Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux - Juillet 2008
2. LE PROJET DES LIGNES DIRECTRICES
2.1 La nature des Lignes directrices : sans caractère officiel et facultatives
Les idées préconçues sont nombreuses sur ce que sont des lignes directrices en matière de pensions alimentaires pour époux et sur leur fonctionnement. Tout débat à ce sujet fait immédiatement penser aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants. Ainsi que nous l'avons souligné dans l'introduction, cette comparaison n'est pas souhaitable. Les Lignes directrices facultatives sont très différentes.
Contrairement aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, les Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux n'occasionnent pas de réforme législative officielle. Les autorités fédérales ne les ont pas adoptées par voie législative. Elles se veulent sans caractère officiel et leur application est faite de manière facultative, dans le cadre législatif en vigueur.
Nous savons qu'au départ, plusieurs ont de la difficulté à comprendre ce concept de lignes directrices sans caractère officiel. Rappelons-nous toutefois les débuts des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants avant leur adoption officielle. Les juges et les avocats ont été nombreux à se servir officieusement des tableaux proposés pour calculer les pensions alimentaires pour enfants. Réfléchissons aussi au processus normal de l'élaboration des lois et à la façon dont diverses présomptions peuvent évoluer en vue de structurer le pouvoir judiciaire discrétionnaire. De telles présomptions ont commencé à se manifester dans le droit en matière de pensions alimentaires pour époux après l'arrêt Moge, mais depuis l'arrêt Bracklow, il y a stagnation. On peut considérer que le projet de Lignes directrices facultatives visait à faciliter le processus normal d'évolution du droit, en présentant une structure large qui pourrait ensuite être ajustée au fur et à mesure qu'elle serait testée.
Le mécanisme retenu pour élaborer les Lignes directrices facultatives s'inspire de ce qui se fait dans plusieurs États américains dans le domaine des pensions alimentaires pour époux. Aux États-Unis, ces lignes directrices ont en général été établies par des comités locaux de magistrats et d'avocats pour refléter l'usage local et fournir un cadre de travail plus sûr pour guider la négociation des ententes. Même si certaines lignes directrices ont ensuite fait l'objet d'une reconnaissance législative ou réglementaire, elles n'avaient pas au départ de caractère officiel.
Un mécanisme à peu près semblable a été adopté pour élaborer et mettre en vigueur ces Lignes directrices facultatives, notamment grâce à la collaboration de juges, d'avocats et de médiateurs experts en droit de la famille. Ce mécanisme avait pour objectif de formuler des lignes directrices non officielles, fondées sur des tendances nouvelles qui se manifestent dans la pratique actuelle. Pour ce qui est de leur application, les Lignes directrices n'ont pas force de loi. Elles sont facultatives, et c'est leur utilité qui en consacrera la valeur.
Le ministère de la Justice du Canada a appuyé le projet d'élaboration des Lignes directrices facultatives et lui a assuré un soutien financier; il diffuse des informations à ce sujet, participe à des discussions avec le groupe de travail des experts en droit de la famille et tient les provinces et les territoires au courant de l'avancement du projet.
Ce mode d'élaboration de Lignes directrices facultatives s'est fait à partir de la base, contrairement au processus habituel de réforme législative officielle qui commence au sommet. Décrit en détail ci-dessous, ce processus a été long et comportait de nombreuses étapes et de multiples formes de consultation et de mise en vigueur. Nous voulons avant tout expliquer un peu plus la nature générale du projet et quelques-uns des défis qu'il a posés.
2.2 Les enjeux du projet
2.2.1 La théorie et la pratique
Comme il est souligné dans l'introduction, ce projet ne visait pas un nouvel ordonnancement théorique du droit en matière de pensions alimentaires pour époux. Son objet était pratique plutôt que théorique - fournir un outil aux avocats en droit de la famille, aux médiateurs et aux juges qui sont confrontés quotidiennement aux difficultés que pose le calcul des niveaux appropriés de pensions alimentaires pour époux. Comme l'arrêt Bracklow l'a clairement illustré, la Loi sur le divorce ne favorise pas un modèle en particulier à cet égard. C'est ce que nous avions à l'esprit quand nous avons élaboré ces lignes directrices. Refléter les méthodes actuelles, cela veut dire tenir compte de toute une gamme de points de vue divergents. On ne pouvait faire appel à une théorie ou à un modèle unique. Les formules décrites ci-dessous reprennent des éléments de différentes théories. En outre, par l'introduction d'exceptions, l'on reconnaît qu'il peut exister des modèles autres ou subsidiaires de la pension alimentaire pour époux. Il n'y a aucune homogénéité théorique dans les lignes directrices que nous avons élaborées - elles résultent de nombreux compromis que l'on trouve dans le droit en matière de pensions alimentaires pour époux.
