Témoins adultes vulnérables : Les perceptions et le vécu des représentants du ministère public et des fournisseurs de services aux victimes à l’égard des dispositions relatives aux mesures de soutien au témoignage
4. Conclusions
Les participants avaient bien des réflexions à nous faire part sur les obstacles que les adultes vulnérables doivent surmonter et sur le recours aux dispositifs d’aide au témoignage. Les remarques ci-dessous illustrent le vaste éventail des opinions et des points de vue que nous avons recueillis.
- Il y a une présomption que les adultