Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux - Juillet 2008
6. LES REVENUS
Le calcul précis du revenu des époux est essentiel pour appliquer correctement les Lignes directrices facultatives. Celles-ci ne permettent toutefois pas de résoudre les problèmes ardus de détermination du revenu, qui surgissent en cas de revenu de travail indépendant et d'autres formes de revenu hors travail. Dans la plupart des cas, les questions relatives aux revenus sont assez simples et les différends sont de portée limitée. Toutefois, les Lignes directrices facultatives produisant des fourchettes et non des montants précis, une précision absolue n'est peut-être pas aussi nécessaire dans la détermination d'un revenu qu'elle l'est en vertu les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.
6.1 Le point de départ de la détermination du revenu
Dans les Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux, le point de départ de la détermination du revenu est la définition de « revenu » donnée dans les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.
Dans les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, on trouve une définition détaillée de « revenu » aux fins du calcul de la pension alimentaire qui précise bon nombre des règles sur la détermination du revenu qui existaient avant l'adoption des Lignes directrices. Les articles 15 à 20 des Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants, ainsi que l'annexe III, établissent le cadre pour la détermination du revenu. Avant la publication des Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux, la plupart des tribunaux utilisaient la même définition de revenu pour calculer tant le montant de la pension alimentaire pour enfant que celui de la pension alimentaire pour époux, et cette pratique s'est poursuivie jusqu'en janvier 2005.
Les Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants utilisent une mesure du revenu « brut », avant impôt et autres déductions. Ce même revenu brut est utilisé pour les calculs dans le cadre de toutes les formules des Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux.
Certaines des subtilités de l'annexe III sont parfois oubliées dans les affaires de pension pour époux. Les dispositions relatives à l'attribution de revenu que l'on trouve à l'article 19 sont encore plus importantes que pour les pensions alimentaires pour enfants. Dans toutes les affaires de pension alimentaire pour époux, il y a deux revenus en cause. Il peut être nécessaire d'attribuer un revenu à l'époux payeur, mais il se peut qu'il faille aussi en attribuer un à l'époux bénéficiaire pour des raisons ayant trait à l'indépendance économique. Dans ces cas, un revenu sera attribué aux termes de l'alinéa 19(1) a) à l'époux qui a choisi de ne pas travailler ou d'être sous-employé. Les questions d'attribution de revenu sont examinées plus en détail au chapitre 13 qui porte sur l'indépendance économique.
Nous abordons maintenant certaines questions relatives au revenu et propres aux affaires portant sur les pensions alimentaires pour époux.
6.2 L'aide sociale n'est pas un « revenu »
Selon l'article 4 de l'annexe III des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, l'aide sociale est traitée comme un revenu, déduction faite de « tout montant […] qui n'est pas attribuable à l'époux »
. Cet ajustement est nécessaire car le montant d'aide sociale est inscrit à la ligne 150 de la déclaration de revenu. Par le passé, les montants d'aide sociale reçus par l'époux bénéficiaire n'étaient pas considérés comme un revenu aux fins de la pension alimentaire pour époux de sorte qu'une personne qui dépend entièrement de l'aide sociale serait traitée comme une personne ayant un revenu nul[58]. Pour ce qui est de l'époux payeur, une personne qui reçoit de l'aide sociale est par définition incapable de subvenir à ses propres besoins et n'est donc pas en mesure de verser une pension alimentaire[59].
Aux fins des Lignes directrices facultatives, l'article 4 de l'annexe III ne s'applique pas. Aucun montant d'aide sociale ne devrait être traité comme un revenu, ni pour le bénéficiaire, ni pour le payeur.
6.3 La prestation fiscale pour enfants et les autres prestations pour enfants
Selon la formule avec pension alimentaire pour enfant, les revenus de chacun des époux comprennent les différentes prestations gouvernementales et crédits remboursables attribuables aux enfants : la prestation fiscale canadienne pour enfants, le supplément de la prestation nationale pour enfants, le crédit pour la TPS (y compris la partie attribuable aux enfants), le crédit d'impôt remboursable pour frais médicaux, la prestation pour enfants handicapés et les différentes prestations et crédits provenant des programmes provinciaux.
Selon les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, ces prestations et crédits ne sont pas traités comme un revenu aux fins du calcul des montants d'après les tables : voir la note 6 de l'annexe I. Il y a une certaine controverse au sujet de leur inclusion aux fins de l'article 7 ou lorsqu'il s'agit de déterminer s'il existe des difficultés excessives en vertu de l'article 10, plusieurs juges ayant maintenant décidé de les inclure[60].
Ces montants sont très importants pour les parents gagnant le revenu le moins élevé et ayant la garde des enfants, qui sont généralement les bénéficiaires. Quant aux époux payeurs, seuls ceux dont le revenu est faible profitent de ces mesures de soutien, surtout le crédit pour la TPS, et la plupart d'entre eux ne verseront pas de pension alimentaire pour époux. Dans quelques cas, le parent ayant la garde, et étant bénéficiaire de telles prestations et crédits, sera également le payeur de pension alimentaire pour époux.