Toutefois pour accroître l'uniformité et la prévisibilité - qui sont les objectifs de ce projet - il faut une certaine structure, même si celle-ci ne découle pas de la pureté théorique du modèle. Le projet partait du postulat qu'au moins en ce qui concerne les cas les plus courants, des modèles et des structures commençaient à émerger du droit, tel un prélude à des lignes directrices.[13] Mais dans le contexte actuel, bien souvent elles n'étaient ni débattues, ni articulées, ni reconnues ouvertement par le régime de justice familiale. Ce projet s'appuyait sur les nouvelles tendances et tentait de les promouvoir.
2.2.2 Refléter les pratiques actuelles ou les modifier
Nous reconnaissons qu'il y a dans le projet une forte tension entre refléter les méthodes actuelles et les modifier. Les Lignes directrices étant des règles de pratique sans caractère officiel ni force de loi, elles devaient refléter les méthodes utilisées et, dans l'ensemble, ne pouvaient trop s'éloigner des résultats obtenus à ce moment-là. Ceci dit, les méthodes manquaient souvent d'uniformité, d'impartialité et de clarté. Nous avons conçu ces Lignes directrices facultatives parce qu'elles pouvaient améliorer quelque peu ces pratiques. Le projet incorporait à la fois ce qui se faisait de mieux à cette époque et les nouvelles tendances. Les Lignes directrices facultatives reprennent et reflètent nombre de pratiques actuelles tout en cherchant à accroître l'uniformité et la logique des résultats obtenus.
2.2.3 Les Lignes directrices nationales et les façons de faire locales en matière de pensions pour époux
Dès le départ s'est posé le problème d'équilibrer des lignes directrices « nationales » avec des schémas de pension alimentaire locaux et régionaux. Dans la mesure où les spécificités locales sont le reflet de revenus plus ou moins élevés, des lignes directrices fondées sur le revenu, comme celles qui sont présentées ici, peuvent s'y ajuster. Le fait qu'elles proposent une fourchette de montants permet l'adaptation aux pratiques et aux spécificités locales. Nous espérons par ailleurs qu'en suscitant certains changements à l'échelle locale, les lignes directrices vont permettre l'échange d'idées entre les régions. La Loi sur le divorce est une loi nationale et on pourrait faire valoir que les pensions alimentaires pour époux perçues dans un endroit donné au Canada ne devraient pas être très différentes de celles qui sont perçues à l'autre bout du pays. Nous nous sommes toutefois demandé si les différences régionales et locales étaient d'une importance telle que des lignes directrices facultatives nationales, fondées sur la pratique actuelle, ne seraient d'aucune utilité et avons même pensé que la seule solution serait de créer des lignes directrices régionales ou provinciales.
Au cours des trois années qui ont suivi la publication de l'Ébauche de proposition, nous avons pu constater que dans l'ensemble, les fourchettes établies au moyen des Lignes directrices facultatives peuvent s'adapter aux différences dans les pratiques locales et régionales. Dans certaines parties du pays, on utilise la partie supérieure des fourchettes et dans d'autres, la partie inférieure; cependant, les juges ont, de manière générale, conclu que certaines parties des fourchettes « nationales » sont « à peu près exactes » pour leur région. À l'étape de la rétroaction, nous avons reçu des commentaires au sujet de certaines situations de fait et des sous-ensembles de dossiers particuliers, dans lesquels les fourchettes semblaient être « élevées » ou « basses » dans certaines localités ou régions. Quelques-unes des modifications mineures que nous avons faites présentent des ajustements pour tenir compte de ces situations.
2.3 L'élaboration des Lignes directrices et la publication de l'Ébauche de proposition
Le projet de Lignes directrices facultatives a débuté en septembre 2001 avec la préparation, par la professeure Carol Rogerson, d'un volumineux document de référence intitulé Élaboration des lignes directrices sur les pensions alimentaires pour époux : amorce de la discussion (décembre 2002) [ci-après appelé « Document de référence »]. Ce document et le projet ont d'abord fait l'objet de discussions lors du Colloque national sur le droit de la famille tenu à Kelowna (C.-B.) en juillet 2002. Le document a été publié en décembre 2002.
Le document de référence exposait le travail de base à effectuer pour explorer la possibilité de formuler des lignes directrices sur les pensions alimentaires pour époux. Il examinait les éléments de base auxquels on pouvait faire appel pour concevoir des lignes directrices : les nouvelles tendances du droit contemporain, les diverses théories sur la pension alimentaire pour époux, divers modèles de lignes directrices en vigueur ou proposées aux États-Unis et ailleurs. Le document de référence décrivait aussi un processus possible d'élaboration des lignes directrices, c'est-à-dire en tenant compte des usages courants et en rendant les lignes directrices facultatives et applicables dans le cadre législatif en vigueur.
Nous vous invitons à lire le document de référence si vous voulez en savoir plus sur les multiples sources à l'origine de la conception des lignes directrices facultatives que nous proposons.[14]
Pour la deuxième étape, nous avons discuté avec un petit groupe de spécialistes du droit de la famille. Nous avons eu, en outre, quelques discussions supplémentaires sur une petite échelle avec d'autres groupes d'avocats et de juges. Le ministère de la Justice du Canada a constitué un Groupe de travail consultatif sur le droit de la famille qui comptait douze membres au départ et treize maintenant. Il est composé d'avocats, de juges et de médiateurs de tout le pays et vise à conseiller le Ministère en matière de droit de la famille et du projet de lignes directrices. L'annexe A donne la liste des membres du Groupe de travail.
