Alinéa 2c) – Liberté de réunion pacifique

Disposition

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

  1. liberté de réunion pacifique;

Dispositions similaires

Des dispositions similaires peuvent être trouvées dans les lois canadiennes et les instruments internationaux contraignants pour le Canada qui suivent : l’alinéa 1e) de la Déclaration canadienne des droits, l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et l’article 15 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Voir aussi les dispositions des instruments suivants d’application internationale, régionale ou relevant du droit comparé qui n’ont pas d’effet contraignant pour le Canada, mais qui comprennent des dispositions semblables : le premier amendement de la Déclaration des droits des États-Unis, le paragraphe 20(1) de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et l’article 15 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme.

Objet

La jurisprudence n’a pas fourni de commentaires détaillés sur l’objet de l’alinéa 2c). Cependant, le peu qui existe semble indiquer que la liberté de réunion pacifique est axée sur la protection physique des assemblées (Roach c. Canada (Ministre d’État au Multiculturalisme et à la Citoyenneté), [1994] 2 R.C.F. 406, 1994 CanLII 3453 (C.A.F.)). L’objet de l’assemblée, cependant, n’est pas protégé par l’alinéa 2c) (R. c. Normore, 2005 ABQB 75, à la page 3; Roach c. Canada, précité).

Comme il est mentionné plus loin, la jurisprudence indique que l’objet de la liberté de réunion pacifique prévu à l’alinéa 2c) s’inspire largement de la liberté d’expression prévue à l’alinéa 2b) : la [traduction] « liberté de réunion » est une forme de « parole en action » (R. c. Behrens, [2001] O.J. No. 245 (C.J. Ont.), au paragraphe 36, faisant référence à la décision Ontario (A.G.) c. Dieleman (1994) 20 O.R. (3d) 229 (Cour de l’Ontario, Division générale), aux pages 329 et 330). Même si l’on reconnaît que la réunion peut constituer une forme ou une modalité particulière d’expression, la valeur intrinsèque de la réunion pacifique comme étant plus qu’une liberté accessoire ou de second ordre a également été reconnue (voir p. ex., Bérubé c. Ville de Québec, 2019 QCCA 1764, aux paragraphes 43 à 46).

La Cour suprême a fait référence collectivement aux libertés prévues à l’article 2 comme étant des droits de protection de nature fondamentale dans la société libérale et démocratique que forme le Canada (Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), [2015] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 48).

Analyse

La liberté de réunion pacifique protégée par l’alinéa 2c) de la Charte a peu été interprétée par les tribunaux. Étant donné sa composante expressive importante, les parties demanderesses ont été enclines à faire valoir des questions relatives à la Charte qui pourraient être liées à l’alinéa 2c), plutôt qu’à l’alinéa 2b), et même si des arguments ont été faits au regard de l’alinéa 2c), les tribunaux ont eu tendance à trancher les questions conformément à l’alinéa 2b) (voir, p. ex. B.C.G.E.U. c. British Columbia (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 214; British Columbia Teachers’ Federation c. British Columbia Public School Employers’ Assn., [2009] B.C.J. No. 155 (C.A.C.-B.), au paragraphe 39, autorisation d’appel refusée, [2009] C.S.C.R. No. 160; Figueiras c. Toronto (City) Police Services Board, 2015 ONCA 208).

Alternativement, mais dans le même ordre d’idées, les questions liées à l’alinéa 2c) sont parfois analysées conjointement aux questions liées à l’alinéa 2b), ou alors en plus de celles-ci, mais les tribunaux indiquent alors que l’analyse effectuée au regard de l’alinéa 2c) est comprise dans l’analyse de l’alinéa 2b) ou ne font aucune distinction importante dans leur analyse (Behrens, précité; Dieleman, précité; R. c. Semple, 2004 ONCJ 55; Batty c. Toronto (City), [2011] O.J. No. 5158 (CS Ont.); Smiley c. Ottawa (City), 2012 ONCJ 479; Villeneuve c. Montréal (Ville de), 2016 QCCS 2888 aux paragraphes 386 et suivant, jugement modifié pour d’autres motifs, 2018 QCCA 321).

De même, l’usage de ne pas procéder à une analyse distincte au regard de l’alinéa 2c) dans les cas où les intérêts protégés, soit la liberté de se réunir en unité religieuse, étaient [traduction]« entièrement subsumés » dans une analyse fondée sur l’alinéa 2a) (liberté de religion) a été confirmé en appel dans l’arrêt Ontario (Attorney General) c. Trinity Bible Chapel, 2023 ONCA 134. Lorsque le contexte factuel des différentes allégations fondées sur la Charte était largement indissociable, [traduction]« la gravité de la violation ne devrait pas être exagérée par une liste artificielle de dispositions » (paragraphe 18).

