Article 25 – Droits ancestraux et issus de traités
Disposition
Communications entre les administrés et les institutions fédérales
25. Le fait que la présente Charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits ou libertés – ancestraux, issus de traités ou autres – des peuples autochtones du Canada, notamment :
- aux droits ou libertés reconnus par la Proclamation royale du 7 octobre 1763;
- aux droits ou libertés existants issus d’accords de règlement de revendications territoriales ou de ceux susceptibles d’être ainsi acquis.
Dispositions similaires
L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les droits existants — ancestraux et issus de traités — des peuples autochtones du Canada.
Voir également les instruments internationaux, régionaux et de droit comparé suivants, qui ne lient pas juridiquement le Canada mais qui renferment des dispositions semblables : les Conventions no 107 et no 169 de l’Organisation internationale du travail, qui portent sur les droits autochtones; la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones; et la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones de l’Organisation des États américains. Aucun de ces instruments ne prétend toutefois régler les conflits potentiels entre les droits individuels et les droits collectifs des Autochtones comme le fait l’article 25.
Objet
Les tribunaux ne se sont pas assez souvent penchés sur cet article pour qu’il soit possible d’en cerner l’objectif avec certitude. Dans l’affaire R. c. Kapp, [2008] 2 R.C.S. 483, le gouvernement fédéral proposait que l’article 25 est un mécanisme de conciliation d’intérêts divergents, soit les droits et les libertés garantis par la Charte d’une part, et les droits et libertés — ancestraux, issus de traités et autres — des peuples autochtones du Canada d’autre part.
Analyse
La jurisprudence traite fort peu de l’article 25. La Cour suprême du Canada s’est penchée brièvement sur cet article dans cinq arrêts, mais elle n’a pas encore eu l’occasion de l’appliquer dans une décision rendue à la majorité (Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217; Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203; Gosselin (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 238); Kapp, précité; Beckman c. Première nation de Little Salmon/Carmacks, [2010] 3 R.C.S. 103). Le peu d’analyse par les tribunaux, ainsi que le sens manifeste de la disposition, montrent clairement que l’article 25 ne crée pas de nouveaux droits, mais qu’il protège plutôt contre toute atteinte aux droits ou libertés ancestraux, issue de traités ou autres (Corbiere, par la juge L’Heureux-Dubé, souscrivant au résultat; Renvoi relatif à la sécession du Québec; Kapp, par le juge Bastarache, souscrivant au résultat mais s’exprimant en son propre nom sur l’article 25; R. c. Agawa, [1988] O.J. No 1248 (C.A. Ont.), autorisation d’interjeter appel refusée [1988] S.C.C.A. No 501 (C.S.C.); Rice c. Agence du revenu du Québec, 2016 QCCA 666, autorisation de pourvoi refusée [2016] C.S.C.R. n° 26 (C.S.C.)). L’article 25 « s’applique lorsque des droits ancestraux ou issus de traités garantis par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 sont en litige, ou quand la réparation demandée dans le cadre d’une contestation fondée sur la Charte pourrait porter atteinte à d’autres « droits ou libertés des peuples autochtones du Canada » (Corbiere, par la juge L’Heureux-Dubé, souscrivant au résultat, au paragraphe 52).
Les tribunaux ont examiné principalement deux autres façons d’appliquer l’article 25 : (1) il s’agit d’un « bouclier » qui soustrait les droits protégés par l’article 25 à un examen fondé sur la Charte; Kapp, par le juge Bastarache (souscrivant au résultat mais s’exprimant en son propre nom sur l’article 25, la majorité exprimant des réserves quant à son approche dans une opinion incidente); Bande indienne de Schubenacadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (re Macnutt), [1998] 2 C.F. 198 (1re inst.); confirmé, [2000] 4 C.N.L.R 275 (C.A.F.); autorisation d’interjeter appel refusée, [2000] S.C.C.A. No. 398 (C.S.C.); (2) il s’agit d’une « disposition servant à interpréter des droits garantis par la Charte qui sont susceptibles d’entrer en conflit » : Kapp, motifs des juges majoritaires dans une opinion incidente, au paragraphe 64.