Nous avons entrepris ce projet munis d'une mine de connaissances au sujet du droit en matière de pensions alimentaires pour époux, en fonction de nos propres recherches et de notre lecture exhaustive des décisions en matière de pensions alimentaires pour époux qui nous ont été signalées. Étant donné que les lignes directrices devaient être fondées sur la pratique actuelle et que les dossiers qui sont instruits devant un tribunal représentent un très faible pourcentage des dossiers de pensions alimentaires pour époux, nous savions que nous devions examiner la pratique dans les causes non rapportées. Nous avions besoin de l'expérience pratique de juges, d'avocats et de médiateurs qui s'occupent de questions liées à la pension alimentaire pour époux tous les jours et dans différents contextes : conseils aux clients, négociations avec d'autres avocats, ententes de séparations, conférences de règlement, médiation et droit collaboratif. Le Groupe de travail consultatif a principalement joué un rôle de consultation. À titre de directeurs de projet, nous avions la responsabilité de prendre les décisions finales en ce qui a trait aux Lignes directrices facultatives.
Le Groupe de travail consultatif a tenu cinq réunions — la première à Ottawa en février 2003, la deuxième à Montréal en mai 2003, la troisième à Toronto en novembre 2003, la quatrième à Ottawa en avril 2004 et la cinquième à Toronto en octobre 2004.
Les discussions du Groupe de travail ont d'abord porté sur la question de savoir si des lignes directrices étaient souhaitables et faisables. Au départ, elles ne faisaient pas l'unanimité, mais le Groupe de travail était favorable à l'idée générale. On s'accordait aussi sur le fait qu'il existait certains modèles dans le processus de fixation des pensions alimentaires pour époux, à tout le moins en ce qui concerne les résultats et certains types de dossiers. Nous avons ensuite commencé à ébaucher les lignes directrices.
À cette étape du projet, nous avions déjà commencé à examiner les décisions publiées en matière de pensions alimentaires pour époux afin de cerner les modèles et de commencer à réfléchir à des formules qui pourraient tenir compte de ceux-ci. Nous avions également lu les décisions par province et par territoire, pour tenter de cerner des modèles locaux. Nous avons défini des catégories de mariages comprenant différentes situations habituelles. Pour nous aider à mieux comprendre les modèles dans la pratique, nous avons commencé avec des situations concrètes pour connaître le point de vue des membres du Groupe de travail consultatif sur la décision qui serait probablement rendue dans ces circonstances. En examinant les réponses, nous avons tenté de définir les zones de convergence. Les réponses, combinées à notre connaissance des décisions publiées, ont servi à élaborer des formules mathématiques qui permettaient d'établir des montants de pension alimentaire pour époux sous forme de pourcentage du revenu des époux. Nous avons également élaboré des formules permettant de calculer la durée, nous avons défini le concept de la restructuration (diminution du montant en échange de l'allongement de la durée) et nous avons établi des exceptions à l'application des formules.
Nous avons ensuite mis les formules, la restructuration et les exceptions à l'essai en utilisant d'autres situations. Pour finir, nous avons établi la gamme de décisions que les formules et les exceptions révisées pourraient engendrer pour en vérifier l'acceptabilité par rapport aux pratiques actuelles. Tout en mettant au point les formules, nous avons continué de lire des décisions, en vue de déterminer, cette fois-ci, si les décisions publiées correspondaient aux fourchettes établies au moyen des formules et, lorsque ce n'était pas le cas, si la restructuration ou les exceptions pouvaient expliquer les résultats obtenus.
Vu la nature pratique du projet, le travail a porté surtout sur les décisions liées aux pensions alimentaires pour époux plutôt que sur les théories appropriées en la matière. S'il y a souvent des désaccords sur la théorie, il est possible de dégager un certain consensus quant aux montants effectivement accordés. Nous avons commencé par les catégories de mariages les plus faciles pour lesquelles le droit actuel offre les approches les plus claires et où nous prévoyions trouver les résultats les plus uniformes. Nous sommes ainsi passés des mariages longs aux mariages courts, sans enfant à charge, puis aux mariages avec enfants à charge. Nous avons étudié en dernier la catégorie la plus difficile, celle des mariages de durée moyenne sans enfant à charge, pour laquelle les décisions sont actuellement les plus diverses et les plus inégales.
