Consultations sur l’aide médicale à mourir – Résumé des résultats et des principales constatations
Partie IV - Les soins de fin de vie au Canada
«
Du point de vue de l'autonomie et du consentement informé, en l'absence de soins de fin de vie et de soins palliatifs accessibles, complets et efficaces, l'option du décès assisté contrevient à l'autodétermination et à l'autonomie puisqu'il n'existe aucun choix, ou alors ce choix n'est pas possible» - Dr Thomas Foreman, directeur, Centre de bioéthique Champlain, Hôpital d'Ottawa
Tous les intervenants conviennent que le cadre de l'aide médicale à mourir doit comprendre des mécanismes permettant une évaluation minutieuse et que des efforts considérables doivent être déployés pour offrir de bons services de soins de santé et services sociaux aux personnes qui souffrent. Les Canadiens ne veulent pas que l'aide médicale à mourir devienne l'option privilégiée simplement parce que d'autres options, comme des soins palliatifs de grande qualité, ne sont pas accessibles. L'aide médicale à mourir ne doit pas devenir un indicateur de l'incapacité du système à offrir des soins de fin de vie adéquats. Tous ceux qui ont fait part de leur avis au Comité semblaient s'entendre sur le fait qu'une décision véritablement informée ne peut se prendre que lorsque les individus connaissent et comprennent les solutions de rechange significatives. La présente section du rapport du Comité examine la nature, la qualité et l'accessibilité de ces solutions, ainsi que le lien entre ces dernières et la légalisation de l'aide médicale à mourir.
Les solutions de rechange significatives comprennent les services de soins de santé, les services sociaux et les mesures de soutien social. Le Comité reconnaît que ces secteurs relèvent principalement des provinces et des territoires, mais il est d'avis qu'une pleine compréhension des solutions est essentielle dans le cadre d'une étude approfondie de l'aide médicale à mourir. Le Comité reconnaît également que le gouvernement fédéral peut encourager les provinces et territoires à prendre des mesures dans des secteurs qui relèvent de leur compétence. Si le gouvernement fédéral décide de le faire, le Comité suggère qu'il suive le principe du « fédéralisme coopératif », comme l'a préconisé à maintes reprises la Cour suprême du Canada.
Chapitre 13. Les soins palliatifs et les soins de fin de vie : des éléments fondamentaux
Le Comité estime qu'il existe parmi les Canadiens un vaste consensus sur le fait qu'il s'impose de donner un meilleur accès à des soins palliatifs de qualité. La majorité des intervenants, experts et parties intéressées étaient du même avis, et ce indépendamment de leur position à l'égard de l'aide médicale à mourir. De nombreux groupes entendus par le Comité ont lancé un appel pour l'égalité de l'accès à des soins palliatifs de qualité au Canada. Parmi ceux-ci, mentionnons la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, le Collège des médecins de famille du Canada, le Réseau juridique canadien VIH/sida, l'Association canadienne de soins spirituels, la Ligue catholique des droits de l'homme, l'Alliance évangélique du Canada, l'Alliance des chrétiens en droit, Dying With Dignity Canada, de même que des experts et des représentants des collèges des médecins et chirurgiens de l'ensemble du Canada. Comme l'a déclaré Wanda Morris, présidente et chef de la direction de Dying With Dignity Canada : « Personne ne devrait avoir à choisir l'aide médicale à mourir parce que le système de soins de santé ne lui a offert aucune autre option
».
