Témoins adultes vulnérables : Les perceptions et le vécu des représentants du ministère public et des fournisseurs de services aux victimes à l’égard des dispositions relatives aux mesures de soutien au témoignage

3. Entrevues et constatations

3.1 Fréquence des demandes

Nous avons demandé aux représentants du ministère public d’indiquer combien de demandes de dispositifs d’aide au témoignage d’adultes vulnérables ils avaient présentées depuis 2006. Quelques participants ont déclaré que leur expérience se résumait à la présentation d’une seule demande, tandis qu’un faible nombre de participants ont dit avoir présenté plus de 10 demandes dans la catégorie « discrétionnaire » et entre 4 à 10 demandes dans la catégorie « présomptive ». Ces constatations concordent avec celles de Bala et ses collaborateurs qui ont rapporté que dans les affaires faisant intervenir des témoins adultes vulnérables, 66,7 % des trente juges sondés ont indiqué qu’il n’y a jamais de demandes d’utilisation d’écran ou de télévision en circuit fermé, 16,7 % ont indiqué que de telles demandes étaient présentées occasionnellement et 11,1 % ont dit qu’elles l’étaient toujours (Bala et coll., 2011, p. 48).

Nous avons aussi interrogé les participants sur leur vécu et leurs perceptions à l’égard de la présentation de demandes aux termes de l’article 715.2 pour introduire en preuve un enregistrement vidéo d’un témoin adulte ayant une déficience et de demandes aux termes du paragraphe 486(1) pour l’exclusion de membres du public et du paragraphe 486.3(2) pour la nomination d’un avocat chargé du contre-interrogatoire. Nous analysons les résultats ci-dessous.

3.2 Comment et quand la nécessité d’une mesure de soutien au témoignage d’un adulte vulnérable a-t-elle été reconnue?

3.2.1 Représentants du ministère public

Selon la majorité des représentants du ministère public, les principales sources ayant contribué à la décision de présenter une demande sont une combinaison de leur rencontre avec le témoin, de l’opinion ou de la recommandation des services aux victimes et de renseignements fournis par les policiers. Par ailleurs, le témoin lui-même demande parfois de l’aide. Dans certains cas, des membres de la famille et d’autres intervenants (le superviseur d’un foyer de groupe, par exemple) ont communiqué avec le représentant du ministère public pour lui faire part du besoin. Enfin, dans quelques cas, la réaction imprévue du témoin est à l’origine de la nécessité d’une mesure de soutien au témoignage.

3.2.2 Fournisseurs de services aux victimes  

Des intervenants des services aux victimes nous ont dit qu’ils sont prudents lorsqu’ils parlent à des témoins adultes vulnérables de la possibilité d’utiliser des dispositifs d’aide au témoignage. Ils ne veulent pas faire naître des attentes chez le témoin et ils sont conscients que le représentant du ministère public prend la décision concernant la présentation d’une demande Note de bas de la page 2. Plusieurs participants ont insisté sur l’importance d’une ou de plusieurs rencontres avec les témoins afin d’établir un rapport avec eux et de cerner les vulnérabilités, les préoccupations et les besoins dont ils peuvent ensuite faire part au représentant du ministère public. Dans certaines administrations, les fournisseurs de services aux victimes doivent remplir un formulaire spécial pour soumettre leurs commentaires et leurs recommandations. Ce formulaire est acheminé au ministère public. Dans d’autres administrations, les recommandations sont transmises au ministère public par courriel, téléphone ou en personne. Plusieurs participants ont fait remarquer que les renseignements et les recommandations découlant d’une quelconque évaluation sont très importants et qu’il faut communiquer clairement au représentant du ministère public les préoccupations et les vulnérabilités du témoin et les accommodements dont il a besoin.

