L’efficacité de la médiation pour certains litiges en matière civile : une méta-analyse

Résumé

La médiation est le processus par lequel une partie impartiale dotée d’aucun pouvoir décisionnel intervient entre des parties opposées pour les aider à mettre fin à un conflit juridique, à en restreindre la portée ou à le régler. Les adeptes de la médiation considèrent que la médiation est une solution moins conflictuelle que le recours aux tribunaux qui peut réduire les coûts, améliorer l’équité et accroître la satisfaction.

Les techniques méta-analytiques sont des méthodes quantitatives de compilation des connaissances qui ont été beaucoup utilisées dans divers domaines d’étude, dont l’éducation et la médecine, mais qui n’ont été adoptées que récemment en sciences sociales (Lipsey et Wilson, 1993). Essentiellement, une méta-analyse peut être considérée comme une analyse statistique d’une série d’études qui portent sur l’ampleur d’un rapport entre deux ou plusieurs variables (Glass, McGaw & Smith, 1981).

À l’instar des méthodes classiques de recherche quantitative, la méta-analyse comprend trois étapes de base: soit l’analyse bibliographique,la collecte de données et l’analyse des données. Après avoir procédé à une recherche exhaustive des documents sur le sujet à l’étude et avoir communiqué avec 85 personnes ou organisations ayant une expertise et une expérience dans le domaine de l’évaluation des programmes de médiation, nous avons identifié plus de 250 sources.

Nous avons ensuite appliqué un ensemble spécifique de critères en vue de la sélection des études à inclure dans la méta-analyse, c’est-à-dire :

  1. l’étude évaluait un programme de médiation visant des affaires délictuelles ou contractuelles (et non pas des affaires relevant du droit criminel, du droit autochtone ou du droit de la famille);
  2. l’étude évaluait le recours à la médiation de type évaluative, facilitative ou transformative (l’arbitrage et la négociation n’étaient pas inclus);
  3. l’étude utilisait un groupe de comparaison ou groupe témoin, c’est-à-dire un groupe qui n’avait pas eu recours à la médiation ou qui avait eu recours à un autre type de médiation;
  4. les renseignements statistiques présentés étaient suffisants pour permettre de calculer une valeur de l’effet;
  5. au moins un des quatre résultats suivants était signalé pour le groupe ayant eu recours à la médiation et pour le groupe de comparaison —
    • satisfaction du demandeur;
    • satisfaction du défendeur;
    • équité procédurale; et/ou
    • efficacité-coût;
  6. l’étude n’avait pas débuté avant 1980.

Une fois les critères de sélection pris en compte, seulement 26 publications ont été conservées. Certaines portaient sur plusieurs programmes de médiation, d’autres sur plusieurs centres de médiation. En tout, 37 programmes ou centres distincts de médiation pouvaient faire l’objet de l’analyse.

Seulement 28 de ces 37 études distinctes d’un programme ou d’un centre de médiation fournissaient des données qui nous ont permis de générer des mesures statistiques méta-analytiques appelées « estimations de la valeur de l’effet » (EVE), tandis que 34 ont fourni des données qui nous ont permis de calculer des moyennes pour les autres mesures de résultats. Au total, 59 valeurs de l’effet et 97 autres mesures de résultats ont été calculées. Les données opérationnelles avaient été complétées par des données d’enquête dans la plupart des études que nous avons évaluées. Par conséquent, en plus des données opérationnelles, la présente méta-analyse résume les réponses de près de 8 000 personnes qui ont eu recours àla médiation et celles de plus de 2 000 personnes qui faisaient partie d’un groupe de comparaison.

