Alinéa 10b) – Assistance d’un avocat ou d’une avocate
Disposition
10. Chacun a le droit, en cas d’arrestation ou de détention :
- d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit.
Dispositions similaires
Des dispositions connexes se trouvent dans les lois canadiennes et les instruments internationaux suivants, lesquels lient le Canada; l’alinéa 2c) de la Déclaration canadienne des droits; les alinéas 14(3)b) et d) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 37d) de la Convention relative aux droits de l’enfant.
Il convient aussi de consulter les instruments internationaux, régionaux et de droit comparé énumérés ci-après qui ne lient pas juridiquement le Canada et qui comprennent des dispositions similaires : le Sixième amendement à la Constitution des États-Unis; et l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe.
Objet
L’alinéa 10b) vise à fournir à la personne qui a été arrêtée ou détenue l’occasion d’obtenir des conseils juridiques propres à sa situation juridique (R. c. Sinclair, [2010] 2 RCS 310). Plus précisément, le droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate a pour objet de « permettre à la personne détenue non seulement d’être informée de ses droits et de ses obligations en vertu de la loi, mais également, voire qui plus est, d’obtenir des conseils sur la façon d’exercer ces droits » (R. c. Manninen, [1987] 1 RCS 1233, aux pages 1242‑1243, réaffirmé dans Sinclair, précité au paragraphe 26). Il s’agit de faire en sorte que la décision de la personne détenue de coopérer ou non à l’enquête soit à la fois libre et éclairée. L’alinéa 10b) ne garantit pas que la personne détenue prendra une sage décision, ni ne la met à l’abri de facteurs subjectifs susceptibles d’influer sur sa décision. Il vise plutôt à fournir à la personne détenue la possibilité d’avoir accès à des conseils juridiques dans l’exercice de ce choix (Sinclair, précité, au paragraphe 26).
L’exercice véritable du droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate garanti à l’alinéa 10b) est assuré par le droit à l’alinéa 10a) d’être informé rapidement des raisons de son arrestation ou de sa détention (voir R. c. Evans, [1991] 1 RCS 869, au paragraphe 31).
Analyse
1. Qu’est-ce qu’une « arrestation » ou une « détention »?
Voir l’analyse relative à l’article 10 – Généralités.
2. Que signifie l'expression « sans délai »?
La personne détenue a le droit d’être informée de son droit d’avoir recours « sans délai » à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate; selon l’interprétation des tribunaux, cela veut dire « immédiatement ». Les tribunaux ont reconnu que, dès le début de la détention, la personne détenue se trouve dans un état de vulnérabilité face à l’État et que, par conséquent, les problèmes de l’auto-incrimination et de l’entrave à la liberté auxquels l’alinéa 10b) tente de répondre se posent dès que la détention commence. Si l’on veut protéger une personne contre le risque d’auto-incrimination auquel elle est exposée du fait que l’État la prive de sa liberté et l’aider à recouvrer sa liberté, il est tout à fait logique que l’expression « sans délai » soit interprétée comme signifiant « immédiatement » (R. c. Suberu, [2009] 2 RCS 460, au paragraphe 41).
Les policiers ont l’obligation d’informer la personne détenue de son droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate et de faciliter l’exercice de ce droit dès le début de la détention, sous réserve d’une menace pour la sécurité de la police ou du public, et des restrictions qui seraient prescrites par une règle de droit et justifiées au sens de l’article premier de la Charte (Suberu, précité, au paragraphe 42). Par exemple, les policiers ne sont généralement pas tenus de suspendre une fouille accessoire à l’arrestation jusqu’à ce que la personne détenue ait eu la possibilité d’avoir recours à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate (R. c. Debot, [1989] 2 RCS 1140).
Il existe des limites judicieuses aux délais justifiés par des circonstances exceptionnelles. Une fois que les policiers ont bien en main une situation potentiellement explosive, par exemple, ils ont arrêté la personne accusée, trouvé les armes et se sont assurés que toutes les autres personnes ont quitté les lieux, rien ne doit les empêcher de permettre au suspect ou à la suspecte de téléphoner à un avocat ou une avocate (R. c. Strachan, [1988] 2 RCS 980). La Cour suprême n’a pas jugé que le délai qui s’est écoulé avant que les policiers se conforment aux obligations d’information prescrites par l’article 10 de la Charte, afin de protéger l’intégrité d’une enquête distincte en cours, était une circonstance exceptionnelle susceptible de justifier la suspension des droits protégés par l’alinéa 10b) (R. c. Mian, [2014] 2 RCS 689, au paragraphe 74). Le fait pour les policiers de systématiquement retarder l’exercice par la personne arrêtée de son droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate jusqu’à ce qu’un mandat de perquisition soit exécuté contrevient à l’alinéa 10b) : bien qu’il puisse parfois être justifiable pour les policiers de retarder l’exercice de ce droit pour cette raison, tout retard de cette nature doit être fondé sur des circonstances urgentes précises, comme le risque de destruction d’un élément de preuve ou la sécurité de la police ou du public (R. v. Rover, 2018 ONCA 745).
Lorsqu’une personne détenue reçoit un traitement médical à l’hôpital, les policiers doivent quand même permettre l’accès à un avocat ou une avocate dès que cela est possible en pratique. Même s’il peut se présenter des circonstances dans lesquelles il n’est pas raisonnablement possible d’aider une personne détenue qui reçoit un traitement médical à avoir accès en privé à un avocat ou une avocate, le droit à une assistance juridique ne peut être écarté sur la base d’une simple supposition d’impossibilité pratique. Les policiers ont l’obligation de prendre des mesures proactives pour faciliter l’accès à assistance juridique (R. c. Taylor, [2014] 2 RCS 495, aux paragraphes 31‑35).
