Article 28 – Droits à l’égalité entre les sexes
Disposition
28. Indépendamment des autres dispositions de la présente charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes.
Dispositions similaires
Le paragraphe 35(4) de la Loi constitutionnelle de 1982 est semblable à la présente disposition. Il prévoit que « Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits — ancestraux ou issus de traités — visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes ». À l’échelle internationale, l’article 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article premier de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes sont des dispositions semblables.
Objet
L’article 28 s’applique « [i]ndépendamment des autres dispositions de la présente charte » (Dickson c. Vuntut Gwitchin First Nation, 2024 CSC 10, au paragraphe 173). Il exige que les droits et libertés qui sont mentionnés dans la Charte soient garantis sans discrimination entre les sexes. L’article 28 est souvent mentionné comme un article connexe de l’article 15 dans les affaires dans lesquelles on allègue des questions de discrimination fondée sur le sexe (R. c. Park, [1995] 2 RCS 836; Symes c. Canada, [1993] 4 RCS 695; R. c. Brown, 2022 CSC 18, au paragraphe 70). Toutefois, il ne crée pas un régime de droits à l’égalité séparé de celui prévu à l’article 15 de la Charte. Il a plutôt une fonction d’interprétation, de confirmation et d’appoint (Organisation mondiale sikhe du Canada c. Procureur général du Québec, 2024 QCCA 254).
Analyse
Pendant la période de 1982 à avril 1985, l’article 28 était la seule garantie d’égalité entre les sexes à l’égard des droits conférés par la Charte. Il a été affirmé que cela peut être le principal effet de cet article. À ce jour, il existe peu de jurisprudence sur l’article 28.
L’article 28 prévoit que les droits et libertés mentionnés dans la Charte s’appliquent tant aux hommes qu’aux femmes. Il ne garantit pas l’égalité relativement aux droits qui ne sont pas mentionnés dans la Charte (Organisation mondiale sikhe du Canada, précité, aux paragraphes 450, 465; (Regina c. Morgentaler et al., (1984), 1984 CanLII 2051 (ON SC), 12 D.L.R. (4th) 502 (C.S. Ont.); appel annulé (1984), 1984 CanLII 55 (ON CA), 16 C.C.C. (3d) 1 (C.A. Ont.)).
1. Article 28 et autres droits garantis par la Charte
L’article 28 a déjà été utilisé de concert avec d’autres articles pour élargir la portée d’un droit ou d’une liberté conférés par la Charte. Par exemple, il a été utilisé, de concert avec l’article 15, dans des affaires mettant en cause la liberté d’expression garantie à l’alinéa 2b) (Assoc. des femmes autochtones du Canada c. Canada, [1994] 3 R.C.S. 627) et dans des affaires mettant en cause l’article 7 (Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 R.C.S. 46).
Dans l’arrêt Osolin, la Cour suprême du Canada a fait référence à l’article 28 pour trancher la question de savoir si des limites devaient être imposées aux droits d’une personne accusée à un procès équitable au titre de l’article 7 et de l’alinéa 11d) de la Charte. La Cour a souligné que l’agression sexuelle est différente de toutes les autres formes d’agression en ce sens qu’elle est, dans la grande majorité des cas, fondée sur le sexe et qu’elle constitue un déni de toute notion de l’égalité des femmes. Le juge Cory : « les dispositions des art. 15 et 28 de la Charte qui garantissent l’égalité des hommes et des femmes devraient être prises en considération lorsqu’il s’agit d’établir les limites raisonnables à apporter au contre‑interrogatoire d’un plaignant » dans un procès pour agression sexuelle (R. c. Osolin, [1993] 4 R.C.S. 595; aussi cité dans R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668).
2. Article 28 et article 25
L’article 28 limite les protections prévues à l’article 25 de la Charte. S’il est jugé qu’il existe un conflit irréconciliable entre un droit individuel garanti par la Charte et un droit collectif autochtone, l’article 25 donne la primauté au droit autochtone, sauf si le droit autochtone permet la « discrimination fondée sur le sexe » (Dickson c. Vuntut Gwitchin First Nation, précité, au paragraphe 173; voir aussi les paragraphes 110, 182 et 227).
