Rapport de consultation auprès des Canadiens sur le système de justice pénale
5. Principales constatations
5.1. Principes directeurs du système de justice
- Le système de justice pénale devrait être fondé sur le respect, l’équité, la collaboration, la compassion et l’inclusion.
- Les objectifs du système de justice pénale devraient inclure la prévention du crime, la responsabilisation, la réadaptation et la réparation des torts causés par la criminalité.
- Le système de justice pénale devrait adopter une approche multisectorielle de la justice avec une meilleure intégration avec les autres systèmes sociaux (p. ex. la santé et l’éducation).
- L’accent devrait être mis sur l’amélioration des résultats pour les victimes et les délinquants
Lorsqu’on leur a demandé d’évaluer l’importance d’un certain nombre d’objectifs du système de justice pénale du Canada, la majorité (88 %) des répondants au Cahier de choix a jugé qu’il s’avérait important d’« aider avant toute chose une personne à renoncer à commettre un acte criminel » et de « tenir les gens responsables de leur comportement ». La majorité (86 %) des répondants a également déclaré qu’il était important de « fournir du soutien et des possibilités aux individus pour réduire leur risque de récidive » et d’« aider à réparer le tort causé par un acte criminel en amenant les délinquants à prendre conscience de leur responsabilité et à reconnaître les dommages qu’ils ont causés ». La majorité (81 %) des répondants a également déclaré qu’il importe d’« aider une personne qui a commis un acte criminel à réintégrer la communauté ». Le consensus se révèle moins établi parmi les participants au Cahier de choix pour ce qui est de « punir une personne qui a commis un acte criminel tout en dissuadant d’autres personnes d’adopter la même conduite », bien que cet aspect ait été jugé important par la plupart d’entre eux (60 %).
Les participants aux tables rondes en personne ont discuté de principes directeurs généraux de transformation du système de justice pénale. De nombreux participants ont recommandé que le système de justice repose sur les principes suivants : le respect, l’équité, la transparence, la responsabilité, la collaboration, la compassion, l’intersectionnalité, l’inclusion et la dignité humaine. Bon nombre ont également souligné que le système devrait adopter une approche multisectorielle de la justice qui s’intègre plus efficacement aux services de santé et aux services sociaux. La prévention constituait une autre idée clé, notamment grâce à l’octroi d’un financement accru pour s’attaquer aux causes profondes de la criminalité et à l’utilisation de l’incarcération comme dernier recours. Plusieurs participants ont recommandé d’ajouter les enseignements des Sept grands-pères, une tradition morale autochtone, comme fondement du système de justice canadien, soit : la vérité, l’humilité, l’honnêteté, l’amour, la sagesse, la bravoure et le respect. D’autres ont déclaré que l’objectif primordial du système de justice devrait consister à obtenir les meilleurs résultats possibles pour les victimes et les délinquants, par l’entremise des approches réparatrices, le cas échéant, et des principes fondamentaux de réadaptation (par opposition aux mesures punitives). Certains ont mentionné que le système de justice pénale devrait adopter une approche décisionnelle fondée sur des données probantes.
Les participants aux plateformes en ligne ont cité bon nombre des mêmes concepts, notamment la nécessité de mettre davantage l’accent sur la réadaptation. Plusieurs participants ont également souligné l’importance de maintenir le principe de neutralité dans tout système de justice transformé, de sorte qu’il n’y ait pas de préjugés systémiques en faveur de l’accusé ou de la victime.
« Les pénitenciers du Canada devraient être des endroits où les personnes peuvent connaître les possibilités qui s’offrent à elles dans notre grand pays et le tort qu’elles causent aux autres lorsqu’elles commettent des actes criminels. »
5.2. Restructurer le système de justice pénale
- Le système de justice pénale doit faire l’objet d’une transformation.
- Des changements devraient être apportés aux peines, dont des peines moins sévères pour les actes criminels de moindre gravité ou non violents; des peines plus sévères pour les actes criminels graves ou violents; un recours accru aux solutions de rechange.
- Favoriser une approche plus réparatrice de la justice : guérison et réadaptation pour les délinquants et les victimes, prise en compte des circonstances.
- Favoriser l’intégration plus étroite de système de justice à d’autres systèmes sociaux comme la santé mentale, les services de traitement de la toxicomanie et le travail social.
- Prévenir les actes criminels en s’attaquant aux causes profondes : éducation, pauvreté, santé, etc.
- Offrir d’une formation continue sur les traumatismes et les préjugés systémiques (p. ex. préjugés raciaux, préjugés liés au sexe) à tous les représentants travaillant dans le système de justice pénale ou parallèlement à ce dernier.
- Assurer la diversité de la représentation dans toutes les nominations (p. ex. les juges) et les embauches dans le système de justice pénale.
Le système de justice pénale doit faire l’objet de changements considérables
Tous les participants au Cahier de choix ont affirmé que le système de justice pénale du Canada devait faire l’objet d’un certain degré de changement. La moitié (50 %) des participants a affirmé que le système de justice pénale nécessitait des « changements importants », alors qu’un autre 23 % estimait « qu’une transformation complète » était requise (23 % des répondants préconisaient des « changements modérés » et 4 % de « petits changements »). Les participants étaient légèrement plus enclins à affirmer que le système de justice pénale nécessitait des changements après avoir répondu au Cahier de choix.
Environ la moitié (51 %) des répondants au Cahier de choix a dit que l’exercice du Cahier de choix les avait aidés à en apprendre davantage sur les problèmes auxquels fait face le système de justice pénale du Canada (23 % des participants se sont dit surpris par certains des renseignements présentés). Après avoir rempli le Cahier de choix, 16 % des répondants ont affirmé qu’ils percevaient désormais différemment le système de justice pénale.
Détermination de la peine
Parmi les réponses fournies dans le Cahier de choix, les suggestions concernant les peines étaient les plus communes pour ce qui est de restructurer entièrement le système de justice pénale. Bon nombre de répondants ont affirmé qu’ils ne condamneraient pas des auteurs d’actes criminels non violents, mineurs ou sans victime (p. ex. vandalisme, menu larcin) à des peines d’emprisonnement conventionnelles. Ils ont plutôt affirmé qu’ils imposeraient à ces délinquants, surtout aux délinquants primaires, une peine sous forme de participation à des programmes de travail communautaire ou à des séances de counseling pour réduire leur risque de récidive et leur permettre de tisser des liens plus profonds avec leur collectivité.
D’autres répondants ont affirmé que ces délinquants devraient être tenus de participer à un processus de règlement géré par médiation ou dédommager leurs victimes. La plupart des répondants ont jugé que le recours à des solutions de rechange qui permettraient aux délinquants de bas niveau d’éviter le casier judiciaire avantagerait ces derniers et la société à parts égales; les possibilités d’emploi d’un délinquant ne seraient pas restreintes par un casier judiciaire, augmentant ainsi les chances d’autonomie financière, un sens accru de communauté et une diminution du risque de récidive. De nombreux répondants ont également mentionné que la déjudiciarisation des délinquants de bas niveau permettrait de réduire l’arriéré et les retards.
« Je me concentrerais sur l’amélioration du volet réadaptation du système judiciaire. La prison peut souvent s’avérer la solution adéquate pour les infractions graves, mais d’excellents programmes de réinsertion et des ressources de réadaptation devraient être offerts pour éviter aux personnes de récidiver ou de revenir à la situation sociale ou économique ayant contribué à leurs difficultés au départ. Après avoir rempli le Cahier de choix, je constate qu’à l’heure actuelle, les infractions mineures et les multirécidivistes sont présents en grande partie dans le système. Il serait bon de recourir à la justice réparatrice ou à d’autres solutions pour simplifier le système et cibler le traitement des auteurs d’infractions graves. »
D’autres répondants ont affirmé qu’ils modifieraient les peines de manière à ce qu’elles tiennent compte de la gravité d’un acte criminel, tout en prenant en compte des facteurs pertinents comme les multirécidives et la sécurité publique. En règle générale, les participants estimaient que les juges devraient disposer d’un pouvoir discrétionnaire pour déterminer la peine en se fondant sur la cause, mais que les auteurs d’actes criminels violents causant des blessures (p. ex. meurtre, agression, agression sexuelle), particulièrement les causes impliquant des victimes juvéniles, devraient être condamnés à des périodes d’incarcération plus longues que la norme actuelle et avec des possibilités moindres ou aucune possibilité de libération conditionnelle.
Les participants au Cahier de choix ont également affirmé que les auteurs d’actes criminels mineurs et non violents (p. ex. possession de drogues aux fins d’usage personnel) et les délinquants primaires devraient se voir imposer des peines moins sévères. Bien que généralement favorables à des peines plus sévères pour les infractions graves, ces répondants n’étaient pas généralement favorables à des peines minimales obligatoires.
« Abolir les peines minimales… Fournir aux provinces plus de ressources consacrées à la déjudiciarisation. Tenir compte de manière plus globale de la vie du délinquant et des répercussions du système judiciaire sur la collectivité du délinquant et sa famille. Assurer et intégrer le pouvoir discrétionnaire des juges et fournir à ces derniers plus d’outils que les moyens conventionnels de détermination de la peine. »
Un petit nombre de répondants au Cahier de choix ont affirmé qu’il faudrait imposer des peines minimales obligatoires pour toutes les infractions.
Plusieurs répondants au Cahier de choix ont souligné que toute peine devrait tenir compte des causes profondes de l’acte criminel, notamment des facteurs économiques (p. ex. la pauvreté), des traumatismes antérieurs (p. ex. la violence pendant l’enfance) ou de l’oppression systémique fondée sur la race, le sexe ou l’orientation sexuelle (p. ex. la marginalisation historique des peuples autochtones, la discrimination envers les Canadiens transgenres). Les répondants ont jugé que les peines visant à s’attaquer aux causes profondes – que ces peines constituent une solution de rechange à l’incarcération ou soient intégrées à cette dernière – seraient plus compatissantes et plus efficaces (p. ex. pour réduire le risque de récidive et les coûts d’incarcération). À titre d’exemple, certains répondants au Cahier de choix ont affirmé que des solutions de rechange communautaires et adaptées à la culture, comme des cercles de guérison, seraient plus appropriées et efficaces pour certains délinquants autochtones.
« Plus de déjudiciarisation; souci accru pour les personnes pauvres, mal logées ou non logées, peu scolarisées, aux prises avec une stigmatisation ou des obstacles sociaux […] ou ayant des problèmes de santé mentale. »
Quelques répondants au Cahier de choix ont maintenu que la situation ou les expériences d’un délinquant ne sont pas liées à la détermination de la peine et qu’il faudrait punir tous les actes criminels de la même façon.
Justice réparatrice
La justice réparatrice est le deuxième thème en importance le plus couramment soulevé dans les réponses au Cahier de choix sur la restructuration du système de justice pénale. Les répondants ont parlé de la justice réparatrice comme d’un grand principe directeur d’un système judiciaire restructuré, plutôt que d’une simple solution de rechange aux peines. Les répondants ont affirmé qu’une restructuration de notre système de justice pénale devrait reposer sur des valeurs réparatrices, plutôt que sur les punitions ou les représailles. Ils ont mentionné les résultats positifs qu’entraîne une approche réparatrice pour les délinquants, les victimes et les collectivités, et ont expliqué que, comme solution de rechange à l’incarcération ou conjointement à celle-ci, les programmes de justice réparatrice peuvent diminuer la récidive, rétablir la confiance de la collectivité, et éliminer les retards judiciaires.
Bon nombre de personnes ont affirmé qu’elles ne permettraient le recours à des solutions réparatrices que pour les infractions de moindre gravité; toutefois, d’autres ont affirmé que les victimes d’actes criminels violents peuvent aussi considérer la justice réparatrice plus efficace pour favoriser la guérison, plutôt que le processus habituel de détermination de la peine par les tribunaux.
« La justice réparatrice jouerait un rôle beaucoup plus grand dans notre système, en commençant par les jeunes délinquants, comme c’est le cas dans certains endroits, mais pas uniquement pour les jeunes délinquants. Je crois qu’elle peut aider les auteurs d’actes criminels et les victimes. Elle ne serait pas toujours appropriée, mais il y aurait plus de place dans les tribunaux pour les procès qui nécessiteraient s’y dérouler. Nous avons besoin d’un système axé sur les personnes plutôt que sur les punitions. »
Collaboration entre le système de justice pénale et les autres systèmes sociaux
Le troisième thème en importance le plus couramment soulevé dans les réponses au Cahier de choix sur la restructuration du système de justice pénale était la meilleure intégration du système de justice pénale aux autres systèmes sociaux (p. ex. la santé mentale et la toxicomanie). Les répondants ont suggéré d’embaucher des spécialistes en santé mentale et en toxicomanie à tous les échelons du système judiciaire afin de mieux servir les délinquants/accusés et les victimes (p. ex. jumelage avec des policiers, évaluations au moment de l’arrestation, soutien judiciaire, programmes correctionnels). Bon nombre de ces répondants ont souligné qu’un système de justice pénale ne peut réduire efficacement la criminalité et améliorer les résultats si l’on ne dispose pas de services en santé mentale et en toxicomanie qui sont complets et bien financés comme piliers fondamentaux.