Bien que l’expression « sans délai » mette l’accent sur l’aspect temporel du droit, lorsque la mise en garde est faite avant la détention, la principale préoccupation aura trait à « l’existence d’un rapport factuel étroit entre la mise en garde et la détention » (R. c. Schmautz, [1990] 1 RCS 398, au paragraphe 27). Étant donné que, dans ce cas, l’enquête initiale et l’ordre de fournir un échantillon d’haleine subséquent étaient directement liés et faisaient partie d’un seul incident, la mise en garde faite au début de l’enquête était suffisamment liée, dans les faits, à la détention qui s’est produite après l’ordre de fournir des échantillons d’haleine.
Les agents de police peuvent poser des questions préliminaires, comme demander à une personne d’indiquer quelle est sa chambre dans une résidence commune avant d’exécuter un mandat de perquisition sans porter atteinte à son droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate (R. v. Boca, 2012 ONCA 367, au paragraphe 13).
Points particuliers à examiner dans le contexte de la conduite avec facultés affaiblies
La signification de l’expression « sans délai » a donné lieu à des litiges dans le contexte des mesures de détection routière. Les droits garantis aux conducteurs à l’alinéa 10b) de la Charte sont limités par la police lorsqu’elle intercepte les conducteurs au bord de la route et qu’avant même de les informer de leur droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate, elle prend des mesures en vue d’évaluer leur sobriété (savoir, interroger le conducteur ou la conductrice relativement à sa consommation préalable d’alcool et lui ordonner de se soumettre aux tests de sobriété, notamment lui faire fournir un échantillon d’haleine pour un appareil de détection routier) afin de vérifier s’il existe des motifs pour leur demander de se soumettre à un alcootest, sur le fondement de l’ancien article 254 du Code criminel, (R. c. Thomsen, [1988] 1 RCS 640; R. c. Orbanski; R. c. Elias, [2005] 2 RCS 3, aux paragraphes 49‑53 ; des pouvoirs policiers analogues sont maintenant prévus aux articles 320.27 et 320.28 du Code criminel). Toutefois, cette limite est justifiée au regard de l’article premier de la Charte, et ce, en raison de la nécessité de réduire le carnage attribuable à l’alcool au volant (Thomsen; Orbanski; Elias, précité, aux paragraphes 54‑60; R. c. Woods, [2005] 2 RCS 205, aux paragraphes 30‑35 ; R. c. Breault, 2023 CSC 9, au paragraphe 6).
L’ancien paragraphe 254(2) du Code criminel prévoyait que les agents de la paix pouvaient ordonner à une personne de fournir un échantillon d’haleine pour un appareil de détection « immédiatement » lorsqu’ils soupçonnaient cette personne d’avoir conduit sous l’effet de l’alcool (voir les pouvoirs analogues à l’actuel paragraphe 320.27(1) du Code criminel). Dans l’arrêt R. c. Bernshaw, [1995] 1 RCS 254, les juges de la majorité ont statué que cette exigence était suffisamment souple pour permettre aux agents d’attendre avant de prélever l’échantillon lorsqu’ils savaient que l’on ne pourrait se fier aux résultats étant donné que de l’alcool avait été consommé dans les 15 minutes précédentes. Ces juges ont décidé qu’un délai de l’ordre de 15 minutes en vue d’obtenir un échantillon d’haleine approprié n’était pas une limite déraisonnable au droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate que garantit l’alinéa 10b).
Il y a des cas où les délais ne sont pas acceptables. Les délais sont justifiés par la présence de circonstances inhabituelles, comme la nécessité de garantir la fiabilité du résultat, ou d’une situation où il y a urgence d’assurer la sécurité du public (Breault, précité, aux paragraphes 53‑60). Un délai de 30 minutes pour permettre à la police d’apporter un appareil de détection à l’endroit d’un contrôle routier n’est pas conforme à l’exigence « d’immédiateté » du Code criminel, et, en l’absence d’une possibilité pour le conducteur détenu de consulter un avocat ou une avocate, entraîne une restriction injustifiée des droits prévus à l’alinéa 10b) : R. c. Grant, [1991] 3 RCS 139.
Pour assurer le respect de l’alinéa 10b), il n’est pas absolument nécessaire que les agents informent la personne détenue que, si elle choisit de communiquer avec un avocat ou une avocate, elle pourra le faire au moment où elle est emmenée au poste de police et non lorsqu’elle se trouve en bordure de la route (R. v. Devries, 2009 ONCA 477).
3. Quelles sont les obligations des agents effectuant l’arrestation ou la détention d’individus d’après l’alinéa 10b)?
Une fois qu’il y a arrestation ou détention, l’alinéa 10b) impose aux agents de détention un certain nombre d’obligations positives : a) informer la personne détenue de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate et de l’existence de l’aide juridique et d’avocats ou d’avocates de garde; b) si la personne détenue a indiqué qu’elle voulait exercer ce droit, lui donner la possibilité raisonnable de le faire (sauf en cas d’urgence ou de danger); et c) s’abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu’à ce qu’elle ait eu cette possibilité raisonnable (encore une fois, sauf en cas d’urgence ou de danger) : R. c. Bartle, [1994] 3 RCS 173, à la page 192, énoncé dans l’arrêt R. c. Willier, [2010] 2 RCS 429. La première obligation touche à l’information, tandis que les deuxième et troisième dérivent de l’obligation de mise en application et ne prennent naissance que si les personnes détenues indiquent qu’elles désirent exercer leur droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate (Willier, précité, au paragraphe 30).