L’alinéa 2c) comprend le droit de participer à des manifestations, à des protestations, à des défilés, à des réunions, à des piquets de grève et à d’autres genres de rassemblements pacifiques (Dieleman, précité; R. c. Collins, [1982] O.J. No. 2506 (Cour de comté); Fraser c. Nova Scotia (A.G.) (1986), 30 D.L.R. (4th) 340 (C.S.N.É.)). Il protège le droit de manifester dans les rues publiques (Garbeau c. Montréal (Ville de), 2015 QCCS 5246). La liberté s’étend aussi à la protection du droit de camper dans un parc public dans le cadre d’activités de protestations (Batty, précité) ainsi qu’à la capacité de porter des masques lors d'une manifestation pacifique (Villeneuve, précité), mais elle ne protège pas un lieu de réunion particulier (par exemple, un club-house) (Procureur-général de l’Ontario c. 2192 Dufferin Street, 2019 ONSC 615).

L’alinéa 2c) garantit le droit de réunion pacifique; il ne protège pas les émeutes et les rassemblements qui troublent gravement la paix : R. c. Lecompte, [2000] J.Q. No. 2452 (C.A.Q.). Il a été précisé que la liberté de réunion, tout comme la liberté d’expression, ne comprend pas le droit d’empêcher physiquement des activités légitimes ou d’y faire obstacle : Guelph (City) c. Soltys, [2009] O.J. No. 3369 (Cour sup. de justice de l’Ont.), au paragraphe 26.

Dans certaines décisions, les tribunaux ont conclu que les mesures juridiques ayant une incidence sur la liberté de réunion au moyen d’une réglementation raisonnable de l’espace public et des questions connexes de santé et de sécurité publiques ne portent pas atteinte à l’alinéa 2c) (Pitts Atlantic Construction Ltd. c. United Association of Journeymen and Apprentices of the Plumbing Industry of the United States and Canada, Local 740 (1984), 7 D.L.R. (4th) 609 (C.A. T.-N.-L.); Hussain c. Toronto (City) [2016] O.J. No. 2768 (Cour div.)). Il a également été établi qu’il n’y avait pas d’atteinte à l’alinéa 2c) lorsque des mesures sont prises pour limiter la possibilité que des sans-abri résident dans des espaces publics; toutefois, dans cette affaire, on a conclu que les mesures prises portaient atteinte à l’article 7 de la Charte (Abbotsford (City) c. Shantz, 2015 BCSC 1909).

Dans d’autres décisions, les tribunaux ont établi que de telles mesures contrevenaient à l’alinéa 2c), mais qu’elles étaient justifiées au regard de l’article premier (Dieleman, précité; Batty, précité; Smiley, précité).

Cependant, les mesures qui ont pour effet de régir la réunion n’ont pas toujours été jugées raisonnables et justifiées au regard de l’article premier. Par exemple, un périmètre de police, y compris une fouille des bagages, autour d’un parc public où des gens s’étaient rassemblés pour protester contre une réunion du G20, n’ont pas été considérés comme des limites justifiées en l’absence d’une autorité légale d’imposer et d’appliquer ces conditions d’entrée (Stewart c. The Toronto Police Services Board, 2020 ONCA 255, infirmant Stewart c. The Toronto Police Services Board, 2018 ONSC 2785). Dans la décision Gammie c. South Bruce Peninsula (Town), 2014 ONSC 6209, et Villeneuve, précité, des mesures réglementaires ont échoué à l’analyse fondée sur l’article premier de la Charte parce qu’elles ne respectaient pas l’exigence d’atteinte minimale. De même, dans la décision Bérubé, précité, des mesures régissant les rassemblements publics qui étaient appliquées par une infraction de responsabilité stricte punissable par une amende n’ont pas été considérées justifiées au regard de l’article premier. Les mesures, y compris l’exigence de fournir un avis préalable à la police concernant l’endroit, l’heure et l’itinéraire et de ne pas dévier de ce préavis, ne respectaient pas l’exigence d’atteinte minimale et leurs effets bénéfiques ne l’emportaient pas sur leurs effets préjudiciables sur les libertés protégées.

Le contenu est à jour jusqu’au 2023-07-31.