Admissibilité à l'aide juridique et champ d'application des services d'aide juridique au Canada
Section 4 : Analyse des données
Dans ce chapitre, nous traiterons des questions suivantes :
- Une analyse des critères d'admissibilité financière à l'aide juridique par rapport aux seuils de faible revenu (SFR) de Statistique Canada :
- a) Les seuils fixés sont ils moindres ou supérieurs aux SFR?
- b) Est ce que le fait de regrouper le revenu et l'actif situe le seuil au dessus ou au-dessous des SFR?
- c) Est ce que les régimes qui offrent une admissibilité élargie ont des seuils supérieurs ou inférieurs aux SFR?
- Étude du nombre de familles admissibles à l'aide juridique, selon les règles d'admissibilité financière à l'aide juridique :
- a) Combien de familles (y compris celles composées d'une seule personne) sont admissibles à l'aide juridique (peu importe les SFR)?
- b) Quel pourcentage et quel nombre de familles pauvres auraient droit à l'aide juridique, selon les critères de revenu?
- Comment cela se traduit il pour les familles à faible revenu?
- Comment cela se traduit il pour les jeunes adultes à faible revenu âgés de 18 à 35 ans?
Méthodologie
Dans cette première partie de l'étude, à l'aide des données de Statistique Canada, nous comparons le revenu des familles à faible revenu aux seuils de revenu appliqués pour décider de l'admissibilité à l'aide juridique. Dans cette section, nous cherchons à déterminer jusqu'à quel point les critères d'admissibilité financière fixés par les divers organismes en charge des régimes d'aide juridique[33] correspondent à la mesure type qui place une famille en dessous des SFR, avant ou après impôt (s'il y a lieu). Nous avons choisi les SFR comme ligne de partage, parce que beaucoup de chercheurs dans le domaine social l'utilisent comme indicateur de pauvreté. Les sondages d'opinion effectués au Canada ajoutent foi aux SFR. Tant Gallup que EKOS ont réalisé des enquêtes qui donnent une idée de ce que la population en générale considère comme étant la pauvreté. On constate la très forte correspondance de l'opinion et des SFR, les deux progressant au même rythme que le revenu moyen ou le niveau de vie[34].
Soulignons que Statistique Canada ne considère pas les SFR comme étant les seuils de pauvreté. Voici une déclaration officielle de Statistique Canada concernant l'utilisation des SFR :
Depuis bon nombre d'années, Statistique Canada publie une série de mesures appelées « seuils de faible revenu ». Nous rappelons régulièrement et sans cesse la grande différence qu'il y a entre ces seuils et les mesures de la pauvreté. Les seuils de faible revenu s'obtiennent à l'aide d'une méthodologie logique et bien définie qui permet de déterminer qui s'en tire beaucoup moins bien que la moyenne. Bien entendu, s'en tirer beaucoup moins bien que la moyenne ne signifie pas nécessairement qu'on soit pauvre.
Néanmoins, en l'absence d'une définition convenue de la pauvreté, ces statistiques ont été utilisées par de nombreux analystes pour étudier les caractéristiques des familles qui, toutes proportions gardées, sont les plus démunies au Canada.
[…]
Faute d'un consensus social, sanctionné par l'appareil politique, sur les personnes qu'il y aurait lieu d'appeler « pauvres », certains groupes et individus utilisent les seuils de faible revenu de Statistique Canada comme une définition de facto de la pauvreté. [...] Mais cela ne représente certainement pas le point de vue de Statistique Canada sur la façon dont il conviendrait de définir la pauvreté.
Le SFR fait une distinction entre les familles qui vivent dans des conditions difficiles et les autres. Les familles qui dépensent 20 p. 100 de plus que la famille canadienne moyenne pour la nourriture, les vêtements et le logement sont considérées comme subsistant dans des conditions difficiles. Essentiellement, cela divise la population entre les personnes qui sont pauvres et celles qui ne le sont pas.
Ainsi, à l'heure actuelle, lorsqu'une famille consacre quelque chose comme 55 p. 100 de son revenu à la nourriture, les vêtements et le logement, elle est considérée comme subsistant dans des conditions difficiles et, par conséquent comme étant pauvre. Les SFR ne sont pas fixés par ville ou selon la composition des familles, mais plutôt selon la taille de la famille et la taille de la région urbaine. Les grosses familles sont placées dans un niveau de revenu supérieur pour tenir compte de la taille supérieure de revenu nécessaire pour subvenir aux besoins d'un plus grand nombre de personnes. On fait la même chose pour les personnes qui vivent dans les grands centres urbains, afin de palier au coût de vivre dans les grands centres urbains. De plus, Statistique Canada fait connaître les niveaux de faible revenu s'appliquant aux familles avant impôt, donc le revenu familial brut, et les niveaux de pauvreté s'appliquant aux familles après impôt sur ce revenu. Le Tableau 4 ci joint compare les niveaux de revenu (avant et après impôt) utilisés pour établir le SFR et les critères de revenu et d'actifs appliqués pour déterminer l'admissibilité à l'aide juridique[35]. Pour calculer le nombre et le pourcentage réel de familles qui auraient droit à l'aide juridique (qui répondent aux critères d'admissibilité financière), nous appliquons les données de 1998, qui sont les dernières publiées (voir le Tableau 5). Pour ne pas être obligé de réduire aux niveaux de 1998 les seuils de revenu actuellement appliqués par les régimes d'aide juridique, nous avons simplement utilisé les critères qui étaient appliqués en 1998. Pour évaluer le degré d'équivalence des seuils d'admissibilité des SFR avant et après impôt, nous avons soustrait des SFR le seuil de revenu pertinent des régimes d'aide juridique. Le résultat donne l'ampleur de l'écart entre les niveaux autorisés des régimes d'aide juridique et le seuil de faible revenu correspondant dans les diverses provinces.