De nombreux répondants ont affirmé que l’amélioration de l’accès pour l’ensemble des Canadiens à un soutien en santé mentale et en toxicomanie serait un bon moyen de prévention du crime. Quelques personnes ont souligné que les tribunaux de santé mentale distincts (c.-à -d. semblables au tribunal civil ou au tribunal de la famille) permettraient de s’occuper de manière plus juste des accusés ou délinquants ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, tout en améliorant l’efficacité de la cour.
« Fournir des mesures de soutien en santé mentale et des hôpitaux adéquats pour maintenir hors du système [de justice pénale] les personnes ayant des problèmes de santé mentale. De plus, certaines personnes ayant des problèmes de développement n’ont pas leur place dans notre système… Il faudrait fournir plus de services de réadaptation concernant la consommation excessive d’alcool et de drogues… dresser des listes d’attente plus courtes. Effectuer plus de renvois et mettre en place un tribunal de traitement de la toxicomanie. Si le délinquant est détenu, il devrait avoir accès à plus de services, surtout s’il est en détention provisoire. Parfois, les délinquants sont mis en liberté et les tribunaux n’ont rien prévu pour la suite. Les délinquants devraient pouvoir compter sur un travailleur social pour les aider. Il en va de même pour ce qui est de la peine d’emprisonnement… il n’y a pas suffisamment de services pour organiser la mise en liberté. »
Causes profondes de la criminalité
Un autre thème récurrent dans les réponses au Cahier de choix sur la restructuration du système de justice pénale était le déploiement d’efforts pour s’attaquer aux causes profondes de la criminalité en tant que moyen de prévention du crime. De nombreux répondants ont souligné qu’un système judiciaire efficace mettrait autant d’efforts à prévenir le crime en s’attaquant aux causes profondes de la criminalité (p. ex. les inégalités sociales, la pauvreté, les problèmes de santé mentale et la discrimination systémique) qu’il en consacre aux punitions et à la réadaptation. Les participants ont suggéré de mettre en place des mesures concrètes pour s’attaquer aux causes profondes et réduire la criminalité en général, notamment en augmentant les possibilités économiques pour les groupes marginalisés et en éliminant les facteurs systémiques comme la criminalisation des drogues et les activités excessives de maintien de l’ordre dans les collectivités ethnicisées, éléments qui, selon ces participants, ont mené à la surreprésentation de ces groupes dans le système de justice pénale.
L’éducation est l’une des priorités clés relevées par les participants. On compte parmi les thèmes soulignés : rendre une éducation de qualité plus également accessible aux enfants, peu importe leurs antécédents, leur région et leurs capacités; enseigner aux Canadiens, dès leur jeune âge, les concepts du consentement et de l’égalité des genres (pour prévenir les agressions sexuelles et la violence fondée sur le genre); et renseigner les Canadiens sur les ressources mises à leur disposition pour composer avec toutes sortes de problèmes – des traumatismes au chômage.
« Je m’assurerais que la restructuration du système judiciaire va de pair avec une restructuration d’autres mesures de soutien social, comme l’éducation, la santé ainsi que les conditions de travail et la rémunération, car lorsque ces autres systèmes échouent, ils « donnent naissance » à des personnes marginalisées qui risquent beaucoup plus de commettre des actes criminels. »
Réadaptation
La réadaptation est un autre thème couramment soulevé dans les réponses au Cahier de choix sur la restructuration du système de justice pénale. Les participants ont réclamé plus de programmes et de services pour préparer les délinquants incarcérés à la réinsertion sociale. L’éducation, la formation professionnelle et les aptitudes à la vie quotidienne ont souvent été citées comme programmes de réadaptation importants, en plus de services de counseling complets en santé mentale, en traumatismes et en toxicomanie. Certaines personnes ont suggéré que ces programmes soient communautaires afin de favoriser les liens des délinquants avec leur collectivité même lorsqu’ils sont incarcérés.
Les répondants ont mentionné que les services de réadaptation fondés sur des données probantes ne devraient pas cesser lorsqu’un délinquant est mis en liberté; des services de soutien global à long terme devraient plutôt être offerts automatiquement à tous les anciens détenus pour assurer leur transition sans heurts dans la vie publique et réduire ou éliminer leur risque de récidive. Les répondants ont affirmé que ce type de réadaptation améliorerait non seulement les résultats pour les délinquants, mais également la sécurité et la confiance du public.
« Il faudrait se concentrer davantage sur la réadaptation, surtout pour les personnes ayant commis de nombreuses infractions mineures. Dans ces cas, il est probable qu’un plus grand nombre de mesures de soutien et un meilleur accès aux traitements pour la santé mentale ou la consommation excessive de substances puissent cibler la cause de nombreuses infractions mineures et aider les délinquants à contribuer à leur collectivité. »
Quelques répondants ont affirmé que nos systèmes correctionnels ne devraient pas comprendre de services de réadaptation, car l’objectif devrait consister à « punir » les gens.
Victimes
Les préoccupations à l’égard des victimes formaient un autre thème d’importance dans les réponses au Cahier de choix sur la restructuration du système de justice pénale. Des répondants ont affirmé qu’ils amélioreraient et étendraient les mesures de soutien et les services offerts aux victimes d’actes criminels lors de la restructuration du système judiciaire. Un certain nombre de répondants affirmaient que dans l’ensemble, le système judiciaire devrait être davantage axé sur les victimes et les traumatismes. Certains ont affirmé que les victimes devraient avoir le choix d’opter pour des solutions de justice réparatrice plutôt que de passer par le système judiciaire conventionnel, et un petit nombre d’entre eux ont affirmé que les victimes devraient « avoir leur mot à dire » dans la détermination de la peine.
Les répondants ont déclaré que, pour éviter une nouvelle victimisation et d’autres traumatismes, on ne devrait pas demander aux victimes d’agression sexuelle de raconter leur histoire à plusieurs reprises (c.-à -d. lors de la première déclaration, de l’audience préliminaire et du procès) ou de témoigner en présence des délinquants au tribunal).
Quelques personnes ont suggéré que le fardeau de la preuve devrait reposer sur l’accusé dans les affaires d’agression sexuelle, possiblement dans un « tribunal des agressions sexuelles » distinct. D’autres ont souligné que dans tout système restructuré, il faut respecter le principe de la présomption d’innocence de toutes les personnes accusées.
« Le système doit être davantage axé sur les victimes, en tenant compte de leurs besoins. Il est clair que cela ne plaira jamais à tous; toutefois, il faut instaurer un juste équilibre entre le fait d’écouter les victimes, la prévention de la criminalité et la responsabilisation des délinquants. »
Formation
La formation à l’intention des représentants travaillant dans le système de justice pénale ou parallèlement à ce dernier était un autre thème d’importance dans les réponses au Cahier de choix sur la restructuration du système de justice pénale. Les répondants ont mentionné le besoin d’offrir une formation à l’intention des policiers, des avocats, des juges, des jurys, des agents des services correctionnels et des travailleurs sociaux, sur la façon de reconnaître et d’éliminer les préjugés personnels et systémiques liés à la race, à la violence fondée sur le sexe et aux agressions sexuelles, à l’orientation sexuelle, à la santé mentale, à la toxicomanie et à la pauvreté. Certains répondants ont jugé qu’une telle formation permettrait aux représentants de la justice pénale de répondre aux besoins des collectivités, des victimes et des délinquants avec plus de justesse, d’efficacité et de compassion.
Les répondants ont également suggéré que le système de justice pénale devrait assurer une plus grande diversité dans les processus d’embauche et de nomination (p. ex. plus de juges de sexe féminin et d’autres ethnies) et les jurys (p. ex. plus de Canadiens autochtones). Quelques répondants ont affirmé que les activités de maintien de l’ordre devraient être axées davantage sur les collectivités et sur la résolution de problèmes plutôt que sur l’arrestation, et ce, afin de réduire le nombre d’arrestations et d’accusations dans le cadre d’infractions de moindre gravité et d’orienter plus efficacement les délinquants et les victimes vers des mesures de soutien et des services appropriés.
« Il faut intégrer dans l’infrastructure même du système de justice pénale des méthodes visant à s’attaquer à la discrimination systémique présente dans le système de justice pénale du Canada et exercée plus particulièrement à l’endroit d’Autochtones et de Canadiens noirs, mais également à l’endroit de [personnes de couleur], des personnes ayant une maladie mentale et des dépendances, et des pauvres. »
Voici d’autres idées et thèmes importants, quoique moins courants, suggérés par les répondants concernant un système de justice pénale restructuré :
- prioriser la diminution des retards dans les enquêtes et procès criminels;
- améliorer l’accès au système judiciaire (p. ex. améliorer l’accessibilité des services d’aide juridique et simplifier le Code criminel), particulièrement pour les populations marginalisées ou vulnérables;
- modifier les conditions imposées par le tribunal (p. ex. pour la mise en liberté sous caution, la probation, la libération conditionnelle) afin de les assouplir pour chaque délinquant, et réduire l’arriéré ou déjudiciariser les infractions contre l’administration de la justice;
- embaucher plus de juges et procureurs de la Couronne et prolonger les heures des tribunaux (p. ex. tribunal de nuit) pour accélérer les procès retardés ou en arriéré.
Voici des suggestions visant à restructurer le système de justice pénale et tirées des tables rondes en personne : mieux intégrer les services de santé mentale et d’évaluation; intégrer des pratiques exemplaires tenant compte des victimes et des traumatismes; accroître l’accessibilité et les mesures de soutien pour les groupes marginalisés – surtout dans les collectivités nordiques et éloignées; cibler la prévention de la criminalité et s’attaquer aux causes profondes; et offrir de la formation de sensibilisation aux représentants du système de justice pénale.
Les participants aux tables rondes en personne ont discuté de la possibilité de permettre aux collectivités autochtones de contrôler leurs propres systèmes judiciaires (p. ex. des pavillons de ressourcement communautaires au lieu d’établissements correctionnels). Bon nombre de ces discussions portaient également sur les sujets suivants : décriminaliser les drogues, offrir plus de services et de mesures de soutien communautaires, combler les écarts de financement, et améliorer l’équité et la justesse dans le système.
Des personnes ont soulevé des thèmes semblables sur diverses plateformes numériques (courriel, Reddit, Twitter). On compte parmi les idées les plus largement partagées : l’amélioration de la transparence et la responsabilisation des représentants du système de justice pénale (p. ex. policiers, avocats de la Couronne), la réduction des coûts globaux du système, et la priorité à la criminalité financière et à la criminalité d’entreprise.
On a également suggéré de créer un organisme gouvernemental dont le principal rôle serait d’assurer le leadership national pour l’ensemble des systèmes correctionnels provinciaux et territoriaux du Canada.
5.3. Expérience des victimes
- Fournir des services/mécanismes de soutien d’ordre juridique et de santé mentale gratuits, automatiques et complets pour les victimes.
- Offrir des solutions de rechange au témoignage des victimes lors des enquêtes préliminaires et du procès, notamment la télévision en circuit fermé, le témoignage écrit, etc.
- Adopter une approche de justice pénale axée sur les traumatismes et les victimes.
- Veiller à l’échange automatique de renseignements avec la victime au sujet du processus de justice pénale (p. ex. l’enquête, le procès, la détermination de la peine et la libération conditionnelle) et de la justice réparatrice.
- Mettre l’accent sur les droits des victimes dans le contexte de la violence fondée sur le sexe.
Soutien aux victimes
L’histoire de Sarah, une femme agressée sexuellement par une connaissance, a été présentée aux répondants du Cahier de choix. Sarah a signalé l’agression à la police, des accusations ont été portées et elle a été tenue de témoigner lors de l’enquête préliminaire, après quoi Sarah a décidé qu’elle ne voulait pas revivre son traumatisme pendant le procès. Elle souffre d’insomnie, d’anxiété et d’un manque de concentration.
L’Expérience des victimes est une vidéo au sujet de Nicole, une femme violée par une personne qu’elle connaissait. Nicole décrit ses sentiments de honte et d’impuissance quant à sa participation au procès de l’accusé, et explique à quel point elle estime que le système de justice ne répond pas aux besoins des victimes.