A. Les soins palliatifs
Les personnes atteintes de maladies limitant la durée de vie, et celles qui sont sur le point d'être emportées par ces maladies, ont des besoins uniques en matière de soins de santé. Les services de soins palliatifs sont conçus pour les aider à vivre le reste de leur vie dans le confort et la dignité. Les soins palliatifs visent surtout à réduire la douleur et à gérer les symptômes ainsi qu'à apporter un soutien social, psychologique, émotif et spirituel aux patients, aux familles, aux amis et aux autres aidants. L'Organisation mondiale de la santé définit les soins palliatifs de la façon suivante :
Les soins palliatifs représentent une approche qui améliore la qualité de vie des patients et des familles confrontés au problème associé à une maladie potentiellement mortelle. Cette approche prévient et soulage la souffrance grâce à l'identification précoce et à l'évaluation irréprochable du traitement de la douleur et des autres problèmes physiques, psychosociaux et spirituels. Les soins palliatifs :
- Soulagent la douleur et d'autres symptômes pénibles;
- Affirment le droit à la vie et traitent la mort comme un processus normal;
- Ne visent ni à hâter ni à retarder la mort;
- Intègrent les aspects psychosociaux et spirituels du soin des patients;
- Offrent un système de soutien pour aider les patients à vivre aussi activement que possible jusqu'à la mort;
- Offrent un système de soutien pour aider la famille à faire face à la situation pendant la maladie du patient et le deuil;
- Utilisent une approche d'équipe pour répondre aux besoins des patients et de leurs familles, y compris dans le deuil, s'il y a lieu;
- Améliorent la qualité de vie, et peuvent également influencer positivement le cours de la maladie;
- Sont indiqués dès que la maladie commence à évoluer, avec d'autres thérapies destinées à prolonger la vie, comme la chimiothérapie et la radiothérapie, et englobent les enquêtes qui sont nécessaires pour mieux comprendre et gérer les complications cliniques pénibles Note de bas de page 216.
La définition de l'OMS fait ressortir clairement que l'objectif des soins palliatifs est d'offrir la meilleure qualité de vie possible aux patients. La définition permet également de faire ressortir certaines perceptions erronées au sujet des soins palliatifs. Tout d'abord, la définition précise bel et bien que les soins palliatifs ne visent ni à hâter ni à retarder la mort. En outre, même si les soins palliatifs sont plus généralement associés à des maladies incurables en phase terminale, il importe de mentionner que les personnes dont la maladie en est aux premières manifestations peuvent aussi bénéficier de soins palliatifs pour améliorer leur qualité de vie tout en suivant des traitements visant à guérir leur maladie ou à améliorer leur état.
Les soins palliatifs ne sont pas offerts seulement à l'hôpital, mais aussi dans la collectivité, comme dans des centres de soins palliatifs, les centres de soins de longue durée, ou à domicile. Selon des recherches empiriques, les soins palliatifs ont une incidence positive sur les patients (gestion des symptômes, qualité de vie, satisfaction générale), les aidants naturels (réduction du fardeau) et le système de santé (réduction des admissions à l'hôpital)Note de bas de page 217.
Ce sont généralement des membres de la famille, des amis et le médecin de famille qui prennent surtout soin des gens en fin de vieNote de bas de page 218. Les gens fortunés qui ont davantage de ressources ont souvent recours plus facilement à des services privés. Dans les équipes de soins palliatifs, des médecins, des infirmiers et d'autres intervenants en santé sont spécialement formés en matière de soins palliatifs. Selon les besoins de la personne, l'équipe de soins palliatifs peut être composée d'infirmiers ayant reçu une formation spécialisée, d'un médecin spécialisé en médecine palliative, d'un pharmacien, d'un travailleur social, d'un conseiller spirituel, d'un conseiller aux personnes en deuil, d'un préposé aux soins à domicile, d'un nutritionniste, d'un physiothérapeute et d'un ergothérapeuteNote de bas de page 219. Des bénévoles ayant reçu une formation et des aidants naturels peuvent aussi être considérés comme faisant partie de l'équipe.
B. L'état des soins palliatifs au Canada
Les soins palliatifs sont apparus au Canada dans les années 1970, au moment où l'on accordait une plus grande attention et une plus grande priorité à la gestion de la douleur et des autres symptômes des personnes atteintes d'un cancerNote de bas de page 220. En raison des progrès réalisés dans le domaine des soins de santé, de nombreux Canadiens vivent plus longtemps. Parallèlement, l'incidence des maladies chroniques qui limitent la durée de vie est aussi plus élevéeNote de bas de page 221, près de 70 % des décès au Canada étant attribuables à des maladies comme le cancer (30 %), les maladies circulatoires (29 %) et les maladies respiratoires (9 %)Note de bas de page 222. Bon nombre des personnes atteintes de ces maladies ressentent de la douleur et des malaises, et elles éprouvent généralement des problèmes de santé dans les derniers mois et parfois les dernières années de leur vieNote de bas de page 223. Lorsqu'on leur pose la question, la plupart des Canadiens disent qu'ils préféreraient mourir à la maison en présence de leurs prochesNote de bas de page 224; près de 70 % des décès au Canada ont toutefois lieu à l'hôpitalNote de bas de page 225. Un meilleur accès à des soins palliatifs communautaires pourrait permettre aux Canadiens de mourir paisiblement à la maison, conformément à leur souhait.