Nous avons par la suite commencé à matérialiser les lignes directrices qui se sont dégagées des discussions du Groupe de travail consultatif afin de rédiger une ébauche de proposition de lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux. Une version préalable de l'ébauche de proposition a été présentée au Colloque national sur le droit de la famille tenu à La Malbaie (Québec) en juillet 2004. La rétroaction que nous avions reçue au colloque, de même que les autres discussions du Groupe de travail, nous ont permis de raffiner la proposition. La version définitive du document intitulé « Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux — Ébauche d'une proposition »
a été publiée en janvier 2005[15]. À cette époque, nous nous sommes rendu compte que nous pouvions continuer de travailler à l'Ébauche de proposition et de la perfectionner, mais nous étions d'avis qu'il était important de commencer à élargir la discussion, en publiant les Lignes directrices facultatives que nous proposions.
2.4 La deuxième étape du projet : l'information, la rétroaction et la modification
La publication de l'Ébauche de proposition constituait l'étape suivante du projet de lignes directrices, qui intégrait la discussion, l'expérimentation, la rétroaction et la modification. L'Ébauche de proposition a été distribuée à grande échelle, à des avocats en droit de la famille, à des médiateurs et à des juges; elle a été affichée sur le site Internet du ministère de la Justice. La publication du document a également reçu une attention médiatique à l'échelle nationale.
Il s'agissait certes d'une ébauche, qui devait faire l'objet de discussions et de modifications, mais d'une ébauche complète et détaillée. Nous nous attendions à ce que les avocats, les juges et les médiateurs commencent à utiliser les Lignes directrices facultatives, même sous forme d'ébauche, et nous les avons encouragés à le faire. C'était en effet la meilleure façon de mettre les Lignes directrices à l'essai pour savoir si elles étaient utiles, si elles donnaient des résultats acceptables dans le cadre juridique actuel et pour déceler leurs faiblesses et leurs limites. Nous avons suggéré aux avocats, par exemple, de commencer à se servir de cette ébauche pour structurer des négociations sur des pensions alimentaires pour époux, soit de façon explicite comme fondement de la négociation ou au moins à titre de critère pour comparer le caractère raisonnable des offres et des contre-offres formulées sur la base des budgets ou d'une autre méthode. Nous avions informé les juges qu'ils pouvaient se servir des lignes directrices proposées de la même façon. Les fourchettes pouvaient servir à évaluer la position des parties dans le cadre de conférences de règlement, d'audiences ou de procès. Les Lignes directrices facultatives pouvaient aussi faciliter le processus décisionnel, car elles proposaient une autre façon d'aborder l'exercice du pouvoir discrétionnaire dans les cas de pensions alimentaires pour époux.
La création et la mise en marché rapides de logiciels permettant d'effectuer des calculs au moyen des formules des Lignes directrices facultatives ont incité les avocats et les juges à se servir de l'ébauche. Ces logiciels tirent leur origine de la mise en ouvre des Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants, en 1997, et bon nombre d'avocats et de juges les utilisaient déjà avant la publication de l'Ébauche de proposition en 2005. Chaque fournisseur de logiciel, DIVORCEmate, ChildView et AliForm, a intégré les Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux à son logiciel. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec eux tout au long du projet, et ils se sont avérés une source constante de rétroaction et nous ont fourni une aide précieuse.
Après la publication de l'Ébauche de proposition, nous avons rencontré des groupes, petits et grands, d'avocats et de juges dans tout le pays. En règle générale, les séances étaient axées sur la formation et l'information : nous avons expliqué aux participants comment les Lignes directrices facultatives étaient construites et de quelle façon elles pouvaient être utilisées pour accroître l'uniformité et la prévisibilité des montants de pensions alimentaires pour époux. À chacune de ces séances, nous avons recueilli les commentaires et les réactions des personnes présentes, mais bon nombre des premiers commentaires reflétaient un manque de connaissance, des idées fausses ou une absence d'utilisation des Lignes directrices.
Nous avons continué à lire les décisions publiées, pour voir comment les tribunaux utilisaient les Lignes directrices facultatives, pour examiner les dossiers dans lesquelles les Lignes directrices avaient été prises en compte mais rejetées, pour relever les critiques et les commentaires formulés par les juges et pour préciser les exceptions. Même après la publication de l'Ébauche de proposition, nous avons continué à lire les décisions en matière de pensions alimentaires pour époux publiées dans chaque province et territoire dans lesquelles on ne parlait pas des Lignes directrices facultatives pour déterminer si les résultats étaient tout de même conformes aux fourchettes obtenues à l'aide des formules.
Nous avons préparé des mises à jour mensuelles, dans lesquelles nous rendions compte de l'évolution de la situation, y compris des décisions rendues dans lesquelles les Lignes directrices ont été prises en compte, des commentaires que nous avions reçus lors de nos déplacements et des problèmes ou des questions qui se posaient. Ces mises à jour ont été distribuées à grande échelle; elles ont été affichées sur le site Internet créé dans le cadre du projet[16], de même que sur de nombreux autres sites utilisés par les avocats et les juges[17].