La majorité des répondants au Cahier de choix ont affirmé que les victimes comme Sarah pourraient bénéficier d’un meilleur soutien de la part du système de justice si on leur offrait des services et des mécanismes de soutien d’ordre juridique et de santé mentale gratuits, automatiques et complets. Les répondants étaient d’avis que les victimes devraient automatiquement bénéficier des services d’un avocat formé et compétent pour les guider à temps plein tout au long du processus juridique. D’autres estimaient que les victimes devraient avoir droit à des services d’aide juridique ou de consultation financés par l’État qui représenteraient les intérêts personnels de la victime. La plupart des répondants ont également indiqué que les victimes d’agression sexuelle devraient avoir accès à une gamme complète de ressources en santé mentale, y compris des psychologues ou des psychiatres spécialisés dans les traumatismes sexuels, un travailleur social qui les accompagne à toutes les étapes des procédures judiciaires, des mentors qui ont déjà vécu ce genre de situation (p. ex. qui ont subi un traumatisme sexuel et connu la guérison), du counseling de groupe et des animaux de thérapie. Un thème récurrent était que les services juridiques et de santé mentale doivent être bien financés, disposer de tout le personnel requis et être offerts gratuitement pour les victimes afin de se révéler efficaces.
« Les victimes devraient se voir offrir les services d’un avocat avant de faire leur déclaration initiale, à l’instar des délinquants. Les victimes devraient également bénéficier d’un délai entre l’incident et le rapport [de police] pour recevoir des soins médicaux afin de s’assurer qu’elles ne sont pas en état de choc ni autrement incapables de se représenter pleinement. »
Prévention de la revictimisation
La deuxième réponse la plus courante consistait à fournir aux victimes d’autres moyens de témoigner afin de prévenir leur revictimisation (au lieu de faire face au délinquant devant le tribunal). Plusieurs options de rechange ont été mentionnées, y compris la télévision en circuit fermé ou le témoignage par vidéoconférence, le témoignage écrit, le témoignage privé avec seulement les parties essentielles présentes (p. ex. juge, avocats) et l’enregistrement de la déclaration initiale de la victime à la police, à des fins d’utilisation au tribunal.
« La possibilité de réutiliser le témoignage sous forme de vidéo, de sorte que son témoignage initial puisse être enregistré et diffusé pour qu’elle n’ait pas à le redire. La victime pourrait être autorisée à ne pas se trouver dans la pièce pendant la lecture de la vidéo. »
De même, de nombreux répondants ont déclaré que les redondances dans le témoignage des victimes lors des audiences préliminaires et du procès devraient être réduites ou éliminées afin de protéger les victimes et de leur éviter d’expliquer à maintes reprises leurs expériences traumatisantes, ce qui est susceptible de causer des traumatismes supplémentaires ou une nouvelle victimisation. D’autres ont déclaré que les audiences préliminaires devraient être complètement éliminées, ce qui diminuerait le nombre de fois où les victimes doivent raconter leurs expériences traumatisantes et accélérerait le processus du procès dans son ensemble.
Approche axée sur les traumatismesNote de bas de page 4 et les victimes
Une autre idée commune consistait à adopter une approche de la justice pénale axée sur les traumatismes et les victimes. Aux yeux de nombreux répondants, cela signifie que les victimes peuvent avoir la certitude qu’elles sont crues et que le système de justice pénale accorde de l’importance à leur bien-être. D’autres ont précisé que le fonctionnement du système de justice pénale doit reposer sur une compréhension de base des effets des traumatismes sur les victimes, notamment la perte de mémoire ou le contact continu avec les agresseurs, et ne pas transformer ces phénomènes « en armes » contre les victimes pour miner leur crédibilité ou juger que leurs allégations sont fausses. Certains répondants ont mentionné que d’autres mesures de protection de la vie privée devraient être appliquées dans les cas d’agression sexuelle pour s’assurer que la victime peut amorcer sa guérison sans être soumise aux pressions de l’examen du public.
« Je crois que les tribunaux devraient être en mesure de prendre acte du fait que bon nombre des caractéristiques d’une preuve peu fiable dans la plupart des cas, notamment une mauvaise mémoire, des versions incohérentes des événements ou un contact continu avec l’agresseur, peuvent à vrai dire être et sont souvent la confirmation d’une agression et d’un traumatisme qui s’est produit. Cette option peut au moins légitimer les symptômes des traumatismes subis par les femmes victimes d’agression sexuelle. »
Protection des victimes
L’amélioration de la disponibilité et de l’efficacité des mesures de protection existantes pour les victimes constituait un autre thème important. De nombreux répondants ont mentionné, par exemple, que la Charte canadienne des droits des victimes n’est pas appliquée ou respectée de façon uniforme dans tous les cas et que ses principes doivent être renforcés. Beaucoup de répondants ont déclaré que l’information sur le système de justice, les services aux victimes et l’état d’avancement d’une affaire devrait être fournie automatiquement, plutôt que sur demande, étant donné que de nombreuses victimes ne sont jamais avisées qu’elles peuvent en premier lieu solliciter des renseignements. Certains ont mentionné que les victimes devraient recevoir de l’aide pour obtenir un dédommagement des agresseurs. Il s’agit d’un autre processus de la Charte canadienne des droits des victimes que les victimes ignorent souvent ou trouvent trop difficile d’entreprendre alors qu’elles doivent composer avec le traumatisme subi.
Quelques répondants ont déclaré que rien de plus ne peut être fait pour soutenir les victimes au-delà des mesures de protection déjà existantes en vertu de la Charte des droits des victimes sans compromettre les droits de l’accusé (p. ex. présomption de la preuve, fardeau de la preuve).
« Faire de la Charte des droits des victimes une garantie juridique au même titre que les droits des contrevenants. Donner de vrais recours en cas de bris de cette Charte. Donner l’option de procéder par médiation plutôt que de façon judiciaire afin qu’elle soit une partie active, elle peut ainsi comprendre les perceptions de l’autre, répondre aux vraies questions existentielles qu’elle se pose et obtenir la réparation qui lui convient. »
Justice réparatrice
La dernière réponse à cette question était qu’une option de justice réparatrice ou un programme de guérison communautaire appuierait mieux les victimes lorsqu’elles naviguent dans le système de justice pénale. De nombreux répondants ont souligné qu’un processus de justice réparatrice servirait à la fois à la réadaptation du délinquant et à la guérison du traumatisme de la victime. Ils ont mentionné que le fait de fournir aux victimes de l’information sur le processus de justice réparatrice pourrait leur épargner d’avoir à répéter à plusieurs reprises leur expérience traumatisante dans un environnement accusatoire (salle d’audience) et pourrait leur conférer le sentiment de « tourner la page », lequel est souvent inconcevable par le processus judiciaire traditionnel. Quelques personnes ont fait remarquer que certains services aux victimes, notamment le counseling ou les cercles de guérison, se révéleraient plus efficaces s’ils étaient offerts à l’échelle communautaire plutôt qu’au sein du système de justice pénale.
Voici d’autres idées notables, quoique moins courantes, sur la façon de mieux soutenir les victimes :
- une formation sur les agressions sexuelles et la violence sexiste à l’intention des juges, des policiers, des avocats, des jurés, etc.;
- une amélioration de la rapidité et de l’efficacité des enquêtes et des procès ayant trait aux agressions sexuelles;
- une restriction des champs d’enquête extrêmement délicats lors du contre-interrogatoire sur les antécédents sexuels des victimes, les vêtements qu’elles portaient et d’autres renseignements non pertinents à l’affaire;
- des peines plus sévères pour les délinquants sexuels reconnus coupables;
- des ressources financières pour les victimes qui doivent s’absenter du travail ou payer pour la garde des enfants pendant qu’elles ont des démêlés avec le système judiciaire;
- des services juridiques et de santé à long terme après la fin du procès (p. ex. avis si le délinquant incarcéré obtient une libération conditionnelle, counseling prolongé);
- une plus grande importance accordée aux mesures préventives pour réduire d’abord les agressions sexuelles;
- un système judiciaire distinct pour les cas d’agression sexuelle (p. ex. qui utilise un seuil différent pour ce qui constitue un doute raisonnable).
Les participants aux tables rondes en personne ont également soulevé des questions liées à l’expérience des victimes, plus particulièrement dans le contexte de l’agression sexuelle et de la violence sexiste (p. ex. violence conjugale). Ils ont réclamé une plus grande responsabilisation des délinquants ainsi qu’une augmentation des droits, du soutien et des mesures de protection pour les victimes (p. ex. accès à l’information, soutiens juridique et psychologique, témoignage enregistré ou par vidéoconférence). De surcroît, les participants ont recommandé de former les policiers, les avocats et les juges à la science des traumatismes (p. ex. les effets sur la perte de mémoire) et d’encourager les policiers à utiliser des techniques d’écoute active lorsqu’ils prennent la déclaration d’une victime, plutôt que de faire appel aux techniques d’interrogatoire du système de justice pénale. Les participants ont également plaidé en faveur de la légalisation du travail sexuel. Une grande attention a été accordée aux mauvais traitements infligés aux victimes autochtones, plus particulièrement les femmes autochtones, par des policiers et des fonctionnaires de justice qui connaissent peu ou pas du tout la culture ou les formes de communication autochtones. Afin de mieux gérer les cas de victimes autochtones, les participants ont suggéré de mettre en place des tribunaux spécialisés, des groupes d’experts communautaires et des méthodes axées sur la résolution des problèmes.
Les participants des plateformes en ligne et de médias sociaux se sont concentrés sur l’accroissement des droits des victimes et la participation de celles-ci au sein du système de justice pénale, l’imposition de peines plus sévères pour les délinquants sexuels, l’accès à l’aide juridique gratuite et une formation sur la sensibilisation pour les représentants du système de justice afin de créer un environnement plus sûr pour le signalement d’actes criminels par les victimes. En outre, les participants ont abordé les mesures de protection de la vie privée pour les victimes et l’accusé (p. ex. les interdictions de publication des noms des deux parties jusqu’à la fin du procès) et des mesures de protection plus concrètes et efficaces pour les victimes de violence familiale.
5.4. Surreprésentation des Autochtones
- Démanteler les préjugés systématiques au sein du système de justice pénale.
- Informer les intervenants de la justice pénale sur les questions autochtones – traumatismes intergénérationnels, histoire du colonialisme, etc.
- Mettre en place un système judiciaire dirigé par les Autochtones qui est fondé sur la culture autochtone et supervisé par des Aînés, et la guérison communautaire.
- S’attaquer aux causes profondes de la criminalité autochtone, notamment les traumatismes intergénérationnels, la toxicomanie et les problèmes de sécurité alimentaire, d’accès à l’eau potable et d’éducation équitable dans le cadre des efforts de réconciliation du Canada.
- Normaliser l’application des principes de l’arrêt GladueNote de bas de page 5 qui tiennent compte des circonstances particulières qui touchent les peuples autochtones et envisager des solutions de rechange à l’incarcération.
S’attaquer aux problèmes systémiques et aux causes profondes
Deux vidéos sur la surreprésentation des Autochtones ont été présentées dans le cadre des forums de discussions en ligne. La première vidéo avait trait à l’expérience de Jorgina, une Autochtone dont les problèmes de toxicomanie et d’alcoolisme l’ont conduite à l’incarcération dans un établissement fédéral. Les parents de Jorgina sont des survivants des pensionnats indiens. Jorgina et ses frères et sÅ“urs ont passé leur enfance dans des foyers d’accueil où ils ont subi des agressions sexuelles, physiques et émotionnelles.
La deuxième vidéo portait sur Devon, un Autochtone qui a fait des allers et retours dans les pénitenciers depuis l’âge de 12 ans. Il décrit les répercussions de la pauvreté, de la toxicomanie et des pensionnats sur son enfance, comment il a commencé à commettre des actes criminels et de quelle manière il est en train de changer sa vie avec le soutien d’un organisme appelé STR8 UP.
Les participants qui ont discuté de l’histoire de Jorgina et de la surreprésentation des Autochtones ont souvent affirmé que le système de justice pénale doit s’attaquer aux préjugés systémiques et profondément enracinés à l’endroit des Canadiens autochtones et qui ont mené à leur surreprésentation dans le système de justice pénale. Pour commencer à éradiquer ces préjugés, plusieurs ont recommandé de mettre en place un programme d’éducation complet sur les racines coloniales du Canada ainsi que sur l’histoire et la culture autochtones dans les écoles canadiennes, ainsi qu’une formation de sensibilisation auprès des policiers, des juges et d’autres représentants du système judiciaire sur les effets des traumatismes intergénérationnels sur les communautés autochtones, tout ceci dans le but d’avoir une perspective éclairée au niveau des traumatismes. D’autres ont mentionné qu’il faut faire davantage pour assurer une plus grande représentation autochtone au sein des jurys et quelques-uns ont proposé de réformer le système de suspension du casier judiciaire. On a décrit les casiers judiciaires comme une « peine d’emprisonnement à perpétuité » pour de nombreux délinquants autochtones.