Dans plusieurs provinces, les critères d'admissibilité financière comprennent également un plafond de liquidités[36]. Dans la mesure du possible, c'est à dire lorsque la formule est claire et que des chiffres réels sont disponibles, la valeur maximale autorisée des actifs est additionnée au seuil de revenu pertinent et la somme est comparée au SFR correspondant. Nous additionnons le revenu et les actifs pour créer une catégorie « revenu et actif ». Cette ensemble représente la « meilleure hypothèse », puisque l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) ne donne pas accès aux actifs[37]. Signalons qu'il ne faut pas confondre liquidités et revenu. L'exemption des liquidités peut vraiment dépanner en cas d'urgence. Il est normal que les familles aient de l'argent de côté pour les besoins essentiels. L'application de la catégorie « revenu et actif » ne vise qu'à illustrer la situation; elle ne sert pas à évaluer le pourcentage de familles qui pourraient être admissibles à l'aide juridique. Plusieurs des organismes compétents auxquels les chercheurs ont posé la question ont affirmé ne pas être trop inquiets de la question de l'actif, vu la faiblesse du revenu de leur clientèle (leurs clients n'ont pas assez d'argent pour en mettre de côté ou pour en placer).
Dans certaines provinces, on accorde l'aide juridique aux demandeurs même si leur seuil de revenu est supérieur au plafond fixé, à condition que les demandeurs participent aux coûts. Ces provinces, qui sont l'Alberta, le Manitoba et le Québec, ont fixé des plafonds de revenu que les demandeurs ne peuvent dépasser sans perdre leur admissibilité à l'aide juridique. Nous tenons compte de ces plafonds de revenu dans notre analyse pour les comparer aux SFR.
Les résultats de l'analyse sont présentés par taille du centre urbain et par taille des centres urbains et par taille des familles. Selon que le régime d'aide juridique utilise le revenu brut ou le revenu net (voir les sections 1 et 3), nous utilisons les SFR avant impôt ou après impôt. Dans les estimations du revenu dans chaque province, nous utilisons la définition du revenu appliquée par ces dernières, c'est à dire le revenu brut ou le revenu net. Nous ne soustrayons rien, par contre. Toutes les classes d'exemptions possibles ne sont pas disponibles dans l'ensemble des données. En ne soustrayant pas ces exemptions, on peut comparer les provinces entre elles. Rappelons que nous utilisons les SFR correspondants.
Les données aux Tableaux 4-1 à 4-9 sont les suivantes :
- taille (ou composition) de la famille pour les régimes d'aide juridique;
- l'équivalent de la taille de la famille pour le SFR;
- les seuils de revenu en 1998;
- colonne « revenu et actif », s'il y a lieu;
- plafond de revenu pour un niveau de contribution (admissibilité élargie moyennant contribution), s'il y a lieu;
- SFR après ou avant impôt, selon le cas;
- écart entre le seuil de revenu et le SFR;
- écart par rapport à la catégorie « revenu et actif »;
- écart entre le plafond de revenu pour un niveau de contribution et le SFR. levels.
Le deuxième volet de l'analyse (Tableaux 5-1 à 5-9) s'intéresse au pourcentage et au nombre des familles qui auraient droit à l'aide juridique selon les critères d'admissibilité financière (la partie revenu). Les calculs sont effectués à partir des fichiers de données à grande diffusion de l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR)[38] menée en 1998 par Statistique Canada.
L'unité d'analyse est la famille plutôt que la personne. L'étude donne donc le nombre approximatif de familles[39] dans chaque province qui auraient droit à l'aide juridique. Signalons que les familles se composant d'une seule personne[40] font partie des analyses.
Une section distincte, intitulée « Les jeunes adultes : les 18 à 35 ans », se penche sur le pourcentage et le nombre de jeunes adultes qui seraient admissibles à l'aide juridique. La méthodologie employée ressembleons utilisé les fichiers de données à grande diffusion[41] de l'Enq à celle appliquée aux familles. Pour effectuer ces calculs, nous avuête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) menée en 1998 par Statistique Canada. L'unité d'analyse, dans ce cas, est la personne âgée de 18 à 35 ans.
L'analyse comprend un résumé des résultats pour chaque province et, après la section portant sur les jeunes, une brève comparaison des provinces entre elles.
- [33] Nous utiliserons à l'occasion le mot passe partout de « régime d'aide juridique » pour parler des divers régimes juridiques.
- [34] Pour plus de détails sur les SFR, les mesures de la pauvreté et les résultats des sondages d'opinion de Gallup et de EKOS, consultez Ross et al., Données de base sur la pauvreté au Canada 2000, Ottawa, CCDS, 2000.
- [35] Nous utilisons les chiffres publiés dans Le revenu au Canada 1999, de Statistique Canada, no de catalogue 75 202-XIF.
- [36] Il y a également des exemptions visant les possessions personnelles, mais l'analyse n'en tient pas compte.
- [37] Les enquêtes à ce jour ne comportent pas de volet bien être. La nouvelle enquête sur la richesse menée par Statistique Canada devrait corriger la situation. (Publication à venir).
- [38] L'EDTR est une enquête longitudinale en cours depuis 1993 qui permet d'étudier les questions de marché du travail et de revenu, et notamment le faible revenu.
- [39] Les chiffres sont arrondis à la centaine la plus proche, à l'exemple des données publiées de l'EDRT.
- [40] Ces familles sont l'équivalent de personne seule.
- [41] Dans ce cas, ce sont des fichiers de personnes.
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