Une autre réunion du Groupe de travail consultatif a eu lieu en mars 2006, afin d'examiner l'évolution de la situation et de discuter des questions nouvelles. À l'été 2006, soit un an et demi après la publication de l'Ébauche de proposition, les gens connaissaient suffisamment les Lignes directrices facultatives et avaient suffisamment d'expérience de celles-ci pour que nous puissions mettre en ouvre la phase suivante du projet — solliciter une rétroaction éclairée de manière structurée en vue d'apporter des modifications à l'Ébauche de proposition. Nous avons rédigé un nouveau document pour structurer le processus de rétroaction, intitulé « Document de travail », dont une version provisoire a été distribuée au Colloque national sur le droit de la famille qui a eu lieu à Kananaskis (Alberta) en juillet 2006; la version définitive de ce document a été publiée en août 2006[18]. Le document présentait les questions qui devaient faire l'objet de révision, et pour certains points, des options de modifications possibles.
En septembre 2006, nous avons une fois de plus rencontré des avocats, des médiateurs et des juges de partout au pays, en petit groupes permettant de cibler la discussion, pour recueillir leurs commentaires. Nous avons également invité les gens à nous écrire pour nous faire part de leur opinion au sujet de l'Ébauche de proposition. Des membres du public, des avocats ainsi que des associations d'avocats nous ont fait part de leurs commentaires par écrit[19].
Les commentaires que nous avons recueillis auprès des participants à ces séances et notre lecture du flot continu de décisions publiées concernant les pensions alimentaires pour époux nous ont permis d'avoir un aperçu pratique et détaillé de la façon dont les Lignes directrices facultatives sont utilisées sur le terrain, ainsi qu'une compréhension plus claire des révisions qui pourraient être nécessaires. Avec l'aide du Groupe de travail consultatif, au cours de deux autres réunions (à Toronto, en novembre 2006 et à Montréal, en juin 2007), nous avons commencé à réfléchir à la rétroaction que nous avions obtenue et à travailler sur les points qui nécessitaient des modifications. Le présent document, version définitive des Lignes directrices facultatives, tient compte de ces révisions.
La prochaine section traite de manière détaillée des réactions à l'Ébauche de proposition qui ont orienté le processus de révision. Comme vous pourrez le constater, de manière générale, les Lignes directrices facultatives ont été très bien accueillies par les avocats, les juges et les médiateurs; les modifications apportées relèvent plutôt de la mise au point que d'une révision complète.
2.5 La réaction à l'égard des Lignes directrices facultatives
2.5.1 L'utilisation répandue des Lignes directrices facultatives
Très rapidement, un des objectifs de la publication de l'Ébauche de proposition a été atteint : ce document a ranimé un débat important concernant les règles de droit applicables à la pension alimentaire pour époux chez les avocats et les juges ainsi qu'au sein de la population. Les discussions au sujet de l'évolution et des enjeux du droit en matière de pensions alimentaires pour époux sont désormais invariablement axées sur les Lignes directrices facultatives.
La sensibilisation a augmenté au fil du temps, non seulement parmi les juges, les avocats et les médiateurs spécialisés en droit de la famille, mais également dans la population en général, parmi les couples en instance de divorce qui tentent de s'y retrouver dans le système de justice familiale. Plus de 50 000 exemplaires de l'Ébauche de proposition ont été téléchargés à partir du site Internet du ministère de la Justice au cours de l'année suivant sa publication. Maintenant, les clients du droit de la famille qui se présentent au cabinet d'un avocat connaissent bien souvent les Lignes directrices facultatives. En septembre 2007, on dénombrait, à l'échelle du pays, 350 décisions judiciaires dans lesquelles les Lignes directrices facultatives avaient été prises en considération, et les cours d'appel de deux provinces (la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick) ont manifesté un appui solide à leur égard. La réception des Lignes directrices par les juges fera l'objet d'un exposé détaillé ci-dessous.
Toutefois, les affaires dans lesquelles une décision a été rendue ne sont que la pointe de l'iceberg, car peu d'affaires relatives aux pensions alimentaires pour époux se retrouvent devant les tribunaux. Fait encore plus important : au cours de nos déplacements dans tout le pays, nous avons appris que les Lignes directrices facultatives sont beaucoup utilisées dans les discussions avec les clients, dans les négociations avec d'autres avocats et dans les conférences de règlement avec des juges. De manière générale, les Lignes directrices ont été très bien accueillies par les avocats, les médiateurs et les juges, qui appréciaient les avantages pouvant en découler sur le plan de l'uniformité et de la prévisibilité. Nombreux sont ceux qui nous ont dit combien il était utile d'avoir un point de repère qui permet de savoir si la demande, l'offre, le règlement ou la décision en cause se situe dans « la bonne fourchette ».
2.5.2 Les critiques au sujet des Lignes directrices
Les Lignes directrices facultatives ont bien sûr fait également l'objet de critiques. Certaines de ces critiques ont pu être écartées rapidement, car elles étaient fondées sur une compréhension erronée de l'Ébauche de proposition; elles disparaissaient rapidement lorsque l'on comprenait mieux le régime. D'autres critiques soulevaient des problèmes et des préoccupations concernant certaines parties de l'Ébauche de proposition, et nous nous en sommes inspirés pour apporter des modifications et des améliorations au régime.