3. Article 28 et article 33
Considéré à la lumière de l’article 33, la jurisprudence n’est pas arrêtée sur la question de savoir si l’article 28 veut dire que, même si une législature ou un parlement adoptait une loi qui permettrait d’abroger ou de violer l’article 2 ou les articles 7 à 15 de la Charte, l’institution ne pourrait le faire si les gens s’en trouvaient disproportionnellement touchés en raison de leur sexe (Organisation mondiale sikhe du Canada c. Procureur général du Québec, précitée, aux paragraphes 475-504, mais voir Re Boudreau et Lynch, 1984 16 DLR (4th) 610 (CSNÉ) p. 615; Syndicat de la fonction publique du Québec inc. c. Québec (Procureur général), 2004 CanLII 76338 (CSQC) au paragraphe 1429).
Considérations particulières relatives à l’article premier
L’article 28 ne l’emporte pas sur l’article premier (Organisation mondiale sikhe du Canada, précitée, aux paragraphes 470 et 503; Blainey v. Ontario Hockey Association et al., (1986), 1985 CanLII 2158 (ON SC), 21 D.L.R. (4th) 599 (Ont. S.C.); appel accueilli pour d’autres motifs (1986), 1986 CanLII 145 (ON CA), 26 D.L.R. (4th) 728 (Ont. C.A.); autorisation d’appel refusée (C.S.C., 26 juin 1986). Les tribunaux ont donc effectué une analyse au titre de l’article premier des lois jugées discriminatoires sur la base du sexe (Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28; Centrale des syndicats du Québec c. Québec (Procureure générale), 2018 CSC 18; Reference Re Family Benefits Act (N.S.), 75 N.S.R. (2d) 338 (N.S.S.C., Appeal division); Re Shewchuk and Ricard (1986), 1986 CanLII 174 (BC CA), 28 D.L.R. (4th) 429 (B.C.C.A.)).
L’article premier ne doit pas être analysé dans l’abstrait et doit particulièrement tenir compte de l’article 28. L’article 28 n’empêche pas la législature de créer une infraction qui, pour des raisons biologiques, ne peut être commise que par les personnes d’un seul sexe. Cela signifie toutefois que la législature ne peut pas nier à une personne qui est accusée d’une telle infraction, les droits et libertés garantis à toutes les personnes par la Charte. Évidemment, il y aura des facteurs liés au sexe dont on pourra légitimement tenir compte dans l’examen de la proportionnalité en vertu de l’article premier de la Charte. Toutefois, ces facteurs devront se rapporter au sexe des personnes autres que la personne accusée, comme le fait que la victime puisse devenir enceinte. Dans le cadre d’un tel examen, on ne pourrait tenter de justifier la violation d’un droit reconnu par la Charte en invoquant simplement que la personne accusée était d’un sexe donné. Il faudrait plutôt tenir compte de considérations indépendantes du sexe de la personne accusée qui pourraient être pertinentes dans une évaluation de la justification de restreindre les droits de la personne accusée : R. c. Hess; R. c. Nguyen, [1990] 2 R.C.S. 906.
Les droits et les intérêts des femmes garantis par les articles 15 et 28 de la Charte sont des considérations pertinentes pour l’application de l’article premier de la Charte au moment de préciser dans quelle mesure la Couronne peut limiter la possibilité d’invoquer la défense d’automatisme dans les affaires d’agression sexuelle (R. c. Brown, précité, aux paragraphes 70, 146-147).
Lors de l’analyse de la justification, en vertu de l’article premier, de l’interdiction liée à la pornographie et à l’obscénité dans le Code criminel, il faut tenir compte de la menace à l’égalité qui résulte de l’exposition d’audiences mâles à du matériel violent qui dégrade les femmes (R. c. Red Hot Video Ltd., (1985), 18 C.C.C. (3d) 1).
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