[En réponse à un autre participant] : « Vous affirmez que nous ne devrions pas chercher à mieux soutenir les peuples autochtones étant donné que « nous ne devrions pas traiter un groupe de personnes différemment du reste de la société », comme si ce n’est pas ce qui se fait déjà . Nous tentons de « les traiter différemment » afin de compenser pour ce nous avons fait dans le passé et ce que nous faisons encore à l’heure actuelle. Si vous êtes d’avis « qu’on ne corrige pas une injustice par une autre injustice », cela ne s’applique pas à cette situation. Même si nous souhaitons ignorer nos différences et bénéficier du même traitement, nous ne pouvons pas faire fi de la couleur. La triste réalité est que nous avons établi ces systèmes qui VOIENT la race, et nous ne pouvons pas prétendre qu’ils n’existent pas si nous voulons corriger la situation. Pour démanteler ces systèmes partiaux, nous devons les reconnaître et agir en conséquence. Nous n’essayons pas de prétendre que les délinquants autochtones sont moins responsables de leurs actes, mais plutôt de comprendre qu’il y a sans nul doute beaucoup plus en jeu ici que le choix individuel. Ce faisant, nous pouvons trouver des moyens de mieux soutenir leur communauté dans le but d’empêcher en définitive que ces actes criminels soient commis en premier lieu, ce qui sera bénéfique pour tous les Canadiens! Après tout, personne ne s’opposerait à une baisse du taux de criminalité. »
Un certain nombre de personnes ont également déclaré qu’il faut s’attaquer aux causes profondes de la criminalité autochtone afin de réduire la surreprésentation des Canadiens autochtones dans le système de justice, notamment en assurant l’accès à l’eau potable, à un logement adéquat, à la sécurité alimentaire, à une éducation de qualité et aux possibilités économiques.
Un autre thème répandu consistait à permettre aux communautés autochtones de diriger leur propre système de justice (p. ex. des tribunaux autochtones) fondé sur la culture autochtone traditionnelle et supervisé par des Aînés et d’autres dirigeants communautaires. La justice réparatrice et d’autres solutions de rechange aux peines traditionnelles (p. ex. les pavillons de ressourcement) ont été citées comme des moyens plus efficaces que l’incarcération pour réhabiliter les délinquants autochtones et prévenir les actes criminels futurs.
« L’une des recommandations consisterait à donner suite aux propositions faites par les autorités précédemment désignées. Cela signifierait de réaliser les idées d’une organisation qui s’occupe spécifiquement de ces questions et de démontrer une bonne foi envers celles-ci. Un exemple serait les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, dont l’appel à l’action 7 qui précise : « Nous demandons au gouvernement fédéral d’élaborer, de concert avec les groupes autochtones, une stratégie conjointe pour combler les écarts en matière d’éducation et d’emploi entre les Canadiens autochtones et les Canadiens non autochtones. » Cette réalisation serait bénéfique pour le système de justice pénale, étant donné qu’une éducation accrue réduit les actes criminels contre les biens. »
Il convient de noter que certains répondants ont affirmé que le système de justice pénale devrait traiter de la même manière les délinquants autochtones et non autochtones.
Les participants aux tables rondes en personne ont discuté de thèmes semblables à ceux abordés dans le cadre du forum de discussion en ligne, dont l’élimination des préjugés systémiques, l’adoption d’une approche de justice qui tient compte des traumatismes, la création de tribunaux autochtones distincts, et le déploiement d’efforts pour s’attaquer aux causes profondes – particulièrement en ce qui concerne la santé mentale de la jeunesse autochtone. En outre, les participants ont fait mention de la dynamique néfaste des interventions policières insuffisantes et excessives dans les communautés autochtones, et notamment de l’attention policière disproportionnée portée aux infractions mineures comme l’intoxication publique par opposition au manque d’attention aux infractions graves comme les agressions. Ils ont également discuté de la sous-application des principes de l’arrêt Gladue à l’endroit des délinquantes autochtones par rapport aux délinquants autochtones, ainsi que de la nécessité de mettre en Å“uvre des services de réadaptation à long terme adaptés à la culture à l’intention des délinquants autochtones et d’améliorer l’accès à une éducation de qualité pour tous les jeunes Autochtones, peu importe où ils vivent.
Les participants ont réclamé des programmes de mentorat et un meilleur accès à l’éducation et aux services de santé mentale pour ce qui est de s’attaquer aux causes profondes de la criminalité chez la jeunesse autochtone.
5.5. Santé mentale et toxicomanie
- Accorder la priorité au traitement plutôt qu’à la punition pour ce qui est des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie dans le système de justice pénale.
- Mettre en place des tribunaux spécialisés en santé mentale.
- Améliorer l’intégration entre les systèmes de justice pénale et de soins de santé mentale, y compris des services robustes d’évaluation en santé mentale et de soutien pour les personnes incarcérées.
- Fournir une représentation juridique spécialisée complète aux personnes accusées qui sont atteintes de problèmes de santé mentale.
- Décriminaliser en partie ou en totalité les drogues.
Priorité au traitement plutôt qu’à la punition et soutien accru en santé mentale
Une vidéo sur la santé mentale et dépendances nous présente Marie-Eve Sylvestre, professeure de droit civil à l’Université d’Ottawa, expliquant les défis auxquels font face les personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie non traités dans le système de justice pénale.
La plupart des participants ont insisté sur la nécessité de donner la priorité au traitement plutôt qu’à la punition pour les accusés ou les délinquants aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Les participants ont suggéré de mettre sur pied des tribunaux de santé mentale distincts vers lesquels les accusés et les délinquants présentant des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie seraient dirigés suivant leur premier contact avec la police. Les policiers et les autres responsables du système judiciaire auraient besoin d’une formation spécifique sur les pratiques en matière de réduction des méfaits et de traitement, ainsi que d’une intégration plus étroite avec les services communautaires de santé mentale et de toxicomanie. La formation et la communication régulière entre les systèmes de soutien social contribueraient à réduire la stigmatisation liée à la santé mentale et à la toxicomanie, à informer le public à propos des idées fausses sur les questions de santé mentale et à promouvoir la santé et la sécurité publiques.
« Le pays a besoin de plus de tribunaux de traitement de la toxicomanie (TTT). Ce n’est pas difficile de faire la distinction entre les personnes qui sont fondamentalement criminalisées et dangereuses et celles qui enfreignent la loi pour alimenter leur toxicomanie. Dans le cadre de mon travail de procureur, j’ai observé un grand nombre de réussites grâce aux TTT. Le type de réussite que l’incarcération et les ordonnances de probation générale n’obtiennent pas. Les TTT peuvent se révéler coûteux, mais comme la société s’efforce de résoudre la question des narcotiques qui provoquent une crise en matière de santé, les TTT doivent être en place pour fournir une solution valable. »
Les participants ont réclamé un soutien accru pour les personnes ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie dans le système de justice pénale, y compris une représentation juridique plus complète (p. ex. avocats, aide juridique) et un accès amélioré aux traitements de la santé mentale et de la toxicomanie en détention. Plusieurs personnes ont insisté sur le fait que les programmes de santé mentale et de toxicomanie doivent être financés adéquatement et fondés sur des données probantes. La décriminalisation de toutes les drogues constituait un autre thème fréquent.
« La plupart des personnes aux prises avec des problèmes de maladie mentale n’ont pas leur place dans le système de justice pénale. Un grand nombre de ces personnes atteintes de maladies mentales se retrouvent dans des pénitenciers au lieu des établissements de santé mentale. Il manque de lits pour les soins en santé mentale dans les hôpitaux, et la réaction de la police à l’égard des délinquants qui éprouvent des problèmes de santé mentale consiste à préconiser l’application de la loi plutôt que le traitement. Bien que les délinquants dangereux atteints de problèmes de santé mentale doivent être hébergés dans un établissement d’isolement protecteur, bon nombre d’entre eux pourraient être mieux servis par des programmes de traitement. Nous devons augmenter le nombre de lits en santé mentale disponibles dans nos hôpitaux et réduire le nombre de délinquants atteints de problèmes de santé mentale dans les pénitenciers. Les seules personnes atteintes de maladies mentales qui devraient être incarcérées sont les délinquants dangereux. »
Dans le cadre des tables rondes en personne, les participants ont souligné la nécessité de mieux intégrer les systèmes de santé et de justice afin de répondre aux besoins complexes des accusés et des délinquants, et de tous les Canadiens, qui éprouvent des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. L’augmentation du financement à l’égard des services de santé mentale était souvent abordée. On a également fait mention de la prestation des services en tant qu’élément sur lequel les responsables de la justice et de la santé devraient se concentrer, y compris une campagne de sensibilisation du public sur les programmes de santé mentale et de traitement des dépendances. Des équipes multidisciplinaires (p. ex. santé, éducation, justice) formées par des organismes communautaires ou au sein de ceux-ci pourraient faciliter la surveillance et un suivi intégral en ce qui concerne les personnes à risque.
Les participants ont souligné que pour que le système de justice offre ou rende obligatoire un soutien adapté en matière de santé mentale et de toxicomanie, l’accusé ou le délinquant doit d’abord être évalué, puis aiguillé vers le système de santé mentale dans le contexte judiciaire, et que de nombreux délinquants de bas niveau ne sont souvent pas traités. Les participants ont affirmé que l’offre d’un soutien en matière de santé mentale et de toxicomanie à tous les délinquants permettrait de réduire les taux de récidivisme et les retards judiciaires. De plus, certains participants ont fait remarquer que le recours à l’isolement préventif (c.-à -d. l’isolement cellulaire) peut être particulièrement dommageable pour les personnes atteintes de problèmes de santé mentale.
D’autres participants ont discuté de la mise en Å“uvre d’une approche holistique pour les délinquants autochtones. Il s’agit d’une approche qui ciblerait les défis uniques en matière de santé mentale et de toxicomanie auxquels font face les collectivités autochtones en raison du traumatisme intergénérationnel, des préjugés systémiques et du manque d’accès aux besoins de base. On offrirait les services holistiques à l’échelle communautaire afin de prévenir et de résoudre les actes criminels (p. ex. par l’entremise des tribunaux dirigés par les Autochtones, des pavillons de ressourcement) et après la conclusion d’une affaire ou la mise en liberté des délinquants.
Les participants ont insisté sur la nécessité de mettre en place des tribunaux spécialisés en santé mentale, de décriminaliser les drogues et d’accroître le nombre de sites d’injection sécuritaires, et de jumeler des policiers et des ambulanciers avec des experts en santé mentale et en toxicomanie. Certains ont souligné l’importance de diagnostiquer correctement les problèmes de santé mentale le plus tôt possible, y compris de réaliser une évaluation de l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fÅ“tale (ETCAF) et des lésions cérébrales. De nombreux participants ont affirmé que les actes criminels commis en raison de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie peuvent souvent être évités et qu’il faudrait donc consacrer plus de ressources à la détection et au traitement de ces problèmes.
5.6. Causes profondes de la criminalité
- S’attaquer aux causes profondes de la criminalité, y compris la pauvreté, le chômage, le logement inadéquat et les problèmes de santé mentale et de toxicomanie.
- Améliorer les évaluations et les services en matière de santé mentale et de toxicomanie, ainsi que leur accessibilité afin de prévenir la criminalité.
- Mettre en œuvre des approches communautaires ou de résolution de problèmes pour briser le cycle de la criminalité.
- S’attaquer aux causes profondes de la criminalité est plus rentable que de privilégier l’incarcération à long terme.
On a présenté aux répondants au Cahier de choix l’histoire de Denis, un jeune Inuit ayant un lourd casier judiciaire pour des infractions mineures et des violations, qui a été condamné à un mois d’emprisonnement après avoir été arrêté et accusé d’avoir dessiné des graffitis sur un abribus alors qu’il était en état d’ébriété. Denis est aux prises avec des problèmes de santé mentale. Il lutte contre la toxicomanie et l’alcoolisme, éprouve de la difficulté à garder un emploi stable et dort à l’occasion dans la rue. Sa mère est une survivante des pensionnats indiens et lutte contre l’alcoolisme.
Une majorité (89 %) des répondants au Cahier de choix ont mentionné qu’il est important de s’attaquer aux causes profondes de la criminalité.
La plupart des participants ont déclaré que le traitement des causes profondes de la criminalité dans le cas de Denis devrait comprendre les éléments suivants :
- accès amélioré à l’éducation et à la formation;
- aide au logement;
- mesures pour s’assurer que des services en santé mentale sont offerts et accessibles;
- programmes de lutte contre la toxicomanie;
- ressources adaptées sur le plan culturel;
- soutien accru aux parents et aux familles.
Traitement des problèmes de santé mentale et de dépendance et autres mécanismes de soutien sociaux
Les répondants au Cahier de choix ont le plus souvent indiqué que le fait d’assurer la disponibilité et l’accessibilité des services de santé mentale exercerait la plus grande influence sur les causes profondes de la criminalité dans le cas de Denis. Bien que de nombreux répondants estimaient que les services de santé mentale seuls auraient l’incidence la plus importante, d’autres ont recommandé de les combiner à d’autres types de soutien et de services, notamment les programmes de traitement de la toxicomanie.