Les obligations de la police qui découlent de l’alinéa 10b) ne sont pas absolues. À moins que la personne détenue n’invoque son droit et ne l’exerce d’une façon raisonnablement diligente, l’obligation correspondante pour la police de lui donner une possibilité raisonnable de l’exercer, ainsi que de s’abstenir de tenter de lui soutirer des éléments de preuve, ne prendra pas naissance ou sera suspendue (R. c. Tremblay, [1987] 2 RCS 435, à la page 439; R. c. Black, [1989] 2 RCS 138, aux pages 154‑155; Sinclair, précité au paragraphe 27).
i) Obligation d’information
a) La personne a-t-elle eu suffisamment de renseignements et les a-t-elle compris?
L’alinéa 10b) doit être pris en considération à la lumière de l’alinéa 10a). Personne n’est tenu de se soumettre à une arrestation dont il ne connaît pas le motif. Une personne doit connaître le motif d’une arrestation pour être en mesure d’exercer son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate (Evans, précité; R. c. Smith, [1991] 1 RCS 714; Black, précité).
Lorsqu’une personne détenue fait l’objet d’une enquête pour une série d’infractions, elle doit être informée de son droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate relativement à l’ensemble des infractions faisant l’objet d’une enquête au moment de la détention. Les policiers ne peuvent pas arrêter le suspect ou la suspecte et l’aviser de son droit à un avocat ou une avocate seulement en rapport avec une infraction puis profiter de l’occasion pour faire enquête sur une autre infraction dans laquelle la personne peut être impliquée (R. c. Borden, [1994] 3 RCS 145).
Il est essentiel à l’obligation qu’impose l’alinéa 10b) qu’une personne détenue soit informée de son droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate à un moment où elle est capable de comprendre le choix qui lui est offert ainsi que les conséquences de la renonciation à ce droit. Quand une personne accusée est tellement ivre qu’elle n’est pas en mesure de comprendre les renseignements qui lui sont fournis, il est possible que l’on porte atteinte à l’alinéa 10b) (R. c. Mohl, [1989] 1 RCS 1389).
Lorsqu’il y a des signes concrets que la personne détenue ne comprend pas son droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate, les policiers ne peuvent se contenter de la récitation rituelle de la mise en garde relative à ce droit à la personne accusée; ils doivent prendre des mesures pour faciliter cette compréhension (Evans, précité).
Lorsqu’ils ont affaire à une personne détenue qui est jeune et qui n’a pas la capacité mentale requise pour comprendre la mise en garde selon l’alinéa 10b) en usage, les policiers ont l’obligation de prendre la précaution de vérifier que la personne détenue comprend les mises en garde qui lui sont faites. Dans ces situations, il est important que le policier ne se contente pas de réciter les droits de la personne détenue, mais explique également ce que ces droits signifient en termes qui peuvent être compris. Par conséquent, l’obligation du policier est de communiquer le droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate à la personne détenue en particulier (Evans, précité).
Une personne accusée souffrant censément d’un handicap mental, qui possède un « état d’esprit conscient », c’est-à-dire qu’elle est dotée d’une capacité cognitive suffisante pour comprendre ce qui est dit et à qui on s’adresse en sachant bien que ses paroles peuvent être utilisées devant un tribunal, peut faire des déclarations volontaires, exercer ses droits de garder le silence et de recourir à l’assistance d’un avocat avocat ou d’une avocate ou renoncer à ces droits. Le fait qu’une personne accusée puisse sembler ne pas suivre les recommandations de son avocat ou avocate qui lui a enjoint de garder le silence et procède à des déclarations volontaires parce qu’ elle estime suivre ainsi des « voix intérieures » ne peut supplanter une conclusion à l’existence d’un « état d’esprit conscient » (R. c. Whittle, [1994] 2 RCS 914).
Si la personne détenue ne parle couramment ni l’anglais ni le français, les policiers doivent s’assurer que les éléments requis de la mise en garde selon l’alinéa 10b) ont été compris, c.-à-d., que la langue ne constitue pas un obstacle à cette compréhension : R. v. Vanstaceghem (1987), 36 C.C.C. (3d) 142 (C.A. Ont.).
Si rien n’indique que la personne détenue n’a pas compris qu’elle avait le droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate lorsqu’elle en a été informée, il incombe à la personne détenue de démontrer que ce droit lui a été refusé. La poursuite n’a pas à chercher à comprendre le degré de compréhension du suspect ou de la suspecte ou à présenter une preuve positive en l’absence de circonstances spéciales ou encore de remarques ou de comportements desquels on pourrait raisonnablement conclure que la personne détenue n’a pas compris ses droits (R. c. Baig, (1985), 20 C.C.C. (3d) 515, aux pages 523-524, confirmé par [1987] 2 RCS 537).
b) Le sujet de l’enquête a-t-il été modifié radicalement?
Il existe une obligation de répéter la mise en garde concernant le droit de recourir à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate lorsque le degré de risque évolue juridiquement ou que le sujet de l’enquête est radicalement et clairement modifié (Black, précité; Smith, précité; Schmautz, précité; Evans, précité; R. c. Burlingham, [1995] 2 RCS 206; R. c. Paternak, [1996] 3 RCS 607). En outre, si les policiers décident que leur enquête porte sur une infraction différente et plus grave, ils doivent informer la personne détenue encore une fois de son droit à une assistance juridique et lui préciser qu’elle est désormais soupçonnée d’un crime différent et plus grave, car la décision de la personne de consulter un avocat ou une avocate peut bien être déterminée par la gravité des accusations (Evans, précité).
c) La personne a-t-elle été informée de la possibilité de recourir des avocats ou des avocates de l’aide juridique ou de garde?