Contrairement aux pays qui ont des priorités, des objectifs et des stratégies explicites, le Canada n'a pas de stratégie nationale de soins palliatifs, tout comme d'ailleurs la plupart des provinces et des territoiresNote de bas de page 226. Dans le milieu de la santé, on estime généralement que l'on pourrait faire bien mieux pour ce qui de la qualité des soins palliatifs au Canada et de l'égalité d'accès à ces soins. Le Sénat du Canada a publié des études sur les soins palliatifs en 1995, 2000, 2004 et 2010, et il a recommandé l'élaboration d'une stratégie pancanadienne visant l'établissement d'un système complet de soins palliatifsNote de bas de page 227. Lors des consultations du Comité, les observations des intervenants, des experts et de Canadiens en général semblaient aller en ce sens. Le présent document aborde ci-après certaines des principales lacunes constatées ainsi que des options que le gouvernement peut envisager pour améliorer la situation.
Il a été rapporté que seulement 16 % à 30 % des Canadiens auraient accès à un certain niveau de soins palliatifsNote de bas de page 228. Les données empiriques sur le nombre de Canadiens qui ont accès à des soins palliatifs à la fin de leur vie et qui en reçoivent vraiment sont toutefois limitées et inexactesNote de bas de page 229. Il est néanmoins généralement reconnu qu'il existe des variations importantes en matière d'accès et de qualité, des îlots d'excellence contrastant avec de nombreuses régions terriblement mal desserviesNote de bas de page 230. C'est pourquoi les soins palliatifs au Canada sont souvent décrits comme une « courtepointe » ou une « œuvre inachevée »Note de bas de page 231. Il ne fait aucun doute que de trop nombreux Canadiens n'ont pas accès à des soins palliatifs de qualité et connaissent ainsi une fin de vie moins qu'idéale et parfois même tragique. Les gens vivant à l'extérieur des centres urbains, les peuples autochtones, les enfants ainsi que les néo-Canadiens représentent des populations particulièrement vulnérables et souvent mal desservies en fin de vie.
Selon les normes internationales, le Canada a moins de médecins spécialisés en soins palliatifs que des pays comparables comme les États-Unis et l'AustralieNote de bas de page 232. Selon un sondage réalisé récemment, sur environ 77 000 médecins au CanadaNote de bas de page 233, seulement 51 sont spécialisés en soins palliatifs, et 123 médecins de famille ont une pratique axée sur les soins palliatifsNote de bas de page 234. Le sondage a aussi révélé que 931 autres médecins de famille ou médecins spécialistes (par exemple des oncologues, des pédiatres) offrent certains soins palliatifs dans le cadre de leur pratique, mais les deux tiers de ces médecins ont indiqué n'avoir reçu aucune formation en médecine palliative.
Sur environ 360 000O infirmières autorisées au CanadaNote de bas de page 235, 1 348 ont une certification en soins palliatifsNote de bas de page 236, un nombre relativement constant qui avait presque triplé de 2004 à 2008Note de bas de page 237.
Selon un sondage réalisé en 2014, de 23 % à 26 % des omnipraticiens/médecins de famille et des infirmières/infirmiers au Canada étaient très à l'aise d'offrir des soins palliatifs, de 47 % à 55 % étaient assez à l'aise, et les autres (de 22 % à 28 %) n'étaient pas très à l'aise ou pas du tout à l'aise d'assurer des soins palliatifsNote de bas de page 238.
Un sondage réalisé en 2011 a révélé que seulement sept des 17 écoles de médecine du Canada offraient plus de 10 heures en soins palliatifs dans leur programme de premier cycleNote de bas de page 239.
C. Les autres options de soins de fin de vie
Même si la plupart des discussions sur les soins de fin de vie ont mis l'accent sur les soins palliatifs et l'aide à mourir, le Comité a entendu parler d'autres choix que les individus ont le droit de faire et d'autres décisions qu'ils peuvent prendre pour que leurs souhaits et leurs désirs soient respectés.