3.3 Éléments matériels utilisés à l’appui de la demande

Les réponses montrent qu’il est assez rare qu’on fasse appel à des experts pour témoigner à l’appui de demandes, qu’elles soient « présomptives » ou « discrétionnaires ». Dans bien des cas, les documents disponibles ou une lettre d’un médecin ont étayé les demandes. Des représentants du ministère public ont exprimé leur hésitation à faire témoigner un professionnel de la santé mentale (thérapeute, conseiller, psychologue ou psychiatre) à l’appui d’une demande, craignant que la cour examine les dossiers médicaux du témoin ce qui risquerait de victimiser de nouveau la victime. Par contraste, mentionnons l’expérience de deux représentants du ministère public qui avaient fait témoigner des experts à l’appui de demandes « discrétionnaires ». Les deux ont dit que dans chaque cas, les témoignages ont surtout porté sur l’incidence que le fait de témoigner devant la cour aurait sur la capacité du témoin de fournir un récit complet et franc des faits.

Dans bien des cas, qu’il s’agisse de demandes « présomptives » ou « discrétionnaires », le policier chargé de l’enquête est appelé à témoigner ou à fournir un affidavit. Les fournisseurs de services aux victimes sont aussi appelés à témoigner au sujet de leurs observations du témoin. Lorsqu’un témoin a une déficience, un fournisseur de services, un parent ou un intervenant des services communautaires de soutien en santé mentale fournissent des renseignements à la cour. En ce qui concerne les personnes atteintes de l’ETCAF, le fournisseur de services est appelé à décrire où le témoin se situe sur le spectre, si cette donnée est connue.

Quelques représentants du ministère public ont déclaré qu’aucun élément matériel ni autre élément de preuve n’était nécessaire et que la demande verbale était suffisante.

3.4 Exemples d’éléments de preuve utilisés à l’appui des demandes « présomptives »

Une lettre du psychiatre a été utilisée à l’appui d’une demande

Un témoin ayant des troubles de santé mentale avait tenté de se suicider peu de temps avant sa comparution. Une lettre de son psychiatre a été utilisée à l’appui d’une demande de mesure de soutien au témoignage. L’avocat de la défense ne s’y est pas opposé. Le témoin a pu témoigner derrière un écran.

Une préposée aux soins personnels a témoigné

Le témoin, une femme âgée de 25 ans, souffrait d’un grave traumatisme crânien. Elle recevait les services d’une préposée aux soins personnels et cette personne a été appelée à témoigner à l’appui de la demande de mesure de soutien au témoignage. Le représentant du ministère public a fait remarquer « qu’elle était la personne la plus apte à connaître les capacités et les incapacités du témoin ». La cour a accepté d’entendre le témoignage de la préposée aux soins personnels. Le témoin a témoigné derrière un écran, avec une personne de confiance à ses côtés.

Une intervenante des services aux victimes a témoigné à l’appui de la demande

Une jeune femme, qui avait 17 ans au moment où les faits se sont produits, a témoigné à l’enquête préliminaire derrière un écran et en compagnie d’une personne de confiance. Elle a eu 18 ans avant le procès. L’intervenante des services aux victimes a averti le représentant du ministère public que le témoin avait des difficultés d’apprentissage et des problèmes de compréhension. Cette intervenante a été appelée à témoigner au sujet de ses observations et de ses rapports avec le témoin à l’appui de la demande d’utilisation d’un écran aux termes du paragraphe 486.2(1), de la présence d’une personne de confiance aux termes de l’article 486.1 et de la nomination d’un avocat pour mener le contre-interrogatoire aux termes du paragraphe 486.3(2). Les accommodements spéciaux pour faciliter le témoignage ont été autorisés.