Parfois, une personne détenue n’exercera pas son droit à un avocat ou une avocate parce qu’elle ne peut en supporter les coûts. Les tribunaux ont donc clairement indiqué qu’une personne arrêtée ou détenue doit être informée de l’existence de l’aide juridique et des avocats ou des avocates de garde et de la possibilité d’y recourir (R. c. Brydges, [1990] 1 RCS 190).
Plus particulièrement, les policiers ont l’obligation d’informer la personne détenue de la possibilité de recourir à des avocats ou des avocates de garde et à l’aide juridique (Willier, précité, au paragraphe 44; Brydges, précité) et de donner des renseignements sur « tout système permettant d’obtenir des conseils juridiques préliminaires, sans frais, dans la province ou le territoire, et la manière d’y avoir accès » (Bartle, précité, au paragraphe 33). Toutefois, la Loi constitutionnelle n’exige pas des provinces qu’elles établissent et maintiennent un système d’accès à des avocats ou des avocates de garde 24 heures par jour (R. c. Prosper, [1994] 3 RCS 236; Bartle, précité).
Des renseignements de base doivent être fournis à la personne arrêtée ou détenue sur la façon d’avoir accès à des conseils juridiques préliminaires gratuits (Bartle, précité). Il faut tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire, en particulier de la possibilité de recourir à des services au moment de l’arrestation ou de la détention (Bartle, précité; Prosper, précité; R. c. Matheson, [1994] 3 RCS 328; R. c. Latimer, [1997] 1 RCS 217, aux paragraphes 36‑37 et 39). Plus de renseignements pourront être nécessaires sur les moyens d’obtenir ces services dans les circonstances où, par exemple, la personne accusée aurait une déficience visuelle ou ne parlerait pas la même langue (Latimer, précité; Vanstaceghem, précité).
d) La personne détenue a-t-elle d’abord indiqué qu’elle souhaitait communiquer avec un avocat ou une avocate, pour ensuite changer d’idée?
Lorsqu’une personne détenue qui a fait preuve de diligence, mais n’a pas réussi à joindre un avocat ou une avocate, change d’avis et décide de ne plus tenter de communiquer avec un avocat ou une avocate, l’alinéa 10b) oblige la police à l’informer expressément de son droit d’avoir une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat ou une avocate et de l’obligation de la police de suspendre ses questions jusque-là. Cette obligation d’information supplémentaire, appelée obligation de faire une « mise en garde de type Prosper » est justifiée dans de telles circonstances, car elle offre les garanties suivantes : la personne détenue est informée que ses tentatives infructueuses de joindre un avocat ou une avocate n’ont pas épuisé son droit garanti par l’alinéa 10b), le choix de parler à la police ne découle pas d’une telle méprise et la décision de renoncer au droit à l’assistance d’un avocat ou une avocate a été prise en toute connaissance de cause (Willier, précité, au paragraphe 32, renvoyant à Prosper, précité, à la page 274).
Toutefois, la police n’est pas obligée de faire une telle mise en garde lorsqu’une personne détenue ne réussit simplement pas à joindre un avocat ou une avocate en particulier et choisit par conséquent de parler à un autre avocat ou une autre avocate (Willier, précité, au paragraphe 39).
ii) Obligation de donner une possibilité raisonnable d’exercer le droit
Les policiers doivent donner à la personne détenue la possibilité raisonnable d’exercer son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate sans délai. La personne se trouve sous le contrôle des policiers et ne peut donc pas se prévaloir de son droit à un avocat ou une avocate à moins que les policiers ne lui en donnent une possibilité raisonnable. La « possibilité raisonnable » se définit selon les circonstances (Prosper, précité; Bartle, précité).
L’obligation de faciliter l’accès à des services juridiques suppose celle d’offrir un téléphone à la personne détenue (Manninen, précité; R. c. Ross, [1989] 1 RCS 3; Black, précité; Brydges, précité;Evans, précité; Bartle, précité), donc de s’assurer qu’il y a un téléphone sur les lieux (R. c. Feeney, [1997] 2 RCS 13). Cependant, les policiers ne sont pas tenus d’offrir leur propre téléphone cellulaire à une personne afin qu’elle communique avec un avocat ou une avocate. L’obligation d’offrir un téléphone est respectée lorsque la personne a accès à un téléphone (Taylor, précité). La personne accusée doit aussi être en mesure de parler en privé avec son avocat ou avocate (voir, par exemple, R. v. Cairns (2004), 182 O.A.C. 181; R. v. O’Donnell, 2004 NBCA 26).
Le droit constitutionnel d’avoir un avocat présent ou une avocate présente pendant toute la durée d’un entretien de police n’existe pas (Sinclair, précité, aux paragraphes 34‑38; R. c. Dussault, 2022 CSC 16, au paragraphe 33). Dans la plupart des cas, une première mise en garde, assortie d’une possibilité raisonnable de consulter un avocat ou une avocate lorsque la personne détenue invoque son droit, satisfait aux exigences de l’alinéa 10b) (Sinclair, précité, au paragraphe 2).