Parmi ces options, les Canadiens peuvent indiquer leurs préférences en matière de traitements de fin de vie dans un plan ou une directive préalable de soins. Si une personne perd la capacité de décider elle-même des soins de santé qu'elle veut recevoir, le plan préalable de soins donne à ses proches et aux professionnels de la santé une idée de ses souhaitsNote de bas de page 240. En l'absence de plan préalable de soins (ou lorsque le plan préalable ne traite pas d'une situation en particulier), une personne agissant au nom du patient peut aussi prendre des décisions pour lui en matière de soins de santé. Ces personnes sont communément appelées des fondés de pouvoir ou des mandataires spéciauxNote de bas de page 241. Une autre option semblable permet à une personne de remplir une ordonnance de non-réanimation. Lorsqu'une telle ordonnance a été remplie, les professionnels de la santé ne tenteront pas de manœuvres de réanimation cardiopulmonaire en cas d'insuffisance cardiaque ou d'insuffisance respiratoire.
Une personne a aussi le droit de refuser un traitement ou d'arrêter un traitement déjà en cours, même si le traitement pourrait être nécessaire pour sauver, prolonger ou maintenir sa vie. De la même manière, une personne a le droit de refuser de s'alimenter ou de s'hydrater (oralement ou autrement).
La sédation palliative est un traitement qui a été défini et interprété de manière générale. Selon le Portail canadien en soins palliatifs, la sédation palliative peut être une option de dernier recours lorsque les traitements habituels ne permettent pas de soulager les symptômes graves et insoutenables en fin de vie. Si cette option est choisie, et après qu'elle a été discutée avec une personne compétente (ou la famille ou le mandataire spécial), un médicament est administré au patient pour lui procurer un confort impossible à atteindre autrement. La sédation palliative est une réponse proportionnée, car il est possible de changer de médicament et d'ajuster la dose selon l'effet recherché (de l'effet calmant au sommeil profond), et il est aussi possible de diminuer la sédation pour permettre à la personne d'être plus éveillée. La sédation palliative n'a pas pour objectif de causer ni d'accélérer la mort, mais d'assurer le confort de la personne jusqu'à son décès des suites de sa maladie.
Au bout du compte, les Canadiens devraient pouvoir faire un véritable choix éclairé entre l'aide médicale à mourir, aucune intervention médicale et d'excellents soins palliatifs.
Chapitre 14. Prochaines étapes
Il est reconnu de longue date qu'il existe des écarts dans l'accès aux soins palliatifs au Canada et qu'une initiative nationale s'impose dans ce secteur, comme il en a été fait mention plus haut et comme le démontrent des rapports et des études qui remontent à l'année 2000Note de bas de page 242. Le cadre national La voie à suivre constitue une initiative récente pertinenteNote de bas de page 243. Menée par la Coalition pour des soins de fin de vie de qualité au CanadaNote de bas de page 244, gérée par l'Association canadienne de soins palliatifs et financée par le gouvernement fédéral, cette initiative vise à guider les professionnels des soins de santé, les dirigeants du secteur de la santé, les planificateurs de programmes et les autres intervenants dans l'adoption d'une approche intégrée en matière de soins palliatifs au sein de leurs collectivités et de leurs organismes. Elle pourrait servir de carte routière pour le futur financement gouvernemental, ou du moins de point de départ pour des discussions à ce sujet. L'Association médicale canadienne a également publié un appel à l'action relatif aux soins palliatifs en mai 2015Note de bas de page 245.
«
Étant donné la pression que subit le gouvernement depuis l'arrêt Carter, il s'agit d'un moment extrêmement important pour nous tous, […] c'est l'occasion de pousser le gouvernement à élaborer et à financer adéquatement une stratégie et un plan nationaux en matière de soins palliatifs» - Richard Elliott, directeur général, Réseau juridique canadien VIH/sida
La décision de la Cour suprême et l'avènement de l'aide médicale à mourir au Canada pourraient constituer l'argument principal pour justifier la nécessité de mettre en place une initiative nationale en matière de soins palliatifs. Comme la prestation des soins palliatifs relève des provinces et des territoires, une collaboration à l'échelle du Canada s'imposerait. De nombreux intervenants, parties intéressées et experts ont fait valoir qu'une uniformité accrue des soins offerts au Canada est nécessaire, ce qui pourrait obliger le gouvernement fédéral à jouer un plus grand rôle qu'auparavant. Certaines parties intéressées, à l'instar de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, ont demandé que les exigences en matière de déclaration de renseignements et de responsabilisation du cadre de l'aide médicale à mourir comprennent l'élaboration d'indicateurs de qualité pour procéder au suivi et à la mesure de l'accès aux soins palliatifs.