« Le soutien en santé mentale constitue le premier facteur. Si Denis parvient à mieux maîtriser son bien-être émotionnel, ceci pourrait lui fournir une base pour prendre d’autres mesures susceptibles d’accroître son estime de soi et son autonomie. »
De nombreux répondants étaient d’avis que le soutien aux programmes de lutte contre la toxicomanie aurait la plus grande incidence pour s’attaquer aux causes profondes de la criminalité dans le présent cas. Plusieurs répondants ont relevé des problèmes au chapitre des programmes de traitement de la toxicomanie, dont les longs délais d’attente et le manque de personnel. Ils ont également reconnu la stigmatisation qui entoure la toxicomanie et la santé mentale.
De nombreux répondants ont mis l’accent sur la nécessité d’offrir de l’aide au logement, en combinaison avec des services en matière de santé mentale et de toxicomanie, ainsi qu’un soutien pour les autres besoins fondamentaux comme la nourriture et l’habillement.
« Le logement est d’une importance cruciale. Lorsque les gens sont sans abri, il y a tellement de facteurs en jeu liés au caractère éphémère de leur situation. Si un foyer sûr et sécuritaire est établi, bon nombre de ces problèmes connexes sont atténués. Quand une personne éprouve un certain degré de certitude quant à l’endroit où elle dormira le soir venu, cela procure beaucoup d’espace sur le plan psychologique pour d’autres choses, comme se construire un avenir. »
D’autres ont souligné la nécessité d’améliorer l’accès à l’éducation et à la formation, dont les programmes d’éducation préscolaire, les programmes après l’école et les conseillers d’orientation, afin de s’attaquer aux causes profondes de la criminalité.
« Accès à l’éducation amélioré. Au lieu d’imposer 200 heures de services communautaires, on pourrait imposer 200 heures de formation sur un métier financée par l’État ou d’amélioration des compétences de base… la lecture, les mathématiques, l’écriture. Moins cher que l’emprisonnement. »
Les répondants ont souvent reconnu le besoin à l’égard d’un soutien et de services adaptés sur le plan culturel, y compris le soutien communautaire et le soutien des Aînés.
De surcroît, un petit groupe de répondants a mentionné la nécessité d’accroître le soutien aux parents et aux familles. Plusieurs ont affirmé que de tels services auraient dû être fournis à Denis et à sa famille bien avant qu’il ne commette cette infraction.
La plupart des répondants ont désigné la pauvreté comme un facteur clé contribuant à la situation de Denis. De nombreux répondants ont plaidé en faveur d’un revenu de base universel et d’un salaire minimum plus élevé.
« Nous devons éliminer la pauvreté et l’itinérance au Canada. La pauvreté sous-tend de nombreux enjeux sociaux, comme la criminalité, la violence et la consommation d’alcool et d’autres drogues. Le Canada est un pays riche qui regorge de ressources. Nous avons également besoin d’accès aux services de santé mentale et aux programmes de lutte contre la toxicomanie pour les personnes de tous âges. La prévention peut se révéler onéreuse à court terme, mais elle permet de réaliser d’énormes économies à long terme. »
Certains répondants ont affirmé que le cas de Denis ne devrait pas incomber au système de justice pénale.
Quelques répondants ont affirmé que la situation de Denis ne pourrait probablement pas être améliorée et que son acte criminel justifiait l’emprisonnement.
Approche centrée sur la résolution de problèmes
En règle générale, les répondants au Cahier de choix ont convenu qu’une approche axée sur la résolution de problèmes qui tente de s’attaquer aux causes profondes de la criminalité se traduirait par de meilleurs résultats pour Denis et sa collectivité. Ils ont précisé que le fait de s’attaquer aux causes profondes du comportement de Denis favoriserait sa santé et son bien-être général par la guérison des traumatismes et aiderait sa mère à se remettre des traumatismes, de la pauvreté et de la toxicomanie.
De même, de nombreux répondants ont mentionné que la collectivité de Denis bénéficierait d’une approche axée sur la résolution de problèmes qui consiste à réduire la criminalité, et à renforcer la sécurité, la confiance, le respect et la responsabilisation entre les membres de la collectivité et les réseaux de soutien et de ressources communautaires. Certains ont affirmé que Denis pourrait devenir un mentor et un modèle pour les jeunes de sa collectivité ayant des histoires ou des expériences d’enfance semblables.
« Les accusations, la probation, l’emprisonnement représentent tous après coup une solution de fortune à un problème social plus vaste. Donner une voix aux collectivités qui représentent des populations plus importantes des parties prenantes du système de justice pénale et bâtir ces collectivités peut donner lieu à des changements positifs pour les générations à venir. »
Les quelques répondants qui étaient en désaccord sur ces questions ont affirmé que, malgré son traumatisme sous-jacent, Denis est responsable de ses propres actes et doit faire face aux conséquences du système de justice pénale traditionnel, y compris l’incarcération et un casier judiciaire. Ils ont indiqué que la collectivité serait plus sûre si des délinquants comme Denis purgeaient leur peine en étant retirés de la société (p. ex. dans un pénitencier).
L’accès accru à une gamme de programmes et de services communautaires pour Denis et ses pairs constituait un autre thème principal soulevé par les répondants. En grande partie, ces répondants ont mentionné que les services de counseling en matière de santé mentale et de toxicomanie se révèlent indispensables pour s’attaquer aux causes profondes de l’acte criminel de Denis. Un certain nombre d’autres répondants ont souligné le besoin de programmes d’éducation et de formation professionnelle pour aider Denis à prendre son avenir en main et à atteindre l’autonomie.
Bon nombre de répondants ont souligné que les programmes et les services offerts dans la collectivité de Denis doivent être enracinés dans les traditions et les pratiques culturelles inuites, en plus d’être élaborés et gérés par des Aînés inuits ou par des personnes qui comprennent les défis uniques et systémiques auxquels font face les Inuits au Canada et qui sont sensibles à ces défis. Certains ont également précisé que ces programmes et services doivent être gratuits et bien financés afin de pouvoir s’attaquer efficacement aux causes profondes de la criminalité.
Quelques répondants estimaient que Denis était peut-être trop âgé ou trop « susceptible d’avoir conservé ses vieilles habitudes » pour que les programmes communautaires axés sur la résolution des problèmes donnent lieu à des changements importants. Toutefois, ils estiment que ces programmes pourraient se révéler efficaces s’ils étaient destinés aux jeunes qui présentent un risque.
De nombreux répondants au Cahier de choix ont fait remarquer que s’attaquer aux causes profondes de la criminalité au moyen d’une approche axée sur la résolution de problèmes réduirait les taux de récidive, plus particulièrement pour les infractions sans violence et les infractions mineures. Dans l’ensemble, ils ont convenu que toutes les facettes de la société bénéficieraient d’une approche axée sur la résolution de problèmes (p. ex. les délinquants se libèrent du cycle de la criminalité, les collectivités deviennent plus sûres et le système de justice pénale ne s’enlise plus dans le traitement des cas mineurs et non violents).
Certains répondants ont également fait remarquer qu’une approche axée sur la résolution de problèmes se révélerait plus rentable que le système de justice pénale actuel, étant donné que moins de ressources seraient consacrées à l’incarcération à court terme et au traitement répétitif des cas. Quelques-uns étaient d’avis qu’il pourrait être plus coûteux pour le gouvernement de mettre en Å“uvre l’approche axée sur la résolution de problèmes au lieu du système de justice pénale traditionnel.
« … Punir Denis sans s’attaquer aux problèmes qui l’ont mené à enfreindre la loi ne contribuera pas à le réhabiliter ou à réduire la récidive. Nous devons nous efforcer d’éduquer davantage les Canadiens sur les questions de justice, y compris dans la collectivité de Denis. La solution ne réside pas toujours dans l’incarcération des délinquants. Ce sont des personnes qui reviennent vivre dans notre collectivité, mais si rien n’a été fait pour régler les problèmes qui les ont incités d’abord à commettre des infractions, qu’est-ce qui a été accompli? La récidive se poursuit. Il faut comprendre que le fait d’avoir des solutions de rechange ne signifie pas pour les délinquants de s’en sortir à bon compte. »
L’idée selon laquelle le système de justice pénale ne s’attaque pas de façon adéquate aux causes profondes de la criminalité constitue le dernier thème soulevé par les répondants. Plusieurs répondants ont laissé entendre que d’incarcérer Denis pour un mois n’était qu’une solution à court terme (solution de fortune) à un problème à long terme, car celle-ci ne ferait qu’exacerber les problèmes/traumatisme sous-jacents qui l’ont amené initialement à commettre une infraction. D’autres ont mentionné la stigmatisation négative associée au fait de passer du temps en établissement, laquelle peut perpétuer davantage le cycle de la criminalité. Les participants ont décrit l’incidence négative d’un casier judiciaire sur l’emploi, la pauvreté, les problèmes de dépendance et le risque de récidive. Quelques répondants ont également fait remarquer qu’un mois en milieu carcéral pourrait rendre Denis, un délinquant non violent et de bas niveau, vulnérable aux influences de détenus plus endurcis ou violents, ce qui l’inciterait à commettre des infractions plus graves lors de sa mise en liberté.
Certaines personnes ont déclaré que, même si elles estiment que le système de justice pénale traditionnel demeure toujours adapté dans certains cas, les approches axées sur la résolution de problèmes devraient être mieux intégrées au système afin d’améliorer les résultats pour les délinquants de première infraction et leurs collectivités. Toutefois, quelques répondants avaient le sentiment que de s’attaquer aux causes profondes de la criminalité au moyen d’une approche axée sur la résolution de problèmes ne relevait pas du mandat du système de justice pénale ou du ministère de la Justice et que cette responsabilité revenait plutôt aux services à l’enfance et à la famille, au système de santé et à d’autres organismes.
« Bien avant que de nombreuses personnes en détention ne deviennent des délinquants, elles étaient des victimes. On ne saurait trop insister sur l’incidence de la petite enfance. Lorsque des enfants sont entourés de toxicomanie, de violence, d’abus, d’exemples négatifs, de pauvreté, de comportements criminels, etc., les résultats sont prévisibles. L’incarcération ne constitue pas une solution. Elle ne rend pas les gens meilleurs. L’appui d’un organisme communautaire financé pour fournir des services de gestion de cas, des conseils, des aptitudes à la vie quotidienne et un soutien continu à grande échelle s’avère une bien meilleure option. J’ai été témoin du changement chez les gens lorsqu’ils participent à des programmes et établissent des relations positives grâce à un intervenant du système de justice. L’incarcération exacerbe la criminalité en augmentant les connaissances et les réseaux criminels. Si vous souhaitez obtenir un autre résultat, agissez différemment. Si vous voulez que les gens se comportent de manière appropriée, traitez-les bien. Vous récoltez ce que vous semez. »
Lors des tables rondes en personne, de nombreux participants ont discuté de l’idée de s’attaquer aux causes profondes de la criminalité. Il y a eu un consensus établi sur la nécessité d’offrir un soutien et des services accrus à tous les Canadiens pour remédier à la pauvreté, au racisme systémique, aux préjugés sexistes, aux problèmes de santé mentale, à la toxicomanie et à d’autres inégalités fondamentales qui constituent les causes profondes du contact avec le système de justice. De nombreux participants étaient d’avis que ces services sociaux et services de santé devraient être communautaires, bien financés, mieux soutenus par le système de justice et intégrés à celui-ci.
Les participants ont accordé une grande attention aux causes profondes de la criminalité autochtone, surtout les traumatismes intergénérationnels, ainsi que l’accès inéquitable aux besoins de base comme l’eau potable, la sécurité alimentaire, le logement abordable, une éducation de qualité et des services de soins de santé soutenus. Les participants ont insisté sur le fait que le système de justice doit non seulement tenir compte de chacun de ces facteurs lorsqu’il évalue le cas d’un délinquant autochtone, mais aussi travailler activement à s’y attaquer afin de prévenir la criminalité.
Lors d’une table ronde, on a fait remarquer que les agents de probation du Manitoba sont formés pour rédiger des rapports de type Gladue comportant des entrevues avec les délinquants et leur famille. On a suggéré qu’une formation exhaustive sur les principes de l’arrêt Gladue à l’intention de tous les représentants du système de justice pénale (p. ex. policiers, avocats et juges) pourrait contribuer à mettre en lumière les causes profondes du comportement criminel et la façon d’aborder les conditions sous-jacentes de la détermination de la peine par l’entremise de soutiens et de programmes communautaires. Les participants ont affirmé que l’application des principes de l’arrêt Gladue pourrait aussi aider les délinquants à raconter leurs expériences et à comprendre leurs histoires personnelles dans un contexte plus large, ce qui pourrait éventuellement mener à la guérison.