Toutefois, il existe le droit de consulter de nouveau un avocat ou une avocate si des faits nouveaux au cours de l’enquête rendent cette mesure nécessaire pour que soit réalisé l’objet de l’alinéa 10b). Comme l’ont déclaré les juges majoritaires de la Cour suprême : « [i]l faut qu’il y ait [pour redonner naissance au droit prévu à l’alinéa 10b)] un changement de circonstances tendant à indiquer que le choix qui s’offre à la personne accusée a considérablement changé, de sorte qu’elle a besoin d’autres conseils sur la nouvelle situation » (Sinclair, précité, au paragraphe 65). Le droit à une deuxième consultation juridique a été reconnu lorsqu’un changement de circonstances résulte du fait que la personne détenue est soumise à des mesures additionnelles; lorsqu’un changement est survenu dans les risques courus par la personne détenue ou lorsqu’il existe des raisons de croire que les renseignements fournis initialement comportent des lacunes (Sinclair, précité, aux paragraphes 47‑55). Les catégories ne sont pas limitatives, mais il ne faudrait ajouter que les cas où il est nécessaire d’accorder une autre consultation pour que soit réalisé l’objet de l’alinéa 10b) (Sinclair, précité, au paragraphe 52). Tout changement de circonstances qui donnerait le droit de consulter de nouveau un avocat ou une avocate doit être objectivement discernable (Sinclair, précité, au paragraphe 55; R. c. McCrimmon, [2010] 2 RCS 402, au paragraphe 22).
Ce qui constitue un changement du risque dépendra des circonstances. Pour une personne accusée de meurtre, une ordonnance de détention provisoire prononcée après que la personne accusée a consulté un avocat ou une avocate ne représentait pas un changement du risque de façon à ce que le droit de consulter de nouveau un avocat ou une avocate s’applique (R. c. Bhander, 2012 BCCA 441, au paragraphe 45). Lorsque la personne accusée comprend de façon générale le risque qu’elle court, elle n’a pas droit à une deuxième consultation (Bhander, précité, au paragraphe 36).
La troisième catégorie pouvant déclencher le droit à une deuxième consultation, lorsque les renseignements fournis initialement comportent des lacunes, comprend la conduite policière ayant pour effet de miner les conseils juridiques fournis à une personne détenue, que cette conduite ait visé à produire cet effet ou non (Dussault, précité, aux paragraphes 41-42). Cette catégorie comprend aussi les cas où une personne accusée pourrait ne pas avoir compris les conseils juridiques initiaux, puisque l’alinéa 10b) exige qu’elle obtienne des conseils juridiques tenant compte de sa situation particulière et transmis d’une manière qu’elle peut comprendre (Lafrance, précité, au paragraphe 7; Sinclair, précité, au paragraphe 32).
iii) Obligation de s’abstenir de soutirer des éléments de preuve incriminants de la personne accusée
L’alinéa 10b) impose aux policiers l’obligation de cesser d’interroger ou de tenter d’une autre façon de soutirer des éléments de preuve incriminants de la personne détenue (par exemple, au moyen d’un interrogatoire et d’un alcootest) (Prosper, précité; Bartle, précité) avant de lui avoir donné la possibilité raisonnable de consulter un avocat ou une avocate. Ce droit vise à permettre à la personne accusée non seulement d’être informée de ses droits et obligations en vertu de la loi, mais aussi d’obtenir des conseils sur la façon d’exercer ces droits. Pour que le droit à l’avocat ou l’avocate soit respecté, il faut que la personne détenue ait accès à ces conseils avant d’être questionnée ou autrement tenue de fournir des éléments de preuve (Bartle, précité). En cas d’urgence, les policiers peuvent bénéficier d’un certain temps pour s’acquitter de cette obligation (Manninen, précité; Ross, précité; Black, précité; Brydges, précité; Evans, précité; Burlingham, précité; Strachan, précité). La présomption en matière de preuve énoncée à l’ancien alinéa 258(1)c) du Code criminel (alcootest) ne constitue pas des circonstances pressantes ou urgentes (Prosper, précité; Bartle, précité – une disposition analogue en matière de preuve existe désormais au paragraphe 320.31(1) récemment adopté du Code criminel). (Voir également R.c. Cobham, [1994] 3 RCS 360; R. c. Pozniak, [1994] 3 RCS 310; Matheson, précité; R. c. Harper, [1994] 3 RCS 343).
S’il y a négociation de plaidoyers, l’alinéa 10b) oblige la Couronne ou la police à offrir un plaidoyer à l’avocat ou l’avocate de la personne accusée ou en la présence de l’avocat ou l’avocate, à moins que la personne accusée n’ait expressément renoncé à son droit de consulter un avocat ou une avocate (Burlingham, précité).
On ne peut simplement inférer de la brièveté des conversations d’une personne accusée avec un avocat ou une avocate de garde que ces consultations étaient insuffisantes (Willier, précité). À moins qu’une personne détenue n’indique, de manière diligente et raisonnable, que les conseils qu’elle a reçus sont insuffisants, les policiers peuvent présumer que la personne est satisfaite du droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate qu’elle a exercé et qu’ils sont en droit d’entreprendre un entretien à des fins d’enquête (Willier, précité, au paragraphe 42).
Lorsque la personne accusée reçoit une mise en garde habituelle et invoque le droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate, le fait de lui demander par la suite si elle souhaite dire quelque chose constitue une violation de l’obligation des policiers de surseoir à l’enquête (R. c. G.T.D., [2018] 1 RCS 220).
4. La personne a-t-elle fait preuve de diligence lorsqu’elle a tenté de consulter un avocat ou une avocate?
Comme pour les autres droits énoncés dans la Charte, le droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate n’est pas absolu et doit être exercé d’une façon qui soit conciliable avec les besoins de la société (Smith, précité, à la page 385, cité dans Willier, précité, au paragraphe 34).