A. Le rôle du gouvernement fédéral dans l'amélioration des soins palliatifs et des soins de fin de vie
Depuis des années, le gouvernement fédéral assure un certain leadership à l'égard de certains enjeux afférents aux soins palliatifs et aux soins de fin de vie pour s'acquitter de son rôle dans le secteur de la santéNote de bas de page 246. Plusieurs initiatives pertinentes sont décrites dans les prochaines pages.
1. Établissement et application de principes nationaux pour le système de soins de santé au moyen de la Loi canadienne sur la santé
Au cours de ses consultations, le Comité a appris qu'une façon de rendre l'accès aux soins palliatifs au Canada plus facile et plus équitable serait de modifier la Loi canadienne sur la santé de sorte qu'elle englobe les soins palliatifs en particulier. Bien que cette proposition ait été formulée à de nombreuses reprises, il semble qu'elle rend compte d'une mauvaise compréhension de la Loi canadienne sur la santé. La Loi canadienne sur la santé établit les critères et les conditions que doivent respecter les provinces et les territoires pour avoir droit au montant total du Transfert canadien en matière de santé. Les cinq principales conditions d'octroi sont les suivantes selon la Loi : la gestion publique, l'intégralité, l'universalité, la transférabilité et l'accessibilité. De plus, la Loi canadienne sur la santé énonce que les services d'un hôpital ou d'un médecin qui sont médicalement nécessaires sont assujettis à la Loi. Par conséquent, ils doivent être offerts dans le cadre de régimes provinciaux d'assurance-santé. La Loi ne définit pas les services médicalement nécessaires et ne les énumère pas; ce sont les provinces et les territoires qui doivent le faire. La modification de la Loi afin qu'elle comprenne les soins palliatifs laisserait tout de même la responsabilité aux provinces et aux territoires de déterminer non seulement les normes de soins, mais également les traitements et les services qui seraient financés par des fonds publics. À moins que les gouvernements soient prêts à rouvrir et à renégocier la Loi canadienne sur la santé, d'autres options doivent être envisagées.
2. Contribuer au financement des services de soins de santé provinciaux et territoriaux au moyen de paiements de transfert fiscaux
Le gouvernement fédéral finance couramment des programmes et services dont la prestation est assurée par les provinces et les territoires, et ce, au moyen de quatre principaux mécanismes : le Transfert canadien en matière de santé, le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, le Programme de péréquation et la Formule de financement des territoires. Le Transfert canadien en matière de santé, qui constitue, à 32,1 milliards de dollars 2014-2015Note de bas de page 247, le plus important transfert de fonds aux provinces et aux territoires, devrait croître de 6 % jusqu'en 2016-2017, puis d'au moins 3 % par année jusqu'en 2017-2018Note de bas de page 248. Pour avoir droit au Transfert canadien en matière de santé, il suffit aux provinces et aux territoires de satisfaire aux critères énoncés par la Loi canadienne sur la santé. Aucune autre exigence ne s'applique. Par conséquent, il serait difficile pour le gouvernement fédéral d'exiger des provinces et des territoires qu'ils offrent des services supplémentaires dans le cadre de l'accord en place. Si le gouvernement récemment élu est disposé à entamer des discussions avec les provinces et les territoires au sujet des soins de santé, les soins palliatifs seraient un élément important à inclure à l'ordre du jour.
