Admissibilité à l'aide juridique et champ d'application des services d'aide juridique au Canada

Un examen des jeunes adultes âgés de 18 à 35 ans (suite)

Un examen des jeunes adultes âgés de 18 à 35 ans (suite)

Ontario

Au Tableau 6-5, le seuil de revenu permettrait à 140 500 (4,7 p. 100) membres des 18 à 25 ans d'être admissibles à l'aide juridique gratuite en Ontario. Un nombre minime de ceux se situant au dessus du SFR après impôt répondraient aux critères. Parmi les jeunes adultes à faible revenu, 37,4 p. 100 seraient admissibles à l'aide juridique gratuite. Dans la colonne des allocations maximum, on peut voir que 16,5 p. 100 des jeunes adultes seraient admissibles. Presque tous les jeunes adultes à faible revenu (97,5 p. 100) seraient admissibles et 5,2 p. 100 de ceux se situant au dessus du SFR le seraient également.

Selon les seuils de revenu, 36,5 p. 100 des hommes à faible revenu et 38 p. 100 des femmes dans la même situation seraient admissibles à l'aide juridique gratuite. Par contre, une fois les allocations maximales prises en compte, 94,4 p. 100 des hommes et 99,8 p. 100 des femmes à faible revenu seraient admissibles. Il y a une petite différence selon la taille de la famille. Trente quatre pour cent des personnes sans liens familiaux à faible revenu seraient admissibles sur la base des seuils de revenu, pourcentage qui passerait à 39,6 p. 100 pour les personnes vivant dans des familles d'au moins deux personnes. En tenant compte des allocations maximales, 93,9 p. 100 des premiers seraient admissibles et l'ensemble des seconds le seraient.

En vertu des allocations maximum, 362 700 jeunes ontariens à faible revenu seraient admissibles, alors que ce chiffre tombe à 139 000 lorsqu'on tient compte du seuil de revenu seulement. Environ 9 400 jeunes adultes à faible revenu ne seraient pas admissibles.

Québec

Au Tableau 6-6, nous constatons que 130 700 (32,5 p. 100) des jeunes québécois à faible revenu[58] seraient admissibles à l'aide juridique gratuite. Ce nombre passe à 264 000 (65,8 p. 100) en appliquant les critères d'admissibilité élargie. Pourtant, environ 138 000 jeunes adultes à faible revenu ne réussiraient pas à être admis même en appliquant les critères d'admissibilité élargie. Toutes les personnes qui se situent au dessus du SFR avant impôt ne seraient pas admissibles à l'aide juridique gratuite et, en vertu des critères d'admissibilité élargie, seulement un petit nombre le serait.

L'aide juridique gratuite serait possible pour, respectivement, 32,1 p. 100 et 32,8 p. 100 des jeunes hommes et femmes à faible revenu. En appliquant les seuils d'admissibilité élargie, ces pourcentages augmentent à 63,3 p. 100 et à 67,9 p. 100, respectivement.

Un plus fort pourcentage (49,4 p. 100) des personnes sans liens familiaux, par rapport aux personnes faisant partie de familles d'au moins deux personnes (23,2 p. 100) seraient admissibles à l'aide juridique gratuite. Bien que les seuils d'admissibilité élargie permettent à un plus fort pourcentage de personnes d'avoir accès à l'aide juridique, il n'en reste pas moins que le pourcentage est plus faible pour ceux faisant partie d'une famille : 60,8 p. 100 des personnes vivant en famille seraient admissibles, comparativement à 74,8 p. 100 des personnes sans liens familiaux à faible revenu.

Nouvelle Écosse

Au Tableau 6-7, nous constatons que 48 100 jeunes néo écossais seraient admissibles à l'aide juridique, ce qui correspond à 20,4 p. 100 des 18 à 35 ans en Nouvelle Écosse, et, de ce nombre, la majorité se situe en deçà du SFR avant impôt.

Il y a une différence selon le sexe du jeune adulte : 92,7 p. 100 des jeunes femmes à faible revenu seraient admissibles et seulement 81,2 p. 100 des hommes le seraient. Les femmes représentent un plus fort pourcentage de toutes les personnes admissibles.

Les personnes sans liens familiaux ont de meilleures chances (92,9 p. 100) que ceux avec des liens familiaux (84,6 p. 100) d'être en mesure d'avoir accès à l'aide juridique.