Les participants d’autres plateformes en ligne ont souligné des questions semblables, dont l’atténuation des facteurs systémiques comme la pauvreté, les abus, le racisme, la toxicomanie et la santé mentale. Certains répondants ont indiqué qu’un système de revenu de base minimiserait ou éliminerait bon nombre des effets de la pauvreté et contribuerait à réduire la petite délinquance et la criminalité de faible envergure. D’autres ont déclaré que contrer la crise des opioïdes devrait être un secteur d’intervention clé et que les actes criminels liés à la toxicomanie devraient être détournés du système de justice pénale aux fins d’un traitement efficace. Quelques personnes ont déclaré qu’il faudrait ouvrir davantage de sites d’injection supervisés et que toutes les drogues devraient être décriminalisées. Certains participants estimaient que le système de justice pénale devrait collaborer étroitement avec les services sociaux et les services de santé afin de faciliter l’établissement de meilleurs programmes et d’améliorer les résultats à toutes les étapes, alors que d’autres répondants jugeaient que la responsabilité de s’attaquer aux causes profondes de la criminalité ne relevait pas du système de justice pénale.
5.7. Infractions contre l’administration de la justice
- Envisager des mesures de rechange et des programmes communautaires pour les infractions contre l’administration de la justiceNote de bas de page 6.
- Mettre l’accent sur le soutien en santé mentale, y compris le traitement ou le counseling pour les accusés ou les délinquants aux prises avec des problèmes de santé mentale qui sont accusés d’infractions contre l’administration de la justice.
- Prendre en compte les causes profondes de l’infraction au moment de la détermination de la peine.
- Veiller à ce que les conditions de mise en liberté sous caution et de probation reflètent la situation personnelle de l’accusé ou du délinquant (p. ex. aucune interdiction de consommer de l’alcool si l’alcool ne constitue pas un facteur dans l’infraction initiale ou si l’accusé ou le délinquant présente un problème de dépendance et qu’il y a absence de soutien en matière de traitement).
Traiter les infractions contre l’administration de la justice
L’histoire de Dana a été présentée aux répondants au Cahier de choix. Il s’agit d’une jeune femme accusée d’avoir enfreint ses conditions de probation en buvant et en dépassant ses heures de rentrée, lesquelles ont été imposées après qu’elle ait été reconnue coupable d’une infraction de vol à l’étalage un an auparavant. En cas de manquement à sa probation, elle est condamnée à une période d’incarcération, suivie d’une autre période de probation assortie de conditions supplémentaires.
Plus de la moitié (61 %) des répondants étaient en désaccord lorsqu’on leur a demandé si l’emprisonnement constituait une peine équitable pour avoir enfreint les conditions de probation en buvant après les heures de rentrée.
Lorsqu’on leur a proposé une gamme d’options et qu’on leur a demandé comment, selon eux, il faudrait traiter les accusations de manquement aux conditions de la probation, plus de la moitié (56 %) des répondants étaient en faveur de mesures de rechange qui permettraient à Dana de se soustraire aux tribunaux et de participer un programme communautaire avant de plaider coupable. Le non-respect des conditions de probation ne figurerait pas à son casier judiciaire. La deuxième réponse la plus courante (21 %) était que Dana devrait recevoir une peine d’emprisonnement avec sursis. De ce fait, elle purgerait sa peine dans la collectivité, probablement en assignation à domicile, et le non-respect des conditions de probation serait ajouté à son casier judiciaire.
Certains répondants ont formulé des suggestions particulières quant à la manière dont l’accusation de manquement aux conditions de probation de Dana devrait être traitée. Les suggestions les plus communes comprenaient les programmes communautaires ou d’autres solutions de rechange, les services communautaires (p. ex. nettoyage des autoroutes ou des parcs, bénévolat au sein d’organismes communautaires), ainsi qu’une nouvelle probation et d’autres programmes de réadaptation (p. ex. les compétences professionnelles et les programmes de traitement de la toxicomanie). Certains répondants ont fait remarquer que les services communautaires démontreraient à Dana que ses actions ont des conséquences, et certains ont indiqué que si elle ne terminait pas le service communautaire, cela devrait entraîner une peine plus sévère.
De nombreuses réponses portaient sur le fait que les conditions de probation doivent tenir compte de l’infraction et indiquaient qu’il n’en était pas ainsi dans le cas de Dana. Les répondants ont souvent mentionné qu’un délinquant ou un accusé devrait pouvoir purger une peine ou respecter des conditions de probation et non pas subir un échec, comme le ferait une restriction de consommation d’alcool chez une personne aux prises avec un problème d’alcoolisme.
« Au départ, les conditions étaient inadéquates. Qu’ont à voir des heures de rentrée et l’abstention de consommation d’alcool avec une accusation de vol à l’étalage? Il n’y a aucun lien entre les conditions et l’infraction. La Couronne n’aurait pas dû demander de conditions et le juge de paix ou le juge n’aurait pas dû en imposer. »
Un autre point que les répondants ont fréquemment soulevé était qu’une peine devrait tenter de s’attaquer aux causes profondes de l’infraction. Les réponses recommandant que Dana participe à un programme de justice réparatrice étaient tout aussi fréquentes.
Certains répondants ont jugé que Dana devrait être soumise à des restrictions plus sévères, à une surveillance accrue ou à un possible emprisonnement pour manquement aux conditions de probation. Les répondants qui se sont penchés sur les effets d’avoir un casier judiciaire ont indiqué dans l’ensemble que le manquement commis par Dana ne devrait pas être versé à son casier judiciaire.
Une majorité (70 %) de répondants étaient d’accord pour dire que d’autres solutions devraient être offertes pour traiter les infractions contre l’administration de la justice comme celle commise par Dana, plutôt que de l’accuser d’une nouvelle infraction. Les solutions les plus communes comprenaient les programmes communautaires (p. ex. le travail communautaire), le soutien au délinquant et la réadaptation. Certains répondants ont suggéré des stratégies précises pour s’attaquer au comportement criminel au moyen d’une éducation ou d’une formation pour acquérir des habiletés sociales ou professionnelles, de programmes de justice réparatrice ou de l’intervention d’un travailleur communautaire de soutien ou d’un travailleur social. Certains répondants ont suggéré l’imposition d’une amende en plus du travail communautaire, même si la plupart d’entre eux préconisaient des mesures de soutien plutôt que des mesures punitives.
« Une nouvelle accusation et une peine d’emprisonnement possible aggravent le problème, et elle risque de récidiver. Si elle exécute un travail bénévole dans la collectivité et a accès à un soutien positif, elle empruntera la bonne voie. »
Parmi les autres thèmes communs, on a soulevé que d’autres solutions devraient prévoir le traitement des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. De nombreux répondants ont établi un lien de cause à effet entre les problèmes de santé mentale et de toxicomanie et le comportement criminel de Dana, et prônaient un traitement ou des séances de counseling comme mesure de prévention des récidives.
« Si le problème sous-jacent est l’alcoolisme, il faut s’employer à rendre disponible le traitement de cet alcoolisme. Les listes d’attente et les coûts constituent souvent des obstacles afin de s’attaquer à la cause du problème. »
De nombreux répondants prônaient l’utilisation d’autres solutions de rechange, soulignant que Dana ne devrait pas être poursuivie en justice pour une infraction contre l’administration de la justice, mais qu’elle devrait plutôt faire l’objet d’une absolutionNote de bas de page 7, d’une amende ou d’une déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations. Certains répondants ont mentionné qu’il faudrait tout de même intenter des poursuites pour les types d’infractions plus graves (p. ex. agression, agression sexuelle). Toutefois, la plupart des répondants ont accordé une importance accrue à la situation de Dana, faisant valoir qu’il serait contre-productif d’ajouter l’infraction à son casier judiciaire et que l’incarcération serait inappropriée.
Les répondants ont souligné que toute solution viable doit s’attaquer aux causes profondes du comportement de Dana. La compréhension des causes profondes d’un acte criminel et de son contexte était essentielle pour de nombreux répondants dans l’examen des solutions à mettre en place. On compte parmi les facteurs communs soulevés le sexe, la race, le revenu, le logement et la santé mentale et la toxicomanie.
« Le système judiciaire devrait tenir compte des antécédents et de la situation de personnes comme Dana qui commettent des actes criminels non violents. Pourquoi Dana a-t-elle commis un vol à l’étalage au départ? Elle a probablement besoin d’un soutien supplémentaire, comme un logement sûr et abordable et un revenu de base. Elle a peut-être besoin d’un accès à des services de santé mentale. Il faudrait la mettre en contact avec des responsables de services adéquats dans sa collectivité qui peuvent la soutenir et l’aider à éviter de récidiver. »
« La cause profonde du manquement d’un délinquant à son ordonnance de probation est souvent la pauvreté, la dépendance ou la maladie mentale. Nous devrions nous attaquer à ces causes sans imposer de sanctions pénales, qui n’aident ni la personne ni la société. »
Les répondants ont suggéré des facteurs à prendre en considération pour déterminer des solutions autres que de condamner une personne accusée d’une infraction contre l’administration de la justice. Voici certains de ces facteurs (en ordre, du plus souvent mentionné au moins souvent mentionné) :
- la gravité du manquement aux conditions et l’infraction initiale;
- le casier judiciaire de l’accusé, notamment les manquements aux conditions;
- la santé mentale de la personne accusée, notamment la toxicomanie ou la présence d’un trouble neurocognitif;
- le statut socio-économique de la personne accusée;
- l’âge de l’accusé;
- l’information sur la raison de l’infraction commise;
- les antécédents familiaux et sociaux de la personne accusée;
- le réseau de soutien de la personne accusée;
- le statut d’emploi de la personne accusée;
- la probabilité de récidive par rapport à une réadaptation réussie;
- l’accès de l’accusé au logement;
- la capacité de la personne accusée à comprendre les conséquences de ses actes;
- la disponibilité de programmes de soutien communautaire;
- la race de la personne accusée.
Les participants aux tables rondes ont réclamé une réforme du système de mise en liberté sous caution qui viserait les conditions injustes qui sont souvent imposées à de nombreux accusés vulnérables (p. ex. la condition de ne pas consommer de drogue et d’alcool alors qu’aucun programme de traitement de la toxicomanie n’est offert).
Les observations tirées des médias sociaux coïncidaient avec les réponses fournies dans le Cahier de choix, mettant ainsi en évidence l’importance de s’attaquer aux causes profondes de la criminalité et d’éliminer les conditions de probation que l’accusé ou le délinquant ne peut pas respecter de manière réaliste.
« Des conditions inutiles ou sans rapport avec l’infraction ne devraient pas être imposées, particulièrement si elles sont impossibles à respecter. Par exemple, si un accusé est toxicomane, exiger qu’il s’abstienne de consommer de l’alcool ou des stupéfiants sous peine de manquement est irréaliste et constitue en fait une provocation. »
5.8. Justice réparatrice et solutions de rechange
- Avoir recours à la justice réparatrice ou aux mesures de rechangeNote de bas de page 8 pour les délinquants non violents de bas niveau.
- Avoir recours au dédommagementNote de bas de page 9, au travail communautaire et aux services de counseling comme des solutions de rechange concernant certains actes criminels.
- Mettre l’accent sur le soutien des victimes et de leur famille au moyen de mesures réparatrices.
Les répondants au Cahier de choix avaient accès à l’histoire de Chris, un homme de 21 ans surpris en train de voler 800 $ à son employeur. Chris est conscient que son acte est répréhensible et il s’est excusé auprès de son employeur, mais il jugeait qu’il avait peu de choix vu qu’il peine à joindre les deux bouts comme père monoparental. Il a été accusé de vol et a plaidé coupable.
Meghan, copropriétaire d’un café, et de Carolyn, une femme ayant volé de l’argent dans ce café sont présentées dans une vidéo au sujet de la justice réparatrice. Toutes deux ont participé à un processus de justice réparatrice et ont décrit l’expérience positive que la collectivité et elles ont vécue.
Les trois quarts (76 %) des répondants au Cahier de choix ont indiqué « solutions de rechange » comme peine juste et appropriée pour Chris. Cette solution tiendrait Chris à l’écart du processus judiciaire, lui permettrait de participer à un programme communautaire avant de plaider coupable, lui éviterait d’avoir un casier judiciaire et lui fournirait l’accès à des mesures de soutien visant à modifier son comportement. La deuxième peine la plus populaire (64 %) était « le dédommagement des victimes » – c’est-à -dire que Chris serait tenu de rembourser son employeur. Parmi les peines les moins populaires, on compte « l’absolution » (23 %), « la probation » (21 %), « la peine d’emprisonnement avec sursis » (13 %), « la peine discontinue » (10 %), « l’emprisonnement » (5 %), et « autre » (16 %).
Les répondants ont fourni des précisions sur le concept de dédommagement des victimes. Bon nombre d’entre eux ont affirmé que le dédommagement seul constituerait une peine juste et appropriée pour Chris, tandis que d’autres ont affirmé que cette peine devrait être combinée à d’autres solutions afin de déterminer la peine optimale. Un petit nombre de répondants ont suggéré qu’il devrait fournir un dédommagement non financier.