Les programmes de médiation ont eu un effet positif sur 10 des 17 mesures de résultats que nous avons pu analyser. Par conséquent, la méta-analyse révèle qu’un programme de médiation entraîne de grandes améliorations sur le plan des résultats quant aux variables suivantes :

Dans de nombreux cas, nous n’avons pas pu formuler d’énoncés statistiquement significatifs au sujet des mesures de résultats. Cette situation peut être due au niveau de variabilité des résultats auxquels les études sont parvenues ou au fait que l’échantillon était peut-être trop petit pour donner une idée claire de la réalité. Il se peut aussi que l’incidence de la médiation sur la mesure de résultats en question soit effectivement très faible, négligeable ou même négative. C’est le cas des 7 mesures de résultats suivantes:

Dans le cas de 6 programmes ou centres, on avait demandé aux répondants du groupe de comparaison s’ils auraient préféré recourir à la médiation au lieu de la procédure utilisée. Un peu moins de la moitié (48 %) des personnes sondées ont indiqué qu’elles auraient préféré recourir à la médiation.

Nous avons aussi examiné des variables « modératrices », c’est-à-dire des variables qui modifient la forme et/ou l’intensité d’une relation entre deux autres variables (Henriques, 1999), pour tenter de déterminer quelles caractéristiques étaient le plus associées à un résultat donné et celles qui ne l’étaient pas du tout. Dans la plupart des cas, l’analyse modératrice n’a pas porté fruit. La majorité des variables modératrices dont on pouvait dire avec confiance qu’elles amélioraient une mesure de résultats ne pouvaient être comparées avec une fiabilité statistique quelconque à aucune autre variable modératrice appliquée à la même mesure de résultats.

Si ces variables modératrices peuvent en soi être fortement associées à de vrais programmes de médiation, elles peuvent aussi être des artefacts de l’échantillon. Par conséquent, on ne peut pas en tirer beaucoup de conclusions. Il y a bien eu quelques cas où plus d’une variable modératrice appliquée à une mesure de résultats donnée pouvait être comparée, mais dans la majorité des cas, les intervalles de confiance des variables modératrices se chevauchaient (ce qui indique que l’effet est le même) ou une des variables modératrices était un genre de variable fourre-tout dans laquelle on ne savait pas exactement ce qui s’y trouvait. Nous avons pu comparer clairement les variables modératrices les unes avec les autres dans trois cas seulement. Le choix volontaire de la médiation pourrait réduire davantage les heures de travail du personnel que la médiation obligatoire et la durée des affaires est inférieure et les économies de coûts supérieures dans les groupes ayant eu recours à un programme de médiation, comparativement aux groupes témoins qui englobaient uniquement des affaires non admissibles à la médiation. Cependant, cette dernière conclusion ne tient pas pour les groupes de comparaison englobant tous les types d’affaires. Quoiqu’il en soit, la très petite taille de certains échantillons nous empêche de tirer des conclusions valables à partir de telles comparaisons.

Un seul des calculs faits dans la présente méta-analyse a abouti à un effet négatif de la médiation. Dans ce cas précis, la méta-analyse a révélé que les programmes qui conféraient la liberté de choisir un médiateur ont obtenu un taux de règlement moins élevé que le groupe de comparaison, tandis que les programmes de médiation qui ne permettaient pas de recourir à un autre mode que la médiation ont obtenu un taux de règlement plus élevé.

Même si l’échantillon était trop petit pour permettre de différencier les types de programmes de médiation les uns des autres, la médiation aurait définitivement des effets positifs d’après les résultats compilés des études et des évaluations des programmes de médiation.

Dans l’ensemble, la médiation fait économiser du temps et des coûts. Elle entraîne des améliorations d’au moins 16 ou 17 % pour ce qui est des perceptions d’économies de temps et de coûts, ce qui est également corroboré par les économies de temps et de coûts ayant été mesurées. Selon les caractéristiques du programme de médiation, ces améliorations pourraient même dépasser 40 % dans certains cas, mais il est plus probable qu’elles soient de l’ordre de 30 %.

De plus, la méta-analyse révèle que la médiation entraîne des améliorations d’au moins 3 à 6 % au chapitre des perceptions de l’équité et de la satisfaction. Par conséquent, la médiation entraîne clairement des améliorations légères, mais évidentes, sur le plan des perceptions de l’équité et de la satisfaction. Selon les caractéristiques du programme de médiation, ces améliorations pourraient être de l’ordre de 15 à 25 %, mais plus probablement de l’ordre de 10 à 15 %.