Quatre-vingt-huit pour cent des 18 à 35 ans à faible revenu seraient admissibles à l'aide juridique. Environ 6 300 (12 p. 100) des jeunes adultes à faible revenu restent sans protection par ailleurs.

Île-du-Prince-Édouard

Au Tableau 6-8, nous remarquons que 2 800[59] (8 p. 100) des personnes âgées de 18 à 35 ans seraient admissibles à l'aide juridique. Seulement 51,5 p. 100 des 5 400 jeunes adultes à faible revenu à l'Île du Prince Édouard seraient admissibles. Quelques 2 600 ne le seraient pas.

L'échantillon est trop petit pour appliquer la répartition pas sexe ou par taille de la famille.

Terre-Neuve-et-Labrador

Nous observons au Tableau 6 9 que 4 700[60] (3,1 p. 100) des jeunes adultes âgés de 18 à 35 ans seraient admissibles à l'aide juridique. Chez les jeunes à faible revenu, 19,2 p. 100 seulement seraient admissibles, ce qui laisse entendre que 19 900 personnes à faible revenu environ ne seraient pas en mesure d'avoir accès à l'aide juridique[61].

L'échantillon pour Terre-Neuve-et-Labrador est trop petit pour permettre une répartition par sexe ou par taille de la famille.

Quelles sont les conclusions que l'on peut tirer de ces données?

Il est difficile de se prononcer sur les divers régimes, étant donné le pouvoir discrétionnaire dont jouissent les provinces. Les données fournies ne tiennent pas compte de la latitude ni des diverses évaluations compliquées effectuées dans le cadre des programmes (Évaluation de l'actif, examen des dépenses, liquidités et dettes ou la possibilité de trouver un avocat). Par contre, des observations sont possibles sur les critères de départ appliqués par les régimes pour établir l'admissibilité financière : les seuils de revenu et, dans une moindre mesure, les liquidités.

Si la raison d'être des régimes est essentiellement d'assurer la représentation, dans les affaires pénales, des personnes qui n'ont pas les moyens de retenir les services d'un avocat, on s'attend à ce que les seuils d'admissibilité correspondent à quelque mesure de la pauvreté. Ces régimes ont choisi le seuil de faible revenu (avant ou après impôt, selon le cas) et, bien qu'imparfait, ce seuil est largement accepté comme barème d'évaluation du revenu.

Selon les données recueillies, dans l'ensemble, les seuils d'admissibilité à l'aide juridique se situent, dans toutes les provinces, bien au dessous des SFR correspondants. En ajoutant l'actif au revenu, on diminue l'écart entre les seuils d'admissibilité et les SFR. Le revenu, comme nous l'avons déjà mentionné, n'est pas la même chose que les liquidités. La déduction de ces dernières assure de modestes économies permettant de faire face aux situations d'urgence. Elles ne devraient pas être considérées comme faisant partie du revenu pour déterminer l'admissibilité financière.

C'est dans les grandes zones urbaines que l'on constate les écarts les plus importants entre les seuils d'admissibilité et les SFR. L'écart est beaucoup moindre dans les petites zones urbaines et dans les zones rurales, où l'on observe souvent que les seuils sont supérieurs aux SFR. Ce fait est essentiellement la conséquence de la prise en compte, dans les calculs des SFR, du coût de la vie selon la taille des localités; ainsi, les seuils sont moindres dans les zones rurales que dans les grands centres urbains. Par conséquent, une famille pauvre vivant dans une zone rurale a plus de chances d'être admissible qu'une famille pauvre vivant dans un grand centre urbain.

En général, le pourcentage des familles pauvres admissibles varie de 18 p. 100 à Terre-Neuve-et-Labrador à 87 p. 100 en Nouvelle Écosse. À l'instar des familles, le pourcentage des jeunes adultes pauvres (18 à 35 ans) qui sont admissibles à l'aide juridique va de 20,7 p. 100 à Terre-Neuve-et-Labrador à 88,1 p. 100 en Nouvelle Écosse. Ces résultats révèlent que les seuils d'admissibilité ne correspondent pas aux seuils de faible revenu. Par conséquent, les familles et les personnes pauvres qui pourraient avoir besoin d'aide juridique ne seront pas financièrement admissibles. Ces constats mettent également en évidence les différences qui existent entre les divers régimes sur le plan de l'admissibilité financière. Il y a une très grande disparité entre les régimes quant au degré de pauvreté donnant droit à l'aide juridique.