L’obligation de la police de fournir à la personne détenue une possibilité raisonnable d’exercer son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate est subordonnée à la diligence raisonnable dont fait preuve la personne détenue qui tente de communiquer avec un avocat ou une avocate (Tremblay, précité; Black, précité; R. c. Smith, [1989] 2 RCS 368 (ci-après Smith (1989)). De même, l’obligation de la police de s’abstenir de poser des questions à la personne détenue jusqu’à ce qu’elle ait eu une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat ou une avocate est également subordonnée à la diligence raisonnable dont fait preuve la personne détenue qui tente de communiquer avec un avocat ou une avocate (Tremblay, précité). Ce qui constitue une diligence raisonnable dans l’exercice du droit de communiquer avec un avocat ou une avocate dépend des circonstances particulières (Black, précité, aux pages 154‑155; Tremblay, précité).
L’imposition d’une telle limite aux droits d’une personne détenue a été jugée nécessaire « puisque, sans elle, il serait possible de retarder inutilement et impunément une enquête et même, dans certains cas, de faire en sorte qu’une preuve essentielle soit perdue, détruite ou impossible à obtenir » (Smith (1989), précité à la page 385).
L’existence de services d’avocats ou d’avocates de garde peut avoir une incidence sur ce qui constitue une « diligence raisonnable » (Prosper, précité; Bartle, précité) (se reporter en outre à la section ci-après portant sur le droit de consulter l’avocat ou l’avocate de son choix).
5. Droit de consulter l’avocat ou l’avocate de son choix
Le droit de consulter l’avocat ou l’avocate de son choix est protégé par inférence à l’article 7 ainsi qu’aux alinéas 10b) et 11d) de la Charte (Ross, précité), mais il n’est pas absolu et peut être restreint dans des limites raisonnables (Willier, précité, au paragraphe 24; R. c. Speid [1983] O.J. no 3198 (C.A.); R. c. Robillard [1986] O.J. no 261 (C.A.)). Ce droit doit être défini en tenant compte de l’objectif de l’alinéa 10b), qui est de donner aux détenus la possibilité d’atténuer leur désavantage juridique alors qu’ils sont sous le contrôle de l’État en leur permettant de faire le choix libre et en toute connaissance de cause de parler ou non aux autorités (Willier, précité, aux paragraphes 27‑28 et 38).
Une personne détenue doit faire preuve de diligence dans l’exercice du droit à l’assistance de l’avocat ou de l’avocate de son choix (Ross, précité, aux pages 10‑11; Willier, précité, au paragraphe 35). Elle doit faire preuve de diligence raisonnable dans l’exercice de son droit, sinon les obligations corollaires qui, selon l’arrêt Manninen, sont imposées aux policiers sont suspendues (Tremblay, précité, au paragraphe 9). La diligence raisonnable dans l’exercice du droit de choisir l’avocat ou l’avocate de son choix dépend de la situation dans laquelle se trouve la personne accusée ou détenue (Ross, précité, aux paragraphes 10‑11).
Si les personnes détenues décident d’exercer leur droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate en parlant à un avocat ou une avocate en particulier, l’alinéa 10b) leur accorde une possibilité raisonnable de communiquer avec l’avocat ou l’avocate de leur choix avant d’être questionnés par la police (Black, précité; Willier, précité, au paragraphe 35). Si l’avocat ou l’avocate de leur choix n’est pas immédiatement disponible, ils peuvent refuser de parler à un ou une autre avocat ou avocate et attendre pendant un délai raisonnable que l’avocat ou l’avocate de leur choix leur réponde. Ce qui constitue un délai raisonnable dépend de l’ensemble des circonstances, notamment de facteurs comme la gravité de l’accusation et l’urgence de l’enquête (Black, précité). Si l’avocat ou l’avocate de leur choix n’est pas disponible dans un délai raisonnable, les détenus sont censés exercer leur droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate en communiquant avec un ou une autre avocat ou avocate, sinon l’obligation qui incombe à la police d’interrompre ses questions est suspendue (Ross, précité; Black, précité). Ainsi, ce n’est que si le choix requiert un délai déraisonnable qu’une obligation d’accepter un autre avocat ou une autre avocate prend naissance (Black, précité).
En l’absence de coercition évidente, il n’y a pas entrave au droit à l’assistance de l’avocat ou de l’avocate de son choix lorsque la police rappelle simplement à une personne accusée qu’un avocat ou une avocate de garde est disponible immédiatement après qu’elle a tenté sans succès de communiquer avec un avocat ou une avocate en particulier (Willier, précité, au paragraphe 44). En fait, la police a une obligation d’information visant à s’assurer que la personne détenue est au courant de l’existence de l’aide juridique (Willier, précité, au paragraphe 44). En outre, lorsqu’une personne accusée a parlé à l’avocat ou l’avocate de garde avant le début d’un interrogatoire, s’est dit satisfaite des conseils qu’elle a reçus, et n’a pas retenté de communiquer avec son avocat ou avocate, on peut en déduire qu’il n’y a pas eu privation du droit à l’assistance de l’avocat ou l’avocate de son choix, même si l’intervalle entre la tentative de communication avec l’avocat ou l’avocate et le début de l’interrogatoire est bref (Willier, précité au paragraphe 42).
Il est vrai que l’alinéa 10b) oblige la police à accorder à la personne détenue une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat ou une avocate et à faciliter cette communication, mais il ne l’oblige pas à contrôler la qualité des conseils une fois la communication établie. Imposer une telle obligation serait incompatible avec la nature confidentielle de la relation avocat ou avocate-client (Willier, précité, au paragraphe 42). Lorsque les moyens financiers limités d’une personne accusée exigent le recours à un avocat rémunéré ou une avocate rémunérée par l’État, l’État n’est pas tenu d’accorder des fonds pour l’assistance de l’avocat ou l’avocate du choix de la personne détenue (Prosper, précité, à la page 374; Ontario c. Criminal Lawyers’ Association of Ontario, [2013] 3 RCS 3, au paragraphe 70).