Dans l’arrêt Kapp, le juge Bastarache (souscrivant au résultat mais s’exprimant en son propre nom sur l’article 25) a conclu que l’article 25 revêt un caractère préliminaire qui n’exige pas une analyse complète de la revendication du droit fondamental garanti par la Charte (seulement s’il y a une violation de la Charte à première vue) et lequel agit comme bouclier pour protéger les droits et libertés des peuples autochtones contre une érosion découlant de la Charte. Cependant, les juges McLachlin et Abella s’exprimant au nom de la majorité ont rendu une décision sans recourir à l’article 25 et, dans une opinion incidente, ont exprimé des préoccupations à propos de l’analyse du juge Bastarache. Cette opinion doute que la demande des appelants fondée sur l’article 15 serait « totalement irrecevable » à cause de l’article 25, et elle suggère, contrairement, que l’article 25 est une « disposition servant à interpréter des droits garantis par la Charte qui sont susceptibles d’entrer en conflit » (paragraphe 64). Tandis que leur analyse complète de l’article 15, même si une partie invoque l’article 25, puisse être vue comme un rejet implicite du point de vue selon lequel l’article 25 rend inutile une analyse complète du droit revendiqué sur le fondement de la Charte, il pourrait seulement s’agir également d’une fonction de « prudence » de la majorité, du fait qu’elle refuse d’examiner l’article 25 lorsque cela n’est pas absolument nécessaire (paragraphe 65).
1. Portée
L’article 25 soustrait trois catégories de droits et de libertés aux contestations fondées sur la Charte : (1) les droits ancestraux; (2) les droits issus de traités; (3) les autres droits ou libertés des peuples autochtones du Canada. Il faut examiner la nature et l’étendue du droit revendiqué qui serait protégé par l’article 25 afin d’établir si l’article 25 s’applique dans une situation donnée. La plupart des décisions des tribunaux inférieurs portent principalement sur la question de savoir si la situation déclenche l’application de l’article 25.
Le terme « aux droits ou libertés — […] — des peuples autochtones du Canada » indique que les droits protégés par l’article 25 sont plus étendus que les « droits ancestraux » et les « droits issus de traités » reconnus et confirmés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. « Ce passage montre que les droits visés à l’article 25 sont plus étendus que ceux visés à l’article 35 et qu’il peut s’agir de droits d’origine législative. Cependant, le seul fait qu’une mesure législative concerne les Autochtones ne la fait pas entrer dans le champ d’application des ” autres “ droits ou libertés visés à l’article 25 » (Corbiere, par la juge L’Heureux-Dubé, souscrivant au résultat au paragraphe 52).
Dans l’arrêt Kapp, le juge Bastarache (souscrivant au résultat mais s’exprimant en son propre nom sur l’article 25) a conclu qu’un permis de pêche accordant aux membres de trois Premières Nations le droit exclusif de pêcher le saumon sur le fleuve Fraser à des fins commerciales pendant une période 24 heures constitue d’« autres droits » au sens de l’article 25. Cependant, les juges McLachlin et Abella (au nom de la majorité) se sont demandé si un tel intérêt tombait sous le coup de l’article 25. Selon eux, « […] le libellé de l’article 25 et les exemples qu’on y trouve […] indiquent que les droits des autochtones ou les programmes destinés à ceux-ci ne sont pas tous visés par cette disposition. Au contraire, seuls les droits de nature constitutionnelle sont susceptibles de bénéficier de la protection de l’article 25 » (paragraphe 63).
En gardant à l’esprit que l’article 25 ne crée pas de nouveaux droits et que la Proclamation royale de 1763 n’est pas une source de droits, mais plutôt une reconnaissance des droits qui existaient à l’époque, la mention de la Proclamation royale à l’alinéa 25a) de la Charte ne justifie pas au Mohawk un droit de détaillants d’essence en vue d’être exemptés de la perception et de la remise de taxes sur les ventes d’essence (Rice, précité).
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