3.5 Exemples d’éléments de preuve utilisés à l’appui de demandes « discrétionnaires »

Le témoin a témoigné afin d’établir la nécessité

Le témoin était âgé de 17 ans au moment de l’incident et de 18 ans au procès. L’accusé était inculpé d’agression sexuelle. La demande de mesures de soutien au témoignage a été présentée « à la dernière minute » puisque le témoin ne semblait pas avoir de problème au préalable, mais juste avant de comparaître, elle a « figé » et dit qu’elle ne pourrait pas témoigner en présence de l’accusé. La représentante du ministère public a interrogé le témoin à l’appui de la demande : on lui a demandé comment elle réagirait si elle n’avait pas d’écran. Si la représentante du ministère public avait eu un préavis, elle aurait aussi demandé la présence d’une personne de confiance. La demande a été accueillie malgré les vives objections de l’avocat de la défense et le témoin a pu témoigner derrière l’écran.

Arguments oraux du représentant du ministère public

Le témoin était l’une de six victimes, mais la seule s’étant dite incapable de témoigner en présence de l’accusé. Les chefs d’accusation devant le tribunal étaient de nature sexuelle. En se fondant sur les arguments oraux du représentant du ministère public et sans autres éléments de preuve écrits ou verbaux, le juge a convenu qu’il y avait un problème de santé mentale préexistant ainsi que de la violence conjugale avérée et que, par conséquent, le témoin était extrêmement vulnérable. À l’audience préliminaire, le témoin avait témoigné derrière un écran et l’accusé avait été cité à procès. À la Cour suprême, la demande d’utiliser un écran avait été de nouveau accueillie en se fondant sur les arguments oraux du représentant du ministère public.

Évaluation d’un expert

Le témoin avait 16 ans à l’époque des agressions sexuelles et 36 ans au moment du procès. Elle souffrait de troubles du stress post-traumatique, d’anxiété et de dépression. Le représentant du ministère public avait reçu les commentaires préalables des services aux victimes et avait aussi rencontré la victime plusieurs semaines avant la date de l’audience préliminaire.

L’avocat de la défense s’est opposé à la demande d’utilisation de la CCTV aux termes du paragraphe 486.2(2). Au départ, le représentant du ministère public avait envisagé d’appeler l’enquêteur à témoigner, mais par suite de l’opposition, il a obtenu une évaluation psychologique. Celle-ci se concentrait sur la capacité du témoin de fournir un récit complet et franc des faits en présence de l’accusé. Le rapport d’évaluation a été déposé et le psychologue a donné un témoignage d’opinion. La demande a été accueillie.

Aux paragraphes 486.1(1) et (3) et 486.2(1) et (3), les facteurs à considérer à l’appui de demandes présomptives et discrétionnaires comprennent la déficience mentale ou physique.

3.6 Moment où les demandes sont présentées

Nous avons interrogé les participants au sujet du moment de la présentation des demandes, si elles avaient été présentées des semaines à l’avance, par exemple à une conférence préalable à l’instruction; moins d’une semaine à l’avance, par exemple au début de l’enquête préliminaire ou du procès; ou pendant l’enquête préliminaire ou le procès. Leurs réponses couvrent un vaste éventail d’échéanciers et de pratiques. Des demandes ont été présentées plusieurs semaines avant l’audience, d’autres moins d’une semaine avant et la plupart ont été présentées le jour de la comparution. Parfois, une demande était présentée au milieu d’une audience, lorsqu’il devenait évident que les témoins étaient dans un tel état de détresse qu’ils ne pourraient poursuivre leur témoignage sans aide.