6. La personne a-t-elle renoncé au droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate?
Une fois informée de son droit de consulter un avocat ou une avocate, une personne détenue peut renoncer à ce droit, en décidant de ne pas se prévaloir de la possibilité d’obtenir de l’assistance juridique. Le droit de décider de collaborer, ou non, avec la police, l’objet fondamental de l’alinéa 10b), a été respecté en cas de renonciation valide, et il n’y a donc pas eu d’atteinte au droit garanti par l’alinéa 10b) (Sinclair, précité, au paragraphe 28).
La norme relative à la renonciation valide à un droit garanti par la Charte, dont le droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate, est « très stricte » (R. c. L.T.H., [2008] 2 RCS 739, au paragraphe 41). Une renonciation à un droit garanti par la Charte doit « se fonder sur une appréciation véritable des conséquences de la renonciation à ce droit » (L.T.H., précité, au paragraphe 43, citant la juge Wilson dans Clarkson c. La Reine, [1986] 1 RCS 383, à la page 396). « Une renonciation bien claire est donc essentielle, mais ne suffit pas à elle seule : elle doit aller de pair avec une compréhension adéquate de la fonction que le droit en cause est censé remplir et une appréciation des conséquences de la décision de se soustraire à sa protection » (L.T.H., précité, au paragraphe 43).
Une personne peut renoncer au droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate de manière expresse ou implicite, mais la norme sera très stricte si la présumée renonciation est implicite (Clarkson, précité; Manninen, précité; Brydges, précité). La personne doit avoir suffisamment de renseignements pour être en mesure de prendre une décision éclairée et appropriée. Il sera peut-être nécessaire de prendre d’autres mesures de précaution, par exemple dans le cas des jeunes contrevenants (L.T.H., précité; R. c. I. (L.R.) et T. (E.), [1993] 4 RCS 504) ou si la personne accusée n’a pas la capacité mentale requise pour comprendre la mise en garde habituelle qu’exige l’alinéa 10b) (Evans, précité). La police se doit de se conformer à la fois à l’alinéa 10a) et à l’alinéa 10b) pour justifier la conclusion selon laquelle la personne accusée a renoncé au droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate (Smith, précité; Borden, précité).
Comme il a été signalé plus tôt, lorsqu’une personne détenue, faisant preuve de diligence, mais n’ayant pas réussi à communiquer avec un avocat ou une avocate, change d’avis et décide de ne pas tenter d’obtenir de l’assistance juridique, l’alinéa 10b) prescrit que les policiers doivent explicitement informer la personne de son droit à une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat ou une avocate ainsi que de l’obligation dans laquelle ils se trouvent de suspendre leurs questions jusqu’à ce moment-là (Willier, précité, au paragraphe 32; Prosper, précité, à la page 274). Cette obligation de renseignements additionnels est justifiée, car elle permet de garantir, notamment, que la décision de renoncer au droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate est prise en toute connaissance de cause (Willier, précité, au paragraphe 32).
Si les faits dénotent qu’une personne détenue qui a renoncé à son droit à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate n’a peut-être pas réellement compris quel était ce droit, les policiers devraient lui répéter qu’elle a le droit de consulter un avocat ou une avocate afin de s’assurer que l’objectif de l’alinéa 10b) est atteint (Sinclair, précité, au paragraphe 52).
7. Droit général à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate
Le fait que l’alinéa 10b) n’exclut pas qu’on puisse conclure à l’existence d’un droit constitutionnel à l’assistance juridique dans des situations autres qu’en cas d’arrestation ou de détention (en vertu de l’article 7 de la Charte) ne signifie pas qu’il existe un droit général à l’assistance juridique lors de procédures de tribunaux judiciaires et administratifs portant sur des droits et des obligations (Colombie-Britannique (Procureur général) c. Christie, [2007] 1 RCS 873, aux paragraphes 25 et 27). Le droit général à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate en tant qu’aspect de la primauté du droit n’est pas appuyé par la jurisprudence appropriée et modifierait, de manière significative, le paysage juridique (Christie, précité, aux paragraphes 22‑23).
8. Lien entre l’alinéa 10b) et l’article 7
Le droit prévu à l’alinéa 10b) d’une personne d’avoir recours à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate et d’être informée de ce droit donne appui au droit général de garder le silence garanti par l’article 7. Il ne faut toutefois pas confondre les droits que confèrent ces deux dispositions (Sinclair, précité, au paragraphe 29).
L’un des objectifs importants des conseils juridiques est d’informer la personne accusée de son droit de choisir de coopérer ou non à l’enquête policière et de la façon de l’exercer. L’alinéa 10b) prévoit un droit spécifique visant un aspect de la protection du droit au silence, à savoir la possibilité d’obtenir de l’assistance juridique (Sinclair, précité, au paragraphe 29).
Dans certains cas, des questions relevant à la fois de l’alinéa 10b) et de l’article 7 peuvent être en jeu. Lorsqu’il est allégué au titre de l’article 7 et de la règle des confessions qu’une déclaration n’est pas volontaire à cause de la dénégation du droit de consultation juridique, les faits sur lesquels se fondent les deux examens peuvent se chevaucher (R. c. Singh, [2007] 3 RCS 405). Les deux examens demeurent toutefois distincts (Sinclair, précité au paragraphe 29). En d’autres mots, « [l]e fait que la police se soit conformée à l’alinéa 10b) ne signifie pas que la déclaration a été faite volontairement selon la règle des confessions. À l’inverse, le fait qu’une déclaration soit volontaire n’écarte pas la possibilité d’une violation de l’alinéa 10b). » (Sinclair, précité, au paragraphe 29).