Nous avons envisagé de déduire la portion pour enfant de ces prestations, puisqu'elles sont en majorité liées aux enfants à charge dont l'époux bénéficiaire a la garde, comme la prestation fiscale pour enfant, la partie du crédit pour la TPS attribuable aux enfants, ainsi que différents programmes provinciaux. La logique d'une telle façon de faire s'apparente à celle qui sous-tend l'obligation alimentaire au profit d'enfants, soit permettre de dégager la partie du revenu net réellement disponible pour chacun des époux.
Nous avons finalement décidé d'inclure ces montants dans le revenu, dans la formule avec pension alimentaire pour enfant pour trois raisons.
Premièrement, ces prestations et crédits diminuent, parfois de beaucoup, à mesure qu'augmente le montant de la pension alimentaire pour époux versée à l'époux bénéficiaire, tout particulièrement dans les tranches de revenu inférieures et moyennes. Le fait d'inclure ces prestations et crédits dans le revenu du bénéficiaire fait ressortir beaucoup plus clairement les incidences de la pension alimentaire pour époux sur le revenu net disponible réel du bénéficiaire. Deuxièmement, il faudrait établir des distinctions subtiles entre la portion de ces prestations et crédits concernant les enfants et celle ne les concernant pas. Il serait compliqué de tout débrouiller de façon précise et il y aurait peu d'avantage concret à le faire. Troisièmement, du point de vue des époux bénéficiaires qui gagnent le revenu le moins élevé, ces montants sont considérables, pouvant atteindre de 7 000 $ à 8 000 $ par an pour deux enfants. Si on ne les incluait pas, cela produirait des pensions alimentaires pour époux nettement plus élevées, ce qui causerait des difficultés non négligeables pour les époux payeurs, tout particulièrement pour ceux qui gagnent un revenu modeste, à moins d'ajuster les pourcentages de la formule en conséquence.
6.4 La p restation universelle pour la garde d'enfants (PUGE)
La p restation universelle pour la garde d'enfants (PUGE) est entrée en vigueur en juillet 2006, après la publication des Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux. Dans le cadre de cette prestation, les parents reçoivent un montant imposable de 100 $ par mois pour chaque enfant de moins de six ans. Pour le parent gardien, la PUGE constitue une autre source de revenu imposable à inclure à la ligne 150 de la déclaration de revenu.
En raison de la PUGE, il a été nécessaire d'apporter des modifications aux Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, qui sont entrées en vigueur le 22 mars 2007 (DORS/2007-59). La PUGE n'est pas incluse dans le revenu pour l'application des tables en vertu de l'article 3 de l'annexe III. Selon le nouvel article 3.1, la PUGE est incluse dans le revenu des parents aux fins du partage des dé penses prévu à l'article 7 , mais seulement dans le cas des enfants pour qui les dépenses prévues à l'article 7 sont demandées. La PUGE pour les autres enfants ne doit pas être incluse dans le revenu d'un parent. La PUGE est aussi considérée comme un revenu dans le calcul du montant prévu à l'article 10 au titre des difficultés excessives.
Conformément au traitement que nous avons réservé à la prestation fiscale pour enfants dans la formule avec pension alimentaire pour enfant, la PUGE attribuable à un enfant né du mariage sera incluse dans le revenu du parent gardien aux fins du calcul du montant de la pension alimentaire pour époux.
6.5 La prestations pour les enfants qui ne sont pas des enfants nés du mariage
Les époux peuvent recevoir des prestations pour des enfants qui ne sont pas des enfants nés du mariage, c'est-à-dire des enfants issus d'une relation antérieure ou subséquente. Selon les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, ces prestations et crédits ne sont généralement pas traités comme un revenu, ce qui élimine le problème. Avec les modifications apportées en 2007 en raison de la PUGE, l'alinéa 3.1 b) exclut spécifiquement la PUGE attribuable à un enfant qui n'est pas visé par la demande de dépenses prévues à l'article 7.
Selon la formule avec pension alimentaire pour enfant des Lignes directrices facultatives, ces prestations sont incluses dans le cas des enfants nés du mariage, pour les raisons données plus haut.
Les prestations reçues par un époux attribuables à des enfants qui ne sont pas des enfants nés du mariage ne doivent pas être incluses au revenu aux fins de la pension alimentaire pour époux selon l'une ou l'autre des formules.
Cela est conforme à notre approche générale à l'égard des obligations alimentaires envers d'autres enfants, explicitée au chapitre 12 portant sur les exceptions. Comme l'exclusion de ces prestations est conforme à la définition de revenu que l'on trouve dans les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, il n'est pas nécessaire d'apporter d'autres ajustements au revenu dans les Lignes directrices facultatives en matière de pensions alimentaires pour époux.