Les demandes aux termes des articles 486.1 et 486.2 doivent être présentées au cours de l’instance au juge de paix ou au juge, ou avant le début de l’instruction au juge de paix ou au juge qui instruira l’affaire. Les participants ont indiqué que la plupart des demandes étaient présentées le jour même de l’audience; ce n’est qu’à cette date que le juge président est connu et disponible aux termes des paragraphes 486.1(2.1) et 486.2(2.1). Ces demandes de dernière minute peuvent représenter un stress pour le témoin. Les demandes relatives à des procès en cour supérieure sont généralement présentées à l’avance, puisque l’affaire aura été confiée à un représentant du ministère public et le juge de paix ou le juge président est connu. Par ailleurs, l’avocat de la défense est informé de l’intention de présenter une demande de mesure de soutien au témoignage à la conférence préalable à l’instruction. Plusieurs participants ont dit qu’il est souvent difficile de présenter une demande avant l’audience au juge de paix ou au juge qui instruira l’affaire parce que le juge de l’instance peut ne pas être connu d’avance. Ce point engendre une certaine préoccupation, c’est-à-dire l’incertitude pour le témoin qui doit attendre au dernier moment pour savoir si la demande de mesure de soutien au témoignage sera accueillie. Des participants ont aussi fait remarquer que des ajournements peuvent survenir par suite de la présentation tardive de demandes.

Des participants ont évoqué le problème lié au « besoin de dernière minute » de mesures de soutien au témoignage. Par exemple, un témoin vulnérable peut éprouver de la panique, une angoisse accrue ou une peur intense en entrant dans la salle d’audience. Il se peut que cette réaction n’ait pas été anticipée avant la comparution. On rapporte que dans ces cas, des écrans ont été utilisés puisque la CCTV n’est pas toujours disponible dans un court préavis.

3.7 Temps de préparation nécessaire pour présenter une demande

Nous avons demandé aux représentants du ministère public combien de temps de préparation était nécessaire pour présenter les demandes de mesures de soutien au témoignage d’adultes vulnérables. Les réponses des participants variaient beaucoup. Lorsque l’avocat de la défense s’oppose à la demande, il faut tenir une audience susceptible de prendre beaucoup de temps. Les avocats de la défense s’opposent plus souvent aux demandes « discrétionnaires » qu’aux demandes « présomptives ».

L’existence de précédents en matière de procédure et de jurisprudence peut réduire le temps de préparation des représentants du ministère public.

[Traduction] Une demande a pris « passablement de temps » - le juge a demandé des mémoires écrits. J’ai convoqué un expert -  la rédaction du rapport a pris du temps. Le temps de préparation est un problème, mais cela ne m’empêcherait pas de présenter une demande.

3.8 Facteurs susceptibles d’influer sur la présentation ou non d’une demande de mesures de soutien au témoignage d’adultes vulnérables

Nous avons demandé aux représentants du ministère public quels facteurs, le cas échéant, guident leur décision de présenter ou non une demande de mesures de soutien au témoignage d’adultes vulnérables. Ils ont mentionné des facteurs comme la charge de travail, le temps nécessaire pour présenter la demande et la reconnaissance tardive des besoins particuliers du témoin. Des participants ont évoqué le coût d’une évaluation professionnelle, mais la plupart d’entre eux croient qu’ils obtiendraient l’approbation de leur direction.

Un participant a souligné que lors de l’audition d’une demande, le psychiatre qui traitait le témoin a témoigné bénévolement de la nécessité d’une mesure de soutien au témoignage. D’autres participants ont mentionné que la communication des documents ou dossiers médicaux disponibles n’engendrait pas de coût.

3.8.1 Présentation d’une demande -un exemple du processus employé dans une administration

  1. Le représentant du ministère public et l’intervenant des services aux victimes rencontrent séparément le témoin le plus tôt possible et ainsi, « le processus est en place ».
  2. Le témoin est mis au courant de la disponibilité de mesures de soutien au témoignage.
  3. Les intervenants des services aux victimes sont proactifs, en ce sens qu’ils vont frapper à la porte du représentant du ministère public pour l’informer de la nécessité d’une mesure de soutien au témoignage.
  4. Les demandes sont présentées des semaines avant l’audience. Les avocats de la défense sont informés par lettre et en général, ils ne s’opposent pas à la demande.
  5. L’administration de la cour est avisée et se prépare en conséquence.
  6. Il est rare qu’une demande soit présentée le jour de l’audience.

De l’avis d’un représentant du ministère public, le coordonnateur des rôles peut jouer un rôle essentiel pour faciliter le traitement des demandes.