« Si Chris avait l’argent, il est évident qu’il rembourserait la victime. Toutefois, si Chris n’avait pas l’argent, le dédommagement le ramènerait simplement aux difficultés financières ayant mené à l’acte criminel au départ. »
De nombreux répondants ont affirmé que le fait de tenir Chris à l’écart du processus judiciaire traditionnel permettrait de s’attaquer aux causes profondes de l’infraction qu’il a commise et lui éviter la stigmatisation associée au fait d’avoir un casier judiciaire. Bien que la justice réparatriceNote de bas de page 10 puisse être classifiée comme solution de rechange, il convient de remarquer que de nombreux répondants ont indiqué cette méthode précise comme solution unique qui serait juste et appropriée concernant la peine imposée à Chris. De nombreux répondants ont suggéré que Chris et son employeur tireraient profit en parts égales d’une solution réparatrice.
« La justice réparatrice permet à la victime de l’acte criminel et à la personne ayant commis ce dernier de régler le problème, puisqu’il n’y a eu aucune violence délibérée. »
Bon nombre de répondants insistaient sur les services de counseling en santé mentale, la formation en matière d’emploi et de compétences, les programmes d’aide sociale et les programmes et le soutien financier comme éléments importants à prendre en considération afin de déterminer une peine juste pour Chris. Certains d’entre eux ont affirmé qu’on pourrait recourir à ces services de réadaptation au lieu d’imposer des peines conventionnelles (p. ex. incarcération, probation), tandis que d’autres ont jugé que ces services devraient être offerts conjointement avec les peines conventionnelles. On a également indiqué que le logement de transition comme solution devrait être accessible lors de la détermination de la peine pour des délinquants comme Chris.
Les répondants ont mis l’accent sur le travail communautaire comme élément important d’une peine d’emprisonnement avec sursis, même si Chris devait être détenu à domicile. Les participants ont affirmé qu’une telle mesure pourrait permettre à Chris de mieux comprendre sa collectivité, d’établir des liens solides et d’acquérir un sentiment de respect pour la propriété publique et privée.
« Obligé de faire du travail communautaire. Par exemple, ramasser les déchets, retirer les publicités interdites sur les propriétés publiques. »
Certains répondants estimaient qu’une peine discontinue était une solution appropriée pour le cas de Chris (c.-à -d. qu’il purgerait sa peine les fins de semaine, serait en probation pendant la semaine et aurait un casier judiciaire). D’autres ont affirmé que la probation représentait une solution de peine importante dans ce cas.
Quelques répondants ont jugé qu’il serait approprié pour l’employeur de Chris (c.-à -d. la victime) d’avoir son mot à dire ou une influence sur la peine imposée à Chris. Un plus petit nombre de répondants ont affirmé que Chris devrait participer à la décision de sa peine afin qu’elle réponde le mieux à ses besoins (p. ex. obligations familiales, problèmes de santé mentale).
Quelques répondants ont affirmé qu’une absolution seule serait la peine la plus appropriée pour Chris et d’autres ont suggéré une « absolution conditionnelle » comme solution, pourvu que l’employeur en ait été informé et y ait consenti. Quelques répondants ont affirmé qu’une absolution et un dédommagement combinés constitueraient une peine juste pour Chris s’il était en mesure de rembourser l’argent dérobé à son employeur sur une certaine période, plutôt que de verser un montant forfaitaire. Cette solution rendrait le remboursement moins coûteux pour Chris, qui éprouve déjà des difficultés financières et doit s’occuper de sa famille.
Peu de répondants ont exprimé l’idée d’un emprisonnement, d’une peine plus stricte ou d’un casier judiciaire comme solutions appropriées pour Chris. Bon nombre de répondants ont souligné que de le condamner à l’emprisonnement pour toute période risquerait de lui nuire ainsi qu’à sa famille et à sa collectivité.
« Un casier judiciaire lui nuirait, s’il n’en a pas déjà un, et ne ferait qu’aggraver le problème. »
Éléments à prendre en considération dans la détermination de la peine
Lorsqu’on a demandé aux répondants de décrire l’élément le plus important à prendre en considération dans la détermination de la peine de Chris, l’un des points les plus souvent cités était de savoir si Chris s’était excusé auprès de son employeur, s’il avait exprimé des regrets concernant le vol et s’il avait assumé la responsabilité de ses actes. Les répondants ont insisté sur le fait qu’il faudrait tenir compte, dans la détermination de la peine, de la volonté de Chris à changer de comportement et de ne plus commettre de vols.
Un autre élément à prendre fréquemment en considération portait sur les répercussions que la peine aurait sur l’enfant de Chris et sur le rôle de ce dernier comme parent. Les répondants ont mentionné les répercussions négatives d’un casier judiciaire sur la vie d’une personne, notamment l’emploi et la famille. Dans le cas présent, le bien-être de l’enfant était une priorité pour ces répondants.
« La peine ne devrait pas empêcher Chris de trouver un emploi, de vivre avec son fils et d’en prendre soin. Elle ne devrait pas non plus empêcher Chris de contribuer à la société (c.-à -d. en travaillant, en élevant son fils et en faisant du bénévolat à l’école de ce dernier). »
La présence de maladie mentale a été soulevée comme facteur par de nombreux participants, lesquels ont souligné les répercussions que les problèmes de santé mentale peuvent avoir sur le comportement d’une personne et mentionné qu’il faut accorder une attention particulière à la maladie mentale et son traitement. De nombreux répondants ont établi des liens entre la dépression qui afflige Chris, son incapacité à maintenir un emploi stable et l’infraction qu’il a commise.
« Chris souffre de dépression et est père monoparental. Sa maladie lui a fait perdre des emplois et a occasionné des absences au travail, et son problème est cyclique. Il ne peut se permettre des services de counseling, ni même peut-être des médicaments, s’il n’a pas accès à un programme d’aide aux employés. Il s’isole à cause de la dépression; il n’aurait pas pu demander de l’aide à son patron lorsqu’il avait besoin d’argent. Il a fait un mauvais choix. »
Certains répondants ont mis en évidence la situation financière de Chris comme facteur à prendre en considération dans la détermination de la peine. La pauvreté et la difficulté résultante à s’occuper de sa maladie mentale ou de son fils étaient probablement des facteurs qui ont influé sur la décision qu’a prise Chris de voler.
D’autres répondants ont réfléchi à l’effet qu’une peine aurait sur Chris, y compris au risque de récidive. Ces répondants se sont souvent demandé si des mesures de soutien adéquates seraient offertes à Chris (p. ex. soutien psychologique, soutien financier), et si la peine visait la réadaptation.
Un thème commun de nombreuses réponses était la reconnaissance des facteurs complexes à prendre en considération lors de la détermination de la peine. Les répondants estimaient que les multiples facettes de la situation de Chris (p. ex. maladie mentale, pauvreté, père monoparental) devaient être prises en considération dans un ensemble.
« Ce qui est le plus important ne peut être quantifié en raison des éléments à prendre en considération qui se recoupent. La santé mentale ne peut être séparée de la présence de pauvreté dans la vie de Chris du fait que la précarité qu’entraîne cette pauvreté (ainsi que la précarité de son travail) peut aggraver ses problèmes de santé mentale (qui, à leur tour, peuvent nuire à son rendement au travail et à sa capacité de trouver un emploi, etc.). Si Chris est autochtone, la santé mentale et la pauvreté ne peuvent être séparées de l’effet que la colonisation a eu en précipitant les Autochtones directement dans la pauvreté et en causant des atteintes à la santé mentale par différents moyens. »
Voici d’autres facteurs soulevés par les répondants :
- si Chris avait un casier judiciaire;
- le motif de Chris pour commettre l’infraction (p. ex. désespéré, il voulait prendre soin de son enfant);
- la nature de l’infraction (p. ex. infraction non violente, somme d’argent relativement peu élevée, confiance trahie);
- les désirs de l’employeur (c.-à -d. ceux de la victime), y compris l’appui des solutions de rechange.
Certains répondants ont préconisé des peines en particulier. La plupart d’entre eux ont soutenu que Chris devrait se voir offrir des solutions visant la réadaptation (p. ex. soutien en santé mentale, soutien financier) et que la peine devrait s’attaquer aux causes profondes de l’infraction. Pour une minorité de répondants, le fait que Chris ait volé était suffisant pour mériter une peine punitive.
Casier judiciaire
Une majorité de répondants ont affirmé que Chris ne devrait pas avoir de casier judiciaire pour cette infraction, reconnaissant ainsi les conséquences graves d’un casier judiciaire. Ils ont donné plusieurs justifications. La plus fréquente était qu’un casier judiciaire serait contre-productif tant pour Chris que pour la société, vu qu’il compliquerait sa vie et augmenterait ses probabilités de récidive. De nombreux répondants ont cité les difficultés qu’éprouvent les personnes ayant un casier judiciaire à trouver un emploi, étant donné que le casier les exclut de nombreux emplois. Bon nombre d’autres répondants ont mentionné que puisque Chris est père monoparental, un casier judiciaire nuirait indirectement à son enfant en limitant les possibilités d’emploi de Chris et sa participation à la vie de son enfant (p. ex. il ne pourrait pas faire de bénévolat à l’école de son enfant).
Un autre élément souvent cité selon lequel Chris ne devrait pas avoir un casier judiciaire était que la nature de l’infraction (c.-à -d. mineure et non violente) ne justifiait pas les conséquences négatives associées à un casier judiciaire. D’autres répondants ont jugé qu’une première infraction ne devrait pas se traduire par un casier judiciaire.
Dans de nombreux cas, les répondants ont prôné la non-imposition d’un casier judiciaire en précisant qu’un tel casier ne permet pas de s’attaquer aux causes profondes de l’acte criminel (p. ex. maladie mentale, consommation excessive de substances, pauvreté). Pour s’attaquer aux causes profondes de la criminalité, les répondants ont suggéré du soutien dans les domaines de la santé mentale (p. ex. thérapie, médication), du revenu, du logement et de l’emploi.
« C’est le système qui laisse tomber Chris, et non pas Chris qui laisse tomber le système. Les entreprises sont assurées pour ce genre de vol. Mais des gens luttent tous les jours pour joindre les deux bouts avec un salaire minimum. Cet élément, combiné à la précarité de son emploi en raison de ses problèmes de santé mentale et à sa monoparentalité, peut mener à cette situation. Il doit y avoir plus de programmes de soutien et de programmes communautaires auxquels il peut faire appel pour avoir de l’aide. »
La plupart des répondants étaient contre l’imposition d’un casier judiciaire; toutefois, un petit groupe l’a recommandée, car celui-ci estimait que le vol cause préjudice, que Chris a trahi la confiance de son employeur en le volant et qu’il devrait faire face aux conséquences (p. ex. casier judiciaire). Les répondants ont témoigné de l’effet dissuasif d’un casier judiciaire et maintenu que tout employeur futur devrait être informé que Chris a commis un vol en milieu de travail.
« Je crois qu’il devrait tout de même avoir un casier judiciaire pour l’infraction qu’il a commise – même s’il juge qu’il n’avait pas d’autre choix, ce qu’il a fait a causé préjudice, et il aurait dû envisager d’autres solutions. »
Quelques répondants ont jugé que même si l’imposition d’un casier judiciaire était justifiée, celui-ci devrait être moins restrictif (p. ex. il pourrait expirer après une période fixée si aucune autre infraction n’a été commise). D’autres personnes ont mentionné qu’un casier judiciaire ne devrait pas restreindre l’accès de Chris à l’emploi ou l’empêcher de faire du bénévolat à l’école de son enfant.
Les participants s’intéressaient à la façon dont on pourrait tenir Chris responsable du vol (perte de confiance) commis auprès de son employeur, tout en reconnaissant la gravité de l’infraction, mais également la situation de Chris.
« Chris a commis un acte criminel, et il devrait y avoir une façon de le reconnaître, mais d’une façon dont on tiendrait compte s’il devait être accusé une autre fois d’actes criminels et non pas d’une façon qui nuirait à sa capacité de trouver un emploi ou à la relation avec son fils. »
Processus de rechange au procès et à la condamnation
Une grande majorité (83 %) des répondants au Cahier de choix ont affirmé qu’il faudrait recourir à un processus de rechange à la condamnation criminelle pour traiter l’infraction commise par Chris si ce dernier et son employeur en conviennent.
Lorsque les répondants au Cahier de choix ont affirmé qu’ils ne préconiseraient pas l’adoption de solutions en dehors du système de justice pénale traditionnel, il était surtout question des infractions violentes (p. ex. meurtre, agression sexuelle, vol à main armée, violence familiale). De nombreux répondants ont jugé que les délinquants violents présentent un risque important pour leurs victimes et la société, et qu’ils doivent donc faire l’objet d’une peine et d’un emprisonnement conventionnels. D’autres craignaient que les victimes qui auraient à faire face à des délinquants dans le contexte de la justice réparatrice soient davantage traumatisées. Quelques répondants ont mentionné que la justice réparatrice peut avoir des répercussions profondes et positives sur les victimes et les délinquants et qu’elle devrait être intégrée au système de justice traditionnel, même lorsqu’il est question d’actes criminels violents.