6.6 Les revenus non imposables
Il existe un certain nombre de sources de revenus non imposables comme les prestations d'invalidité, les indemnités d'accident du travail et les revenus des Autochtones vivant dans une réserve. Aux fins de la pension alimentaire pour enfant, ces revenus doivent être « majorés » pour correspondre au revenu d'emploi imposable équivalent, conformément à l'alinéa 19(1) b). Aux fins de la pension alimentaire pour époux, la même majoration est requise selon la formule sans pension alimentaire pour enfant, alors que le montant non majoré ou non imposable peut être utilisé dans la formule de base avec pension alimentaire pour enfant.
Dans le cas de la pension alimentaire pour époux, les choses se compliquent puisque celle-ci est déductible du revenu du payeur et imposable pour le bénéficiaire. Les formules des Lignes directrices facultatives produisent des montants « bruts » de pension alimentaire pour époux, car il est présumé que le payeur pourra déduire le montant de la pension versée et que le bénéficiaire paiera de l'impôt sur le montant reçu. Mais que se passe-t-il si l'époux payeur n'a qu'un revenu non imposable, de sorte qu'il ne peut bénéficier de la déduction fiscale?
Si le payeur reçoit à la fois des revenus imposables et des revenus non imposables, il pourra bénéficier de la pleine déduction si le montant de la pension alimentaire pour époux versé est inférieur à la partie imposable de ses revenus. Le problème se pose seulement lorsque le revenu du payeur provient exclusivement d'une source non imposable. Évidemment, nous faisons référence ici à des revenus qui sont légitimement non imposables, et non à des revenus illégaux gagnés « sous la table » et donc non imposés.
Selon nous, lorsque les revenus de l'époux payeur proviennent entièrement ou essentiellement d'une source légitimement non imposable, il faut créer une exception, selon les deux formules, afin de prendre en compte la capacité réduite de payer de l'époux payeur, qui ne peut déduire la pension versée, ainsi que les besoins ou la perte de l'époux bénéficiaire, qui doit quand même payer de l'impôt sur la pension alimentaire pour époux mais ne reçoit qu'un montant après impôt. Cette exception est discutée plus en détail au chapitre 12.
6.7 Le moment choisi pour calculer les revenus
Le moment approprié pour calculer les revenus conformément aux Lignes directrices facultatives est à la fois une question théorique et une question pratique. Les revenus des époux seront inévitablement différents entre la date de la séparation et la date à laquelle les questions provisoires seront réglées, et à nouveau à la date du procès ou du jugement. Au chapitre 14, nous abordons les difficultés qui peuvent se présenter lorsque le revenu du payeur a augmenté ou lorsque celui du bénéficiaire a baissé au moment de la révision ou de la modification de l'ordonnance alimentaire. Nous examinons ici la question du calcul des revenus à l'étape initiale et à l'étape des mesures provisoires.
Selon la formule sans pension alimentaire pour enfant, l'accent est théoriquement placé sur le niveau de vie pendant le mariage, établi selon les revenus des époux à la date de la séparation ou près de cette date. Ce niveau de vie ne devrait pas être modifié en raison d'une augmentation importante du revenu du payeur après la séparation. La formule avec pension alimentaire pour enfant n'est pas rattachée aussi étroitement au niveau de vie et aux revenus au moment de la séparation, car la capacité de payer prend plus d'importance quand il y a une pension alimentaire à payer à la fois pour les enfants et pour l'ex-époux. Selon les deux formules, une hausse du revenu du bénéficiaire après la séparation est pertinente en raison de l'obligation qui lui est faite de chercher à acquérir son indépendance économique.
La question du moment choisi est souvent mineure car les délais sont relativement courts entre la séparation et les mesures provisoires, et pas beaucoup plus longs avant le jugement de divorce. Surtout, le revenu du payeur n'augmente généralement pas de manière importante durant cette période. De plus, lorsqu'il faut déterminer le revenu à la fois pour la pension alimentaire pour enfant et la pension alimentaire pour époux, il y a des raisons pratiques pour utiliser le même montant dans l'intérêt de la simplicité et de la cohérence. Les formules produisent des fourchettes, et des ajustements peuvent être faits en choisissant un montant à l'intérieur des fourchettes. Enfin, nous ne voulons pas créer de difficultés trop techniques qui pourraient susciter des contentieux au sujet des revenus.
Les Lignes directrices facultatives partent du principe que le moment approprié pour déterminer les revenus des époux est la date du procès ou la date de l'entente, à l'étape initiale et à l'étape des mesures provisoires.
Il y a deux situations où des ajustements peuvent être nécessaires :
- Lorsqu'il y a un long délai entre la séparation et le jugement ou le règlement initial, il est plus probable que le revenu du payeur ait augmenté substantiellement après la séparation ou que celui du bénéficiaire ait diminué.
- Dans des cas plus rares, même si la séparation est récente, il se peut que le revenu du payeur ait augmenté substantiellement entre le moment de la séparation et la date du calcul initial de la pension alimentaire pour époux.
Dans ces situations, il peut s'avérer nécessaire d'examiner de plus près les différences de revenus après la séparation, en appliquant les principes exposés au chapitre 14.
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