3.9 Fournisseurs de services aux victimes : intervention auprès de témoins adultes vulnérables

Nous avons demandé à des fournisseurs de services aux victimes de parler du temps qu’ils consacrent aux interventions auprès de témoins adultes vulnérables. La plupart des participants ont dit que plusieurs rencontres avec le témoin et le coordonnateur des rôles ou des causes sont nécessaires pour satisfaire aux besoins du témoin et faire en sorte que les aménagements nécessaires sont mis en œuvre. Au cours des rencontres avec les services aux victimes, il est possible de cerner les besoins particuliers de témoins, par exemple des services d’interprète et la nécessité de mesures de soutien et d’aménagements spéciaux. Au cours de leur première rencontre avec les services aux victimes, les témoins peuvent faire état de leurs préoccupations ou de leur crainte de témoigner. Les participants ont insisté sur l’importance de planifier tôt. Les participants ont aussi fait remarquer que bien qu’on communique avec les témoins, ceux-ci n’utilisent pas tous leurs services, d’où l’identification « à la dernière minute » d’un témoin vulnérable. Dans plusieurs administrations, les services aux victimes reçoivent les renseignements sur les témoins au moment du dépôt des accusations. Certains services aux victimes, par exemple ceux qui n’ont pas de rapport direct avec le bureau du ministère public, peuvent n’obtenir des renseignements sur le témoin que plus tard dans le processus.

3.10 Positions de l’avocat de la défense 

Nous avons obtenu des réponses variables à la question de savoir si l’avocat de la défense s’oppose ou consent en général aux demandes de mesures de soutien au témoignage d’adultes vulnérables. Les participants avaient l’impression que les avocats de la défense s’opposent à la plupart des demandes « discrétionnaires », sauf quelques exceptions notables. Des participants font remarquer que l’avocat de la défense peut consentir à une demande visant l’enquête préliminaire tout en s’opposant à la demande en vue du procès dans le même dossier. Dans de petites collectivités, l’avocat de la défense semble consentir plus facilement aux demandes. Dans quelques grandes administrations, lorsque les participants présentent fréquemment des demandes pour des adultes vulnérables, les avocats de la défense sont plus susceptibles de donner leur consentement.  

3.11 Retards et ajournements susceptibles d’être causés par des demandes

Des participants ont mentionné que des retards et des ajournements sont possibles si une évaluation professionnelle à l’appui d’une demande est requise. Les participants mentionnent avoir demandé un écran pour leur témoin, au lieu de la CCTV, puisque la CCTV aurait engendré un retard. Par ailleurs, si un expert doit témoigner au sujet d’un témoin adulte vulnérable, un ajournement est possible. Lorsque la défense s’oppose à une demande, des retards sont possibles. Lorsqu’aucune demande de mesures de soutien au témoignage n’a été présentée, mais que le témoin a une réaction intense en entrant dans la salle d’audience et est incapable de témoigner, des retards sont possibles.

3.12 Issues des demandes

Nous avons demandé aux représentants du ministère public les motifs de rejet de leurs demandes pour des témoins adultes vulnérables. Leur réponse donne à penser que beaucoup de demandes « présomptives » ont été accueillies tandis qu’ils ont eu moins de succès avec leurs demandes « discrétionnaires ». D’après ce qu’ils en ont dit, bon nombre des demandes « discrétionnaires » n’avaient pas « satisfait à la norme ». Il semble y avoir de grandes variations au sein des administrations et d’une administration à une autre par rapport à l’approbation des demandes « discrétionnaires ». Quelques représentants du ministère public ont dit que leurs demandes sont presque toujours accueillies.