Le droit à l’assistance effective d’un avocat ou d’une avocate, qui est garanti par l’alinéa 10b), est aussi considéré comme l’un des principes de justice fondamentale conformément à l’article 7 de la Charte (R. c. G.D.B., [2000] 1 RCS 520, au paragraphe 24; Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général), [2002] 3 RCS 209, au paragraphe 65). Il a été déterminé que le défaut d’offrir une représentation effective pour la personne accusée peut avoir une incidence sur l’équité du procès (G.D.B., précité), et que l’article 7 peut englober le droit à un avocat ou une avocate comme un aspect de l’équité procédurale lorsque la vie, la liberté et la sécurité de la personne sont en jeu (Christie, précité, au paragraphe 25; Dehghani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 RCS 1053, à la page 1077; Nouveau‑Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G.(J.), [1999] 3 RCS 46).
9. Droit des adolescents à l’assistance d’un avocat ou d’une avocate
Les adolescents sont portés — encore plus que les adultes — à se sentir vulnérables lorsqu’ils sont interrogés par des policiers qui les soupçonnent d’avoir commis un crime et qui peuvent influencer leur destin. Il existe des garanties procédurales supplémentaires à l’article 146 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1 (« LSJPA »), qui régit l’admissibilité des déclarations faites par des adolescents inculpés à des personnes en autorité (L.T.H, précité, au paragraphe 1).
L’article 146 de la LSJPA confirme, par voie législative, les règles de common law et les droits constitutionnels qui s’appliquent autant aux adultes qu’aux adolescents et réaffirme également le droit à une consultation juridique, que consacre l’article 10 de la Charte (L.T.H., précité au paragraphe 2). En outre, l’article 146 prévoit des conditions supplémentaires qui doivent être remplies pour que les déclarations faites par des adolescents soient admissibles en preuve contre eux durant leur procès (L.T.H., précité, au paragraphe 3). Ces exigences prévues par la loi ne sont pas nécessairement des exigences au titre de la Charte.
Même si le fait pour un ou une élève de devoir se présenter au bureau du directeur ou de la directrice ou de faire l’objet d’une autre forme de contrainte de la part d’une autorité scolaire pouvait être perçu comme correspondant aux termes stricts de la définition du mot « détention », il n’y a pas lieu de considérer cela comme de la « détention » aux fins de l’application de l’alinéa 10b), et par conséquent le droit à l’assistance juridique prévu à l’alinéa 10b) ne s’applique pas (R. c. M. (M.R.), [1998] 3 RCS 393, au paragraphe 67).
10. À quel moment une violation antérieure de l’alinéa 10b) suffit‑elle à vicier une déclaration subséquente?
Pour déterminer si une déclaration est viciée par une violation antérieure d’un droit constitutionnel de la personne accusée, les tribunaux ont privilégié une approche généreuse et fondée sur l’objet visé (R. c. Wittwer, [2008] 2 RCS 235, au paragraphe 21; R. c. Tim, 2022 CSC 12, au paragraphe 78). Il n’est pas nécessaire d’établir un lien de causalité strict entre la violation et la déclaration subséquente. La déclaration sera viciée s’il est possible d’affirmer que la violation et la déclaration en cause font partie de la même opération ou de la même ligne de conduite (Wittwer, précité, au paragraphe 21; Strachan, précité, à la page 1005).
Le lien exigé entre la violation et la déclaration subséquente peut être temporel, contextuel, causal ou un mélange des trois (Wittwer, précité, au paragraphe 21). Toutefois, un lien qui est simplement « éloigné » ou « ténu » ne sera pas suffisant (R. c. Goldhart, [1996] 2 RCS 463, au paragraphe 40; Wittwer, précité, au paragraphe 21; Tim, précité, au paragraphe 78; R. c. Lafrance, 2022 CSC 32, au paragraphe 190). De plus, sous certaines conditions, les enquêteurs peuvent procéder à un « nouveau départ » en rompant tout lien temporel, contextuel ou causal entre la violation et les éléments de preuve obtenus (R. c. Beaver, 2022 CSC 54, aux paragraphes 97 et 103).
Un lien temporel étroit entre la déclaration faite avant que les policiers aient appliqué l’alinéa 10b) et celle qui a été faite par la suite suffira à établir que la seconde déclaration a été obtenue d’une manière qui violait la teneur de l’alinéa 10b) (R. v. Caputo, [1997] O.J. no 857). Dans cette affaire, seulement cinq minutes s’étaient écoulées entre la première déclaration faite (à la suite de laquelle le suspect avait été informé de son droit) et les déclarations subséquentes et le lien temporel était suffisant pour conclure que les déclarations subséquentes avaient été obtenues en violation de l’alinéa 10b). Comme il a été conclu que la première déclaration avait été prise en violation de l’alinéa 10b), et puisque toutes les déclarations ont été considérées comme faisant partie de la même opération, il a aussi été conclu que les déclarations subséquentes avaient été obtenues en violation de l’alinéa 10b) (Caputo, précité).
11. Quelles sont les conséquences d’une contravention à l’alinéa 10b)?
Si la police ne respecte pas les obligations qui lui incombent selon l’alinéa 10b), tout élément de preuve obtenu d’une manière contraire à l’alinéa 10b) peut s’avérer irrecevable dans les poursuites subséquentes si son utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice aux termes du paragraphe 24(2) de la Charte (Feeney, précité; R. c. Therens [1985] 1 RCS 613; R. c. Collins, [1987] 1 RCS 265; voir également R. c. Chaisson, [2006] 1 RCS 415). Enfin, voir l’analyse de la fiche relative au paragraphe 24(2) – Irrecevabilité d’éléments de preuve.
Le contenu est à jour jusqu’au 2023-07-31.
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