Pourcentage des familles pauvres admissibles à l'aide juridique selon la province** (1998)

Pourcentage des familles pauvres admissibles à l'aide juridique selon la province** (1998) [Description]

Pourcentage des 18 a 35 ans a faible revenu qui sont admissibles a l:aide juridique (1998)

Pourcentage des 18 a 35 ans a faible revenu qui sont admissibles a l:aide juridique (1998) [Description]

La plupart des régimes prévoient expressément l'admissibilité automatique des demandeurs qui reçoivent des prestations d'aide sociale. L'aide sociale (ou le bien être social) est un programme qui assure un revenu de subsistance aux familles. Elle offre de l'argent et des ressources aux personnes et aux familles dont le revenu ne permet même pas de satisfaire à leurs besoins essentiels et qui ont épuisé toutes les autres sources d'aide. L'aide sociale varie d'une province à l'autre. Le Conseil national du bien être social, dans son rapport annuel sur les revenus de bien être social[62], ne cesse de souligner l'insuffisance des revenus de bien être social. En fait, elle a comparé ces revenus aux SFR et à la moyenne des revenus. « Depuis que le Conseil suit l'évolution des revenus de bien être social, ces derniers s'établissent bien en dessous du seuil de pauvreté dans toutes les régions du pays et représentent une fraction minime des revenus moyens » [63]. Baser les seuils d'admissibilité à l'aide juridique sur l'aide sociale ne tient compte que des très pauvres. Un nombre important des familles à faible revenu reste exclu. Ainsi, le petit salarié ne pourrait avoir droit à l'aide juridique dans de telles conditions. La pauvreté est étroitement liée aux conditions de travail et au nombre de salariés dans un ménage. Au cours des deux dernières décennies, l'économie canadienne n'a pas assuré un nombre suffisant d'emplois adéquats. Nous avons observé une détérioration de la qualité et de la sécurité des emplois disponibles. En 1997, le pourcentage des petits salariés s'établissait à 6,7 p. 100, ce qui représente une hausse de 95 p. 100 par rapport à 1981[64]. Ces ménages se retrouvent sans ressources.

Ces observations, bien sûr, ne tiennent pas compte des régimes offrant l'admissibilité élargie. L'Alberta, le Manitoba[65], le Québec et l'Ontario offrent, dans une certaine mesure, des régimes à double et triple vitesses. L'Alberta, le Manitoba et le Québec ont un mode de contribution. Ainsi, le demandeur qui répond à un deuxième ou à un troisième ensemble de critères et qui est prêt à verser un montant fixé d'avance (au Manitoba, ce montant peut correspondre à tous les frais de service) est admissible à l'aide juridique. L'Ontario a établi un système en vertu duquel un demandeur dont le revenu est supérieur au plafond fixé peut être admissible si, une fois déduites les allocations de logement, de subsistance et de dettes, son revenu est inférieur au plafond fixé. Le demandeur n'est pas obligé de rembourser automatiquement la province. Dans l'ensemble, ces régimes augmentent grandement le pourcentage des familles admissibles. Par contre, au Québec, 69 p. 100 seulement des familles à faible revenu seraient admissibles. En Alberta et au Manitoba, presque toutes les familles pauvres seraient admissibles et, en Ontario, 95 p. 100. Comme c'est le cas pour les familles, les régimes offrant l'admissibilité élargie permettent à un plus grand nombre des 18 à 35 ans à faible revenu d'être admissibles à l'aide juridique. L'Alberta, le Manitoba et l'Ontario rejoignent ainsi presque toutes les personnes de ce groupe d'âge. Au Québec, seulement 65,8 p. 100 des jeunes adultes à faible revenu seraient admissibles à l'aide juridique. Bien que l'admissibilité élargie augmente le pourcentage des familles à faible revenu, des jeunes de 18 à 35 ans et des " quasi pauvres " (familles et jeunes adultes) qui sont admissibles, les données ne nous permettent pas d'établir si ce genre de régime exerce un effet de dissuasion et quelle est l'incidence sur la situation financière de ces personnes de leur contribution aux frais de services[66]. On suppose que ceux qui sont " quasi pauvres " seront en mesure de payer les frais juridiques. Par contre, aucune étude récente n'a évalué le fardeau que représente l'obligation de payer des frais juridiques.