« On ne devrait jamais envisager des solutions de rechange dans les cas de violence graves ne découlant pas de la légitime défense. Il peut y avoir des exceptions, mais en tant que victime de violence sexuelle, je ne crois pas que ces personnes méritent des solutions de rechange, et elles devraient être accusées. »
De même, de nombreux répondants ont jugé qu’il ne faudrait pas recourir à des solutions de rechange au système traditionnel pour certaines infractions violentes, comme la traite de personnes ou d’autres crimes non violents graves, comme le trafic de stupéfiants, la fraude à grande échelle et le vol de plus de 5 000 $. De nombreux répondants ont précisé qu’ils favoriseraient l’adoption de solutions de rechange pour des infractions mineures, comme les menus larcins et les crimes contre les biens.
De nombreux répondants au Cahier de choix ont affirmé que les personnes ayant un long casier judiciaire ont « eu leur chance » et risquent peu de changer, et qu’il faudrait réserver des solutions de rechange aux délinquants primaires. Certains répondants ont précisé qu’il faudrait évaluer le risque de récidive d’un délinquant lorsqu’on envisage d’adopter des solutions de rechange à son égard.
« La justice réparatrice peut fonctionner pour un délinquant primaire. J’ai vécu une expérience où, pendant le processus, on a découvert que l’auteur de l’infraction en était à sa troisième tentative pour bénéficier de la justice réparatrice. On peut donc constater que cette dernière ne dissuade pas le criminel de poser à nouveau de tels actes. Cette solution ne devrait être offerte qu’une seule fois. »
Plusieurs répondants ont affirmé qu’ils seraient ouverts à l’adoption de solutions de rechange au système de justice pénale dans toutes les circonstances, pourvu que la victime et le délinquant conviennent d’y prendre part. Dans l’ensemble, les participants affirmaient que les solutions de rechange pouvaient avoir une incidence positive si la victime et le délinquant étaient disposés à participer au processus et étaient entièrement renseignés sur le sujet. Certains se sont dits préoccupés par les déséquilibres de pouvoirs entre les victimes et les délinquants, lesquels pourraient faire en sorte que la victime soit « contrainte » de prendre part à la justice réparatrice (par le délinquant ou le système de justice).
« Si la victime est favorable à un processus de rechange à un moment donné pendant l’affaire (même après l’incarcération du délinquant), alors oui, je suis d’accord. C’est la victime qui compte. Il s’agit d’une excellente solution de rechange dans les cas d’agression sexuelle où la victime ne souhaite pas engager de poursuites. Il est toujours crucial de mettre en Å“uvre ces solutions de rechange en tenant compte de la victime afin qu’elles n’aggravent pas la dynamique des pouvoirs. »
D’autres répondants ont affirmé qu’ils seraient favorables à l’adoption de solutions de rechange :
- au cas par cas;
- dans la plupart des circonstances;
- pourvu que les répercussions sur la victime soient prises en considération avec délicatesse;
- lorsque les délinquants expriment des regrets;
- si des services en matière de santé mentale et de toxicomanie et des services de counseling appropriés sont offerts aux délinquants et aux victimes.
Enfin, certains répondants ont affirmé qu’ils ne seraient pas favorables à l’adoption de solutions de rechange :
- pour des infractions envers des enfants, des aînés ou d’autres populations vulnérables;
- lorsqu’un délinquant constitue une menace pour la société;
- si l’acte criminel a été perpétré avec malveillance ou une mauvaise intention ou si le délinquant faisait la différence entre le bien et le mal;
- dans la plupart des circonstances.
Dans l’ensemble, les participants aux tables rondes en personne favorisaient la justice réparatrice comme solution de rechange aux processus conventionnels des tribunaux et de détermination de la peine. Ils ont expliqué que les solutions réparatrices sont plus avantageuses que l’incarcération conventionnelle tant pour les délinquants que pour les victimes, vu qu’elles permettent aux deux parties de guérir tout en réduisant considérablement les risques de récidive. Ils ont également proposé que ce modèle soit accessible dans une plus large mesure au sein des collectivités du Canada, et non uniquement dans certaines régions.
Même si la plupart des participants aux tables rondes en personne ont affirmé que la justice réparatrice convenait mieux aux délinquants de bas niveau, d’autres ont affirmé que cette justice pourrait même être utile dans des cas plus graves (c.-à -d. des actes criminels violents), pourvu que les victimes soient bien informées et aptes à y prendre part. Certains participants ont affirmé qu’un plus grand nombre de programmes visant une meilleure réparation et une meilleure réadaptation devraient être accessibles aux familles dans les cas de violence familiale. On a mentionné les pavillons de ressourcement comme solution efficace pour de nombreux types de délinquants, pourvu que le système de justice pénale ne « récupère » pas les mesures de justice réparatrice autochtones traditionnelles qui avaient un but communautaire à l’origine. Quelques personnes ont affirmé qu’il faudrait intégrer les programmes de justice réparatrice à la Charte canadienne des droits des victimes et qu’il faudrait renseigner davantage le public au sujet de l’efficacité des solutions réparatrices afin d’en accroître l’acceptation et de réduire les idées fausses.
On a observé une plus grande réticence au recours à la justice réparatrice dans certains cas (p. ex. agression sexuelle) sur les plateformes en ligne comme Twitter et Reddit comparativement à la rétroaction tirée du Cahier de choix et des activités en personne. Toutefois, de nombreux participants des médias sociaux ont manifesté leur soutien pour des programmes de justice réparatrice destinés aux délinquants de bas niveau et aux délinquants autochtones (p. ex. des programmes mis en place dans des collectivités autochtones et dirigés par des Aînés ou des tribunaux autochtones distincts). Certaines personnes ont mentionné qu’un recours accru à la justice réparatrice pourrait diminuer les taux de récidive, réduire l’arriéré des tribunaux et être plus rentable (c.-à -d. en réalisant des économies quant aux coûts d’incarcération). D’autres ont exigé plus de fonds pour les programmes de justice réparatrice partout au pays ainsi qu’une formation complète en application de la loi au sujet des processus de justice réparatrice.
« Il faut obtenir un SOLIDE engagement de la part du gouvernement et les fonds nécessaires pour que la justice réparatrice fonctionne. Il faut que cela se produise dans TOUTES les collectivités du Canada – et non uniquement dans les grandes villes. À certains égards, la justice réparatrice fonctionne mieux dans les collectivités plus petites où les liens familiaux et communautaires sont plus solides. Toutefois…  les facilitateurs doivent être bien formés, être dévoués et établir des liens avec les autres organismes de soutien. Et il faut que ce soit leur travail! Le temps des facilitateurs bénévoles est révolu – la plupart subissent ou ont subi un épuisement professionnel… il faut sérieusement s’attaquer à ce problème. »
5.9. Retards judiciaires
- Accélérer le traitement de certains cas dans le système; traiter les infractions mineures au moyen de solutions de rechange.
- Augmenter le recours aux programmes de justice réparatrice et aux tribunaux spécialisés.
- Augmenter le financement pour tous les aspects du système de justice pénale, y compris les juges, les procureurs, la police, la technologie, l’aide juridique et les programmes de prévention.
- Restreindre les retards judiciaires intentionnels ou stratégiques de la part de la Couronne et de la poursuite.
- Annuler les restrictions de temps sur les retards judiciaires ou les appliquer uniquement à certaines situations.
Les répondants au Cahier de choix ont reçu un scénario mettant en cause Jeff, accusé de voies de fait graves. Après 20 mois, sa cause a été suspendue, c.-à -d. qu’on ne poursuivrait plus les procédures, en raison de l’arrêt Jordan de la Cour suprême du Canada qui exige que les procès soient conclus dans un délai raisonnable. Craig, la victime, a subi des blessures mineures à cause de l’incident, s’est absenté du travail sans paye pendant trois semaines et continue de souffrir d’insomnie et des répercussions psychologiques de l’agression. Il juge que justice n’a pas été rendue, et les médias rapportent que le système judiciaire « libère les criminels ».
Une vidéo au sujet des délais judiciaires nous présente M. et Mme Swan, un couple dont le fils a été assassiné. Ils y décrivent leur expérience frustrante au sein du système de justice qui a duré sept ans et demi, car les démarches judiciaires contre les personnes accusées d’avoir tué leur fils ont été sans cesse reportées. Â
Après avoir reçu plus de renseignements au sujet de l’arrêt Jordan de la Cour suprême du Canada et des facteurs qui contribuent aux retards dans le système de justice pénale, plus du trois quarts des répondants au Cahier de choix (78 %) ont affirmé qu’il aurait fallu offrir d’autres solutions pour éviter une situation où l’on suspend les accusations à cause d’un retard déraisonnable.
Environ trois quarts (74 %) des participants ont affirmé qu’ils aimeraient « accélérer le traitement de certains cas par le biais des tribunaux et traiter des infractions mineures au moyen de solutions de rechange » afin d’éviter les situations où les accusations sont suspendues en raison d’un retard déraisonnable. Environ deux tiers (64 %) des participants ont suggéré des « solutions de rechange aux tribunaux pour régler l’affaire (p. ex. médiation ou autres solutions) ». Un peu plus de la moitié (52 %) des participants ont suggéré que l’on mette en place « plus de juges pour entendre les causes », et un tiers (34 %) des participants ont suggéré d’« accorder plus de fonds pour la représentation juridique des accusés ».
On compte parmi les autres suggestions formulées la déjudiciarisation de certaines causes; des programmes de justice réparatrice; des tribunaux spécialisés qui ciblent des domaines comme la santé mentale, les drogues ou les infractions contre l’administration de la justice; les tribunaux communautaires; la médiation; l’arbitrage ou d’autres programmes communautaires ou de réadaptation. Les répondants ont suggéré de catégoriser les causes selon la gravité de l’infraction, de traiter les infractions moins graves à l’aide de solutions de rechange et d’accorder la priorité aux causes les plus graves (p. ex. actes criminels violents ou sexuels) afin d’éviter une suspension de l’instance en raison de l’arrêt Jordan. D’autres ont suggéré d’accélérer le traitement des infractions simples ou des infractions contre l’administration de la justice afin de consacrer plus de temps aux procès plus graves ou plus complexes, ou encore d’accorder la priorité aux causes dont les limites de temps imposées par le tribunal viennent bientôt à échéance.
« Accélérer les poursuites judiciaires concernant des infractions violentes pour lesquelles des preuves suffisantes permettent de le faire. Le fait de prioriser ces infractions plutôt que les infractions contre l’administration de la justice, les infractions « administratives » et les infractions mineures liées aux drogues qui ne concernent aucun plaignant immédiat autre que la Couronne libère des ressources. »
Les répondants ont mis en évidence le besoin de consacrer davantage de fonds au système de justice pénale afin de réduire les retards, soit en embauchant plus de juges et de procureurs de la Couronne. Cette démarche permettrait en retour à la police de traiter plus efficacement des cas de plus en plus complexes et contribuerait à augmenter le temps disponible au tribunal en prolongeant les heures des tribunaux le soir et la fin de semaine.
De nombreux répondants ont préconisé l’élimination complète des limites de temps des retards judiciaires imposées par la Cour suprême du Canada ou leur élimination pour certains types de cas graves. D’autres répondants affirmaient que les limites de temps devraient être prolongées. Les participants ont par ailleurs suggéré d’apporter des changements législatifs, judiciaires et constitutionnels aux limites actuelles.
« Augmenter le temps de délais pour les causes criminelles sérieuses, trafic de drogue, violences, voies de fait, meurtre, viol, agressions physiques, intimidation et harcèlement afin de soustraire des bénéfices. »
Voici d’autres solutions suggérées par les répondants :
- réduire les retards de procédure intentionnels causés par les avocats de la défense;
- réduire les accusations criminelles inutiles (p. ex. décriminaliser l’usage de la drogue et les infractions contre l’administration de la justice) et éliminer les peines minimales obligatoires;
- offrir plus de soutien aux victimes (p. ex. soutien financier, thérapeutique, général);
- faire en sorte que le délinquant dédommage la victime.
On a exprimé des préoccupations au sujet des retards judiciaires lors de toutes les tables rondes en personne. Voici diverses suggestions sur la façon de composer avec les retards :
- recourir à un tribunal de santé mentale comme solution de rechange pour les personnes ayant une maladie mentale;
- recourir à la technologie pour accroître l’efficacité;
- éliminer les peines minimales obligatoires.
On a également suggéré d’accorder plus de fonds pour les mesures de prévention destinées aux jeunes présentant des risques; pour l’aide juridique destinée aux personnes accusées; pour l’embauche d’autres avocats de la Couronne et juges; et pour le système judiciaire en général, surtout à l’échelle des collectivités et pour la prestation des services.
Les participants aux plateformes de médias sociaux et de forums de discussion sur les retards judiciaires ont souligné que les retards constituent une grande préoccupation. Ils ont réclamé l’embauche d’un plus grand nombre de juges et d’avocats de la Couronne et l’augmentation des fonds affectés à la police, et ont mentionné qu’il faudrait empêcher les avocats de la défense et de la Couronne de causer des retards inutiles.
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