Toutefois, des critiques plus fondamentales ont également été formulées, ce qui a amené certains à rejeter catégoriquement les Lignes directrices facultatives. Certaines personnes s'opposaient fondamentalement au concept de « lignes directrices » en matière de pensions alimentaires pour époux et croyaient que les décisions relatives à ce genre d'affaires devaient être discrétionnaires et rendues au cas par cas. Ces personnes estimaient que les Lignes directrices étaient trop rigides, qu'elles offraient des réponses « à l'emporte-pièce » qui ne permettaient pas de rendre des jugements propres à chaque affaire. D'autres ont même laissé entendre que certains juges appliqueraient tout simplement les Lignes directrices au lieu d'effectuer la difficile analyse préconisée par la Loi sur le divorce. D'autres étaient dérangés par le caractère informel et facultatif des lignes directrices et les percevaient comme une tentative illégitime de changer les règles de droit sans avoir recours au processus législatif. Ces critiques ont été formulées par les tribunaux[20].
Ces critiques ne représentent pas l'opinion dominante au sujet des Lignes directrices facultatives qui est apparue à mesure que ces dernières étaient de mieux en mieux comprises. Néanmoins, nous croyons qu'il est important de répondre brièvement aux principales critiques qui ont été soulevées.
Certaines personnes soutenant que les Lignes directrices facultatives manquent de souplesse présumaient que le régime que nous proposions était plus strict qu'il ne l'était en réalité. Certaines préoccupations à cet égard traduisaient également une crainte que les Lignes directrices soient appliquées d'une façon rigide, quelle que fût notre intention. Depuis la publication de l'Ébauche de proposition, nous avons constaté, au cours de nos consultations que l'utilisation simpliste les Lignes directrices facultatives par les juges et les avocats était également un problème. Toutefois, la solution appropriée pour remédier à ce problème consisterait, de l'avis de la plupart des avocats et des juges, à faire connaître davantage les Lignes directrices facultatives au lieu de les rejeter et à mettre l'accent sur le fait qu'elles ont permis d'accroître l'uniformité et la prévisibilité des montants accordés. Nous avons également constaté que dans de nombreux dossiers l'utilisation des Lignes directrices facultatives a permis d'améliorer la qualité des motifs judiciaires, car les juges se fondent sur les repères que fournissent les Lignes directrices et décident si les résultats obtenus à l'aide des formules sont appropriés ou non.
Ceux qui s'opposent à toute forme de lignes directrices en matière de pensions alimentaires pour époux et qui soulignent la nature particulière de chaque affaire ne tiennent pas compte du fait qu'il existe de nombreuses affaires typiques comportant des faits similaires. De plus, ils sous-estiment l'importance de l'uniformité. L'uniformité est liée à un principe de droit fondamental : assurer un traitement égal et favoriser le traitement similaire des situations similaires. Parce qu'elles donnent des résultats dans une vaste gamme de cas, d'une manière constante et axée sur des principes, les formules que renferment les Lignes directrices facultatives constituent une façon saine d'évaluer un résultat tiré d'une conviction profonde ou déterminé en fonction d'un budget.
Pour ce qui est des critiques à l'effet que les Lignes directrices facultatives constituent une tentative illégitime de changer les règles de droit, il est vrai que les formules qui sont à la base du régime des Lignes directrices facultatives peuvent facilement être prises, de prime abord, comme un nouveau régime de divulgation du revenu qui se superpose à la Loi sur le divorce. Mais cette première impression est écartée lorsque l'on comprend les intentions du projet et la manière dont les Lignes directrices facultatives ont été élaborées. Les Lignes directrices facultatives visent à tenir compte du droit actuel, non à le modifier. Les formules ont été élaborées pour traduire les principes et les facteurs qui structurent le droit actuel en matière de pensions alimentaires pour époux ou pour servir de mesure substitutive à ces principes et facteurs. Les fourchettes des formules visent à refléter l'éventail dominant de résultats en matière de pension alimentaire en droit et dans la pratique actuels.
Il importe de reconnaître que certaines critiques formulées à l'égard des Lignes directrices facultatives sont, en réalité, des critiques de l'état actuel du droit, et dénotent une préférence pour une méthode compensatoire plus stricte, comme si l'arrêt Bracklow n'avait jamais été rendu, ou une approche fondée sur l'état du droit avant l'arrêt Moge, qui mettait une emphase considérable sur le fait de réaliser une rupture nette. En droit actuel, la discrétion permet à chaque avocat et à chaque juge d'appliquer sa propre théorie au sujet des pensions alimentaires pour époux pour ce qui est du montant et de la durée. Des lignes directrices, même facultatives, servent à révéler, voire à limiter les résultats contraires aux principes et aux tendances dominantes du droit actuel.