Le gouvernement fédéral pourrait également pousser les provinces et les territoires à agir en exerçant son pouvoir de dépenserNote de bas de page 249, plus précisément en octroyant un financement réservé supplémentaire. Il existe de nombreux exemples de telles ententes de financement dans le domaine des soins de santé, bien que la tendance soit à la baisse depuis les dernières annéesNote de bas de page 250. Par exemple, de 2000 à 2006, le gouvernement fédéral a octroyé par l'intermédiaire du Fonds pour l'adaptation des soins de santé primaires 800 millions de dollars aux provinces, aux territoires et à des organismes de soins de santé pour qu'ils améliorent les soins de santé primaires offerts. La mise en place d'un mécanisme semblable pourrait pousser les responsables de tout le pays à agir dans le secteur des soins palliatifs. Il convient de noter que certaines provinces ne reconnaissent ni la légitimité ni la constitutionnalité de l'exercice du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans les secteurs de compétence provinciale. C'est le cas du Québec, qui a par le passé utilisé le terme fédéralisme asymétrique pour décrire les dépenses du gouvernement fédéral dans le secteur des soins de santé.
3. Offrir des services de santé à des groupes de la population qui relèvent du gouvernement fédéral
Selon la Constitution, il incombe au gouvernement fédéral d'offrir des services de soins de santé aux Premières Nations et aux Inuits. Il fournit également des services de santé aux membres des Forces canadiennes, aux vétérans admissibles, aux demandeurs d'asile et aux détenus des pénitenciers fédéraux. Selon certains groupes rencontrés par le Comité, le gouvernement fédéral pourrait donner l'exemple en fournissant des soins palliatifs et des soins de fin de vie améliorés à ces populations.
4. Exercer d'autres fonctions relatives à la santé, notamment dans le cadre de programmes de santé publique, de protection de la santé et de recherche en santé
Le gouvernement fédéral assume un certain nombre de responsabilités dans le secteur des soins de santé, en plus de financer des services dont la prestation est assurée par les provinces et les territoires. Santé Canada et l'Agence de la santé publique du Canada sont les organismes qui assument la majorité de ces responsabilités. Santé Canada protège les Canadiens contre les produits alimentaires, les produits de santé et les produits de consommation généraux qui ne sont pas sûrs, soutient la prestation des soins de santé aux Premières Nations et aux Inuits, favorise l'innovation dans le domaine des soins de santé, et donne de l'information sur la santé aux Canadiens. L'Agence de la santé publique du Canada fait porter le gros de ses efforts sur la prévention des maladies chroniques et des blessures, sur la réponse aux urgences en matière de santé publique et sur l'intervention en cas de flambées de maladies infectieuses. Une troisième entité, les Instituts de recherche en santé du Canada, soutient la recherche en vue d'améliorer la santé des Canadiens, d'offrir de meilleurs services et produits de santé et de renforcer le système de soins de santé.
Le gouvernement fédéral a également soutenu la mise en place et contribué au financement d'un certain nombre d'organismes indépendants qui font la promotion de l'amélioration du système de santé et de la prise de décisions par l'intermédiaire d'activités fondées sur le savoir. Le fonctionnement de ces organismes n'empiète pas sur les responsabilités des provinces ou territoires puisqu'ils n'offrent pas de services de santé. Par exemple, le Partenariat canadien contre le cancer est responsable de la direction et de l'implantation de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer. Le gouvernement fédéral pourrait mettre en place un processus similaire et nommer un organisme responsable d'une stratégie nationale en matière de soins palliatifs qui respecte le principe du fédéralisme coopératif.
Étant donné l'absence d'organisme responsable des soins palliatifs et des soins de fin de vie, des organismes pancanadiens actuellement financés par le gouvernement du Canada pourraient, dans le cadre de leur mandat actuel, songer à exercer des activités visant à accélérer l'adoption de pratiques exemplaires en matière de soins palliatifs dans tout le Canada.
5. Offrir des programmes et des services de soins de fin de vie complémentaires
Certains groupes ont fait valoir qu'il faut instaurer un bon système de soins palliatifs avant d'accorder le droit de recevoir l'aide médicale à mourir, mais cette option est difficile à mettre en pratique sur le plan logistique. L'organisme Dying With Dignity Canada a précisé clairement dans sa présentation au Comité qu'il s'oppose fermement à tout délai supplémentaire puisque ce sont les personnes qui souffrent déjà qui en paieraient le prix. Dans plusieurs mémoires, on affirme que l'aide médicale à mourir et les soins palliatifs ne devraient pas être présentés et étudiés comme des notions antagonistes.
