer certains faits. La Fondation canadienne des relations raciales a recueilli énormément d'information au sujet de la surveillance et du profilage, notamment des rapports de recherche tels que ceux produits par l'African Canadian Legal Clinic. Elle a mentionné différentes atteintes que la Loi antiterroriste portait et était susceptible de porter aux droits de la personne, et elle a plaidé en faveur d'une clause de temporarisation. La formation des policiers et des douaniers est aussi importante. Elle a dit espérer qu'au cours de la préparation de l'examen parlementaire de la Loi antiterroriste, on inviterait les groupes représentatifs ayant participé à la consultation à faire valoir leurs points de vue et qu'on leur accorderait un délai, un soutien et des ressources suffisants pour rédiger leurs mémoires.

La directrice, Droit et politiques publiques, de l'Alliance évangélique du Canada, a soulevé la question des organismes de développement et de secours. Elle a affirmé qu'il y a eu un effet paralysant sur plusieurs projets dans des régions sensibles comme la Palestine et l'Afghanistan, malgré les grands besoins d'assistance dans ces régions. Selon elle, les groupes qui reçoivent des fonds de l'ACDI sont assujettis à davantage d'exigences documentaires et de mesures de contrôle.

Le directeur général du Conseil des relations américano-islamiques Canada a recommandé que l'examen parlementaire soit holistique et aille au-delà de la Loi antiterroriste pour inclure des thèmes tels que la primauté du droit, les droits des minorités et les droits constitutionnels. Selon lui, si l'analyse se limite à l'application de la Loi au sens strict, la réalité de la Loi sera éclipsée, et l'examen ne constituera pas un indicateur fiable de l'impact de la Loi. Il a soutenu que la Loi institutionnalise certaines normes et valeurs qui portent atteinte à la primauté du droit - que ce cadre normatif sanctionne des actes et des comportements discriminatoires. Il a cité comme exemple le fait d'interroger des individus sur la fréquence à laquelle ils prient. Il dit que l'inclusion de la religion et de l'idéologie dans la définition du terme « activité terroriste » mène à des interrogatoires qui prennent des allures de pêche aux renseignements. Il a aussi soutenu que le manque de surveillance et de contrôle des dispositions de la Loi relatives à l'établissement de listes a eu des conséquences négatives pour certains individus, comme Liban Hussein à Ottawa. Il a soulevé la question des arrestations sans mandat et l'effet produit sur les individus qui se sentent obligés de parler lorsqu'ils reçoivent la visite du SCRS ou de la GRC. Il a conclu en exhortant le ministère de la Justice à mettre au point un mécanisme qui permettrait aux individus de déposer en toute sécurité et en toute confiance des plaintes de discrimination en rapport avec la Loi antiterroriste.

Le président du Conseil canadien des églises a commencé son intervention en soulignant que les membres du Conseil ne s'expriment publiquement au nom du Conseil que lorsqu'il existe un consensus absolu parmi les vingt églises qu'il regroupe. Il a dit qu'il y avait un consensus à 100 % parmi les membres du Conseil par rapport à ce qui avait été dit autour de la table, ainsi qu'à l'égard de l'Énoncé sommaire de position. Il a affirmé qu'il est impossible de parler d'une loi sans tenir compte de sa mise en œuvre et du climat culturel qu'elle engendre. La mise en œuvre fait appel à des actes posés par des policiers, des douaniers, et parfois des voisins. Il est impératif que l'on se penche sur le problème du profilage racial. Il a mis en garde contre le risque de sacrifier des valeurs fondamentales au nom de la sécurité et contre l'établissement d'une Loi sur les mesures de guerre permanente. Le climat de peur doit être remplacé par un climat de respect. Il a affirmé que certaines valeurs fondamentales au Canada reposent sur l'idée que la société est le fruit de la volonté collective et non du pouvoir de la loi. Il a conclu avec cette citation bien connue, tirée de l'Évangile selon saint Marc (8-3) : « Que servirait à l'homme de gagner l'univers, s'il vient à perdre son âme? » ainsi qu'avec une statistique moins connue : un article récent du Ottawa Citizen classait le terrorisme au septième rang des dix menaces les plus graves, la grippe arrivant première.