2.5.3 Les Lignes directrices facultatives et les tribunaux
La jurisprudence découlant des Lignes directrices facultatives n'a pas cessé de croître depuis la publication de l'Ébauche de proposition. En septembre 2007, on dénombrait plus de 350 décisions judiciaires dans lesquelles les Lignes directrices facultatives ont été prises en compte. Des décisions ont été rendues par les tribunaux de première instance de chaque province et chaque territoire[21]. En outre, cinq cours d'appel provinciales ont tenu compte des Lignes directrices facultatives, dans leur courte histoire depuis la publication de l'Ébauche de proposition. Au total, seize décisions ont été rendues par des cours d'appel : onze par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, deux par la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick et une chaque par la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse, par la Cour d'appel de l'Alberta et par la Cour d'appel du Québec[22].
Les Lignes directrices facultatives ont reçu un appui solide de la part des cours d'appel de la Colombie-Britannique et du Nouveau-Brunswick, et la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse y a fait référence en les approuvant. Elles ont cependant reçu un accueil que l'on pourrait qualifier au mieux de mitigé de la part de la Cour d'appel du Québec[23]. Elles n'ont pas encore été prises en compte par la Cour suprême du Canada [24].
La décision la plus importante pour les Lignes directrices facultatives jusqu'à maintenant demeure celle qui a été rendue par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans l'affaire Yemchuk c. Yemchuk[25], publiée à la fin du mois d'août 2005. Dans cette décision novatrice, la première dans laquelle une cour d'appel prenait en compte les Lignes directrices, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a approuvé les Lignes directrices facultatives, les qualifiant [TRADUCTION] « [d']outil utile pour aider les juges à évaluer le montant et la durée de la pension alimentaire pour époux. »
La Cour d'appel a déclaré que les Lignes directrices facultatives [TRADUCTION] « visent à refléter le droit actuel plutôt que le changer »
et à « se fonder sur le droit actuel ». La Cour a qualifié d'« intéressant » le fait de ne pas avoir effectué d'analyse fondée sur le budget.
Dans l'arrêt Yemchuk, la Cour a également clarifié la valeur juridique des Lignes directrices aux yeux des tribunaux, une question qui préoccupait les avocats et les juges. Les Lignes directrices facultatives n'ont pas « force de loi » et ne seront pas imposées par la loi. Constituaient-elles des « éléments de preuve » ou un « témoignage d'expert », et le document doit-il être « validé »? S'exprimant au nom de la Cour, la juge Prowse, a décrit les Lignes directrices facultatives comme étant une compilation de précédents :
[TRADUCTION] Il faut également souligner que les Lignes directrices facultatives visent à refléter le droit actuel plutôt que le changer. Les auteurs qui les ont rédigées ont d'abord effectué des analyses exhaustives des décisions relatives aux pensions alimentaires pour époux partout au pays, en particulier les décisions rendues dans les affaires Moge et Bracklow et celles qui ont suivi. […] On peut sans doute trouver des décisions où les résultats ne tiennent pas compte des Lignes directrices facultatives, mais je suis convaincue que leur intention et leur effet général est de se fonder sur le droit actuel plutôt que de présenter une approche entièrement nouvelle de la question des pensions alimentaires pour époux. […] Elles ne visent pas à remplacer l'utilisation, par les tribunaux, des décisions rendues (dans la mesure où des décisions pertinentes seront rendues) mais à compléter ces décisions.
L'Ébauche de proposition ne constituait donc pas un élément de preuve, mais faisait partie de l'argumentaire et du raisonnement juridiques, et pouvait être citée comme tout article, texte ou document du gouvernement. Pour la juge, les Lignes directrices facultatives pouvaient être utilisées comme une source de renseignements supplémentaire pour déterminer le montant et la durée des pensions alimentaires pour époux.
En avril 2006, la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick est devenue la deuxième cour d'appel à approuver le Lignes directrices facultatives, en rendant sa décision dans l'affaire S.C. c. J.C.[26]. En se fondant sur le raisonnement présenté dans l'arrêt Yemchuk au sujet de la conformité des Lignes directrices aux règles de droit actuelles, la juge Larlee, s'exprimant au nom de la Cour d'appel, a approuvé les Lignes directrices facultatives en ces termes :
Le recours à ces Lignes directrices a pris des formes multiples : moyen de contrôle, recoupement, test décisif, outil utile et point de départ. Je suis cependant d'avis que quel que soit le terme ou l'expression que l'on préfère, à la longue, leur utilisation, grâce au logiciel prévu à cette fin, contribuera à accroître l'uniformité et la prévisibilité des ordonnances alimentaires au profit du conjoint. Non seulement favoriseront-elles les règlements à l'amiable, mais elles permettront aussi aux conjoints de prévoir, au moment de la séparation, quelles seront leurs obligations alimentaires futures.