Voici certains motifs de rejet de demandes :

3.13 Attitudes, opinions, réflexions et expériences vécues par rapport aux écrans et à la CCTV ou à la vidéoconférence

Les participants ont exprimé un éventail d’opinions sur l’utilisation d’écrans par rapport au témoignage à l’extérieur de la salle d’audience à l’aide de la CCTV ou de la vidéoconférence. Ils invoquaient différentes raisons pour expliquer pourquoi un accommodement était demandé, de préférence à un autre, pour un témoin adulte vulnérable. Des représentants du ministère public demandent un écran, croyant qu’il est plus facile de l’obtenir que la CCTV. Certains représentants du ministère public disent préférer que le témoin soit présent dans la salle d’audience et utilise un écran, tandis que d’autres n’envisageraient pas de demander un écran puisqu’ils estiment que la CCTV ou la vidéoconférence est un dispositif plus efficace. De nombreux participants ont convenu que le recours à une mesure de soutien au témoignage a permis au témoin de donner un récit complet et franc des faits. Des représentants du ministère public ont parlé du choc affectif pour le témoin lorsque celui-ci entre dans la salle d’audience et voit l’accusé, un choc qu’ils croient possible d’atténuer au moyen de la CCTV ou de l’écran. D’autres participants ont fait part de l’importance d’offrir aux témoins vulnérables des options pour témoigner et d’avoir la possibilité d’exprimer leurs souhaits concernant la façon de témoigner. Dans certaines salles d’audience, les mesures de soutien au témoignage sont limitées et un écran mobile peut être la seule aide disponible. Dans quelques endroits, une personne de confiance peut être le seul choix.

Résumé des attitudes, des opinions, des réflexions et des expériences vécues pa rapport aux écrans et à la CCTV ou à la vidéoconférence [traduction]

  • Observations au sujet des écrans
    • Je préfère un écran - je tiens à la présence du témoin dans la salle d’audience
    • J’avais pensé à la CCTV, mais les juges sont réticents -il y a une préférence pour l’écran
    • Les écrans sont utiles, mais ils ne règlent pas le problème de devoir passer devant l’accusé
    • Certains écrans posent problème - il y a un espace dans la partie inférieure (où l’écran repose sur la barre du témoin) et le témoin peut voir l’accusé. Certains écrans endommagés sont inefficaces
    • Dans les affaires relatives à des groupes criminels, les témoins peuvent être des délateurs ou être terrifiés à l’idée de témoigner et d’être identifiés. On utilise des écrans spéciaux - le témoin ne peut pas voir l’accusé et inversement.
    • Je peux demander un écran ou la CCTV -cela dépend de chacun
  • Observations au sujet du témoignage à l’extérieur de la salle d’audience par CCTV ou vidéoconférence
    • Lorsqu’un témoin est stressé ou craintif, il ne nous donne pas son meilleur témoignage -la CCTV nous aide à obtenir un témoignage de meilleure qualité
    • La CCTV a permis au témoin de donner un récit complet et franc des faits -sans cette mesure, le témoin aurait été incapable de s’exprimer
    • Des témoins seraient incapables de témoigner s’ils se trouvaient dans la même pièce que l’accusé
    • La CCTV ne donne qu’une perspective bidimensionnelle du témoin -l’impact émotionnel fait défaut pour la cour
    • Lorsqu’un témoin est bouleversé - c’est en soi un élément de preuve puissant. Avec la vidéoconférence, le témoin semble plus détendu. Je préfère voir le témoin dans la salle d’audience que dans une autre pièce.
    • Avec la CCTV, avec un écran de qualité, le témoin est « virtuellement présent » dans la salle d’audience.

Tous les participants pouvaient clairement illustrer l’importance des mesures de soutien au témoignage pour faciliter le témoignage d’adultes vulnérables.

[Traduction] Il ne fait aucun doute que si nous n’avions pas les mesures de soutien au témoignage, des causes ne pourraient pas être instruites. Si nous avions un témoin extrêmement traumatisé, nous n’irions pas plus loin sans mesures de soutien au témoignage.

Les représentants du ministère public ont souligné l’importance de former ceux d’entre eux qui ne sont pas à l’aise avec la technologie, ainsi que les plus jeunes qui connaissent bien la technologie, mais qui ne savent pas très bien comment s’y prendre pour présenter une demande. En outre, il est important de faire une démonstration de l’équipement de CCTV pour l’avocat de la défense (pour ceux qui ne l’ont pas utilisé) si possible, avant la date de l’audience. Cette orientation peut apaiser bien des préoccupations qu’ils peuvent avoir et même les amener à ne pas s’opposer à la demande.

3.14 Quelques points de vue et expériences vécues de représentants du ministère public dans les collectivités où siège une cour de circuit

Intimidation et utilisation de mesures de soutien au témoignage

Un représentant du ministère public a fait remarquer que dans bien des collectivités nordiques, l’influence et les pressions exercées sur les victimes et les témoins pour qu’ils ne témoignent pas peuvent être immenses. Par conséquent, les représentants du ministère public essaient d’utiliser des mesures de soutien au témoignage. Ils apportent eux-mêmes des dispositifs d’aide au témoignage lorsqu’ils se rendent à des cours satellites. Ils n’ont pas eu autant de succès avec la CCTV puisque des problèmes se posent avec la technologie. L’équipement portatif est très encombrant.

Changement de lieu

Dans des situations où des témoins adultes vulnérables risquaient d’être intimidés par des membres de la collectivité, les représentants du ministère public ont présenté une demande impromptue de changement de lieu de l’audience. Cela signifie que la victime peut sortir d’une collectivité hostile et avoir accès à un palais de justice doté de la CCTV.

Témoigner dans des collectivités petites et éloignées

La cour peut être un « spectacle public » pour les membres d’une petite collectivité. Il n’y a souvent aucune salle d’attente pour le témoin - aucun endroit privé où tenir une rencontre - tous les gens vont et viennent devant lui. Le plaignant doit être vraiment résolu à témoigner.

Des rencontres par vidéoconférence avec des témoins sont possibles 

Tant les représentants du ministère public que les intervenants des services aux victimes ont utilisé la vidéoconférence pour communiquer avec des témoins lorsqu’il leur est impossible de se rendre dans des collectivités éloignées avant la date de l’audience. Ils insistent sur la nécessité d’utiliser un lieu sûr, privé - certains bureaux locaux n’offrent pas d’intimité au témoin.

Défi inhérent à la géographie dans les collectivités éloignées

Il est important de rencontrer un témoin avant l’audience afin de pouvoir évaluer son aptitude à communiquer et les préoccupations que suscite chez lui le fait de témoigner. L’éloignement peut engendrer des défis.

Barreau

Il y a un barreau collégial dans notre petite collectivité et un sentiment de confiance entre les différents avocats de sorte que la défense est plus susceptible de consentir aux demandes.

Technologie

La disponibilité de l’équipement continue de poser un problème dans bien des collectivités nordiques. Des représentants du ministère public apportent leur ordinateur personnel. La plupart des cours de circuit ne sont pas dotées d’écrans. Les solutions techniques sont utiles et valables, mais la technologie est aussi coûteuse et évolue sans cesse. Dans les collectivités éloignées, nous avons besoin de budget pour que les services judiciaires puissent se doter de la technologie nécessaire.

Dans les cours de circuit, lorsqu’aucun dispositif d’aide au témoignage n’est disponible, une solution consiste à placer le témoin vulnérable face au juge et non face à la galerie.

Retards

Lorsque l’avocat de la défense s’oppose à une demande et que celle-ci est débattue au début du procès, on conseille aux services judiciaires d’avoir l’équipement à la portée de la main afin d’éviter des retards. 

3.15 Déposition enregistrée sur vidéo – article 715.2

L’article 715.2 du Code criminel dit :

Par. 715.2 (1) Dans les procédures dirigées contre l’accusé, dans le cas où une victime ou un témoin est capable de communiquer les faits dans son témoignage mais éprouve de la difficulté à le faire en raison d’une déficience mentale ou physique, l’enregistrement vidéo réalisé dans un délai raisonnable après la perpétration de l’infraction reprochée et montrant la victime ou le témoin en train de décrire les faits à l’origine de l’accusation est, sauf si le juge ou le juge de paix qui préside est d’avis que cela nuirait à la bonne administration de la justice, admissible en preuve si la victime ou le témoin confirme dans son témoignage le contenu de l’enregistrement.

Il semblerait que les demandes aux termes de l’article 715.2 sont rares pour les témoins adultes vulnérables. Deux des 18 représentants du ministère public ont dit avoir présenté chacun une demande en application de cet article. Un des intervenants des services aux victimes a donné un exemple de la façon dont la déposition d’un adulte vulnérable a été admissible en preuve.

[Traduction] Les accusations se rapportaient à une agression sexuelle. La victime avait subi plusieurs blessures graves et éprouvait aussi un trouble émotif considérable en conséquence. À l’appui de la demande, le ministère public a fait témoigner l’intervenant des services aux victimes et le policier qui ont fait part de leurs observations du témoin ainsi qu’un médecin qui a parlé de son état de santé. La demande a été accueillie.

De l’avis d’un participant, on pourrait envisager pour certains témoins vulnérables de présenter une demande aux termes du paragraphe 540(7) du Code criminel qui permet au représentant du ministère public de présenter le témoignage d’un témoin sous la forme d’une déclaration antérieure au lieu de le faire témoigner de vive voix. Si la Cour accueillait cette demande, cela rendrait inutile le témoignage du témoin à l’enquête préliminaire.

3.16 Exclusion de membres du public – paragraphe 486(1) 

Le paragraphe 486(1) du Code criminel prévoit que :

Par. 486(1) Les procédures dirigées contre l’accusé ont lieu en audience publique, mais le juge ou le juge de paix qui préside peut ordonner d’exclure de la salle d’audience l’ensemble ou l’un quelconque des membres du public.

Trois des dix-huit représentants du ministère public avaient présenté des demandes afin d’exclure les membres du public de la salle d’audience. L’une des demandes visait à exclure nommément des membres de la famille du témoin vulnérable. Les participants ont laissé entendre que les facteurs suivants peuvent empêcher un représentant du ministère public de présenter une demande relative à l’exclusion de membres du public de la salle d’audience :

Quelques participants ont laissé entendre qu’il y a des solutions de rechange à une demande officielle d’exclusion de membres du public, par exemple une demande officieuse au juge d’exclure de la salle d’audience quelques-uns ou l’ensemble des membres du public.

3.17 Nomination d’un avocat pour mener le contre-interrogatoire à la place de l’accusé se représentant seul - paragraphe 486.3(2)

L’ancien projet de loi C‑2 a élargi le pouvoir de la Cour de nommer un avocat pour procéder au contre-interrogatoire d’une victime lorsque l’accusé se représente seul. Lorsque le témoin est mineur ou est une victime adulte de harcèlement criminel, le juge ordonne, sur demande, la nomination d’un avocat pour procéder au contre-interrogatoire, à moins que cette ordonnance ne nuise à la bonne administration de la justice. Le juge peut aussi, à sa discrétion, nommer un avocat pour contre-interroger un témoin adulte dans une quelconque instance lorsqu’il est d’avis que cela est nécessaire pour obtenir du témoin un récit complet et franc des faits.

Les participants ont fait remarquer que le nombre d’accusés se représentant seuls augmente de façon considérable et que les demandes en vue de nommer un avocat pour procéder au contre-interrogatoire sont assez fréquentes dans les affaires de violence conjugale et dans les affaires d’agression sexuelle. Plus de la moitié des représentants du ministère public ont dit avoir présenté des demandes aux termes du paragraphe 486.3(2).