Selon ce qu'a entendu le Comité, les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir devraient être accessibles aux Canadiens et répondre à leurs attentes. La Dre Francine Lemire, présidente et directrice générale du Collège des médecins de famille du Canada, a exprimé cette idée de façon claire lors de l'exposé qu'elle a présenté au Comité :
[…] Bien qu'il soit urgent que nous obtenions un meilleur accès à des soins palliatifs de qualité, l'offre de meilleurs soins palliatifs ne répond pas en soi aux attentes des Canadiens en matière d'options en fin de vie, qui comprennent l'aide médicale à mourir. Selon de nombreux sondages, une grande majorité de Canadiens croient que l'aide médicale à mourir devrait être une option. À titre de fournisseurs de soins de santé, […] de décideurs et de conseillers, nous avons la responsabilité d'écouter le public.
B. Garantir un accès à une assurance-maladie complémentaire, comprenant une assurance-médicaments, pour les soins à domicile et les mesures de soutien en cas d'incapacité
Les soins palliatifs étaient manifestement un thème important pendant les consultations, mais d'autres programmes et services de santé et sociaux ont fait l'objet de discussions. Richard Elliot, directeur général du Réseau juridique canadien VIH/sida, a fait ressortir la nécessité d'un programme d'assurance-médicaments national, précisant que l'absence d'un tel programme constitue une lacune terrible de notre système public d'assurance-maladie. De nombreuses personnes ont également décrit les lacunes des soins à domicile. Le manque de soins à domicile empêche certaines personnes de vivre leur vie de façon indépendante et limite leurs choix en matière de lieu de domicile, de travail et de loisir. L'amélioration des soins à domicile contribuerait à réduire certaines sources de vulnérabilité et de souffrance et pourrait potentiellement amener certaines personnes à moins vouloir obtenir l'aide médicale à mourir.
Le Comité a également appris que certaines solutions, comme le soutien en cas d'incapacité et d'autres programmes et services sociaux, pourraient être offertes par des intervenants à l'extérieur du système de soins de santé. Comme l'a précisé David Baker, avocat spécialisé dans la défense des droits des personnes handicapées : « Les personnes handicapées et en phase terminale doivent pouvoir vivre de manière indépendante et obtenir tous les services de soutien nécessaires. Les choix concernant la mort ne doivent pas découler du fait que la vie est devenue insoutenable en raison d'un manque de choix et de contrôle ». L'aide à la vie quotidienne contribuerait à alléger les souffrances. Richard Elliot a présenté un résumé de la question :
Nous devons faire en sorte que les personnes aient un revenu de base et un domicile adéquats. […] Nous devons mettre en place une stratégie de logement nationale, nous devons offrir un revenu annuel garanti, nous devons avoir des soins de santé universels adéquats qui comprennent un accès à une assurance-médicaments et à des soins palliatifs. […] Tous les choix que nous faisons dans la vie dépendent de notre situation. Cela ne signifie pas que nous n'avons aucune autonomie, mais nous ne sommes pas tous entièrement autonomes, indépendants des circonstances dans lesquelles nous vivons. Si possible, nous devons faire tout en notre pouvoir […], à des fins de justice sociale et de respect des droits de la personne, pour veiller à ce que les personnes puissent prendre ce genre de décision de la façon la plus autonome possible, sans y être contraintes parce qu'elles sont pauvres, sans y être contraintes parce qu'elles sont sans abri, sans y être contraintes parce qu'elles n'ont pas accès aux médicaments nécessaires pour soulager leur souffrance ou la prévenir […], nous devons traiter les problèmes de santé qui peuvent être traités pour faire en sorte que la décision concernant la fin de vie ne soit pas, par exemple, motivée par le manque d'accès à des soins palliatifs adéquats. […] Je crois donc qu'il serait très important que le Comité fasse part au gouvernement de son point de vue, non seulement sur les paramètres précis qui déterminent quand on peut obtenir l'aide médicale à mourir, mais également sur des choses que le gouvernement devrait faire, notamment financer adéquatement le système de santé, y compris les soins palliatifs, y compris l'assurance-médicaments universelle. En fait, il faudrait qu'il offre les conditions sociales minimales qui permettent de vivre dans la dignité. C'est en dernière analyse le problème de structure sous-jacent qui doit être réglé dans ce cas. Or, les paramètres précis de l'aide médicale à mourir s'inscrivent vraiment dans un contexte plus vaste. Améliorons donc ce contexte. Les deux doivent véritablement aller de pair.
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