Depuis l'arrêt Yemchuk, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a pris les Lignes directrices facultatives en considération dans dix autres décisions. Parmi celles-ci, la plus importante, en ce qui a trait à l'évolution de la valeur juridique des Lignes directrices, est celle qui a été rendue en juillet 2006 dans l'affaire Redpath c. Redpath[27]. Dans cet arrêt, la Cour a intégré les fourchettes des Lignes directrices à la norme de contrôle en appel :
[TRADUCTION] Cependant, les affaires comme Hickey ont été tranchées avant l'avènement des Lignes directrices facultatives. Maintenant qu'elles existent et proposent en fait des fourchettes à l'intérieur desquelles devraient se situer les montants attribués dans la plupart des cas, lorsqu'une décision accorde un montant sensiblement inférieur ou supérieur à cette fourchette alors qu'il n'y a aucune circonstance exceptionnelle qui puisse expliquer cette anomalie, il se pourrait que la norme de contrôle doive être reformulée de manière à permettre l'intervention des cours d'appel.
La Cour d'appel a ainsi reconnu que les Lignes directrices facultatives proposent maintenant certains points de référence pour ce qui est de l'éventail des décisions de première instance qui sont acceptables, ce qui ouvre la possibilité de justifier une intervention du tribunal d'appel lorsque les décisions de première instance s'écartent sensiblement de ces points de référence.
En janvier 2008, alors que nous apportions la touche finale à la version définitive des Lignes directrices facultatives, la Cour d'appel de l'Ontario a rendu sa décision dans l'affaire Fisher c. Fisher[28]. Dans l'arrêt Fisher, la Cour d'appel de l'Ontario a suivi l'arrêt Yemchuck et appuyé les Lignes directrices facultatives en tant qu'outil utile et en tant que critère pour établir le caractère raisonnable des montants de pensions alimentaires pour époux; elle y a cependant ajouté une importante mise en garde, indiquant que les Lignes directrices facultatives ne pouvaient remplacer une analyse propre à chaque affaire et devaient être appliquées dans leur intégralité.
Les cours d'appel de la Colombie-Britannique et du Nouveau-Brunswick ayant approuvé l'utilisation des Lignes directrices facultatives, les tribunaux de première instance de ces provinces utilisent maintenant les Lignes directrices dans pratiquement toutes leurs décisions en matière de pensions alimentaires pour époux. Cependant, même dans les provinces où les cours d'appel n'ont pas manifesté d'appui solide, ni même d'appui tout court — l'Ontario, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan, l'Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador — les Lignes directrices sont de plus en plus utilisées par les juges de première instance dans les conférences de règlement, pour les demandes de pension alimentaire provisoire pour époux et lors des procès[28].
2.5.4 Les résultats de la rétroaction : « les fourchettes sont assez justes »
La rétroaction que nous avons recueillie depuis la publication de l'Ébauche de proposition a permis de confirmer la structure de base des formules des Lignes directrices[29]. Dans certaines régions du pays, les montants fixés demeurent dans la partie supérieure des fourchettes alors que dans d'autres régions, ils demeurent dans la partie inférieure, mais la pratique actuelle au pays semble généralement s'accommoder des fourchettes établies au moyen des formules. Des commentaires ont été formulés au sujet de problèmes liés à l'application des formules dans certains cas et certaines sous-catégories de cas, commentaires dont nous avons tenu compte au cours du processus de révision, comme nous le verrons dans les chapitres qui suivent. À la suite des commentaires que nous avons reçus, les modifications apportées à l'Ébauche de proposition et intégrées à la présente version définitive des Lignes directrices facultatives relèvent plus de la mise au point que d'une révision complète : quelques ajustements aux formules et l'ajout de quelques nouvelles exceptions[30].
2.5.5 L'utilisation simpliste
Le problème le plus fréquemment mentionné à l'étape de la rétroaction[31] et dans le cadre de nos lectures de la jurisprudence est le fait que bien souvent, les avocats et les juges utilisent les Lignes directrices facultatives d'une manière simpliste. Certains d'entre eux semblent se concentrer seulement sur les formules et ignorer les autres aspects du régime des Lignes directrices, comme le droit aux aliments, les exceptions et la restructuration. Souvent, le choix d'un montant ou d'une durée dans les fourchettes n'est pas appuyé par des explications. On a tendance à transformer les Lignes directrices en règles par défaut, même lorsqu'on n'en avait pas l'intention.
Nous avons tenté de tenir compte de cette utilisation simpliste pour réviser l'Ébauche de proposition. La majeure partie du contenu n'a pas changé, mais nous avons modifié sa structure et sa présentation. Nous avons essayé d'écrire de manière plus claire, pour tenter de corriger les interprétations erronées et les malentendus. En outre, nous avons mis en évidence les sujets qui sont souvent oubliés, comme le droit aux aliments, l'utilisation des fourchettes, la restructuration, les exceptions et l'indépendance économique[32].
Dans une certaine mesure, l'utilisation simpliste des Lignes directrices facultative était à prévoir au cours des deux premières années de leur existence. Avec le temps, à mesure que les avocats et les juges acquièrent de l'expérience, nous devrions nous attendre à ce les diverses parties des Lignes directrices soient utilisées de manière plus avisée — et de fait, nous pouvons déjà constater ce phénomène dans des régions comme la Colombie-Britannique, où les Lignes directrices sont beaucoup utilisées, à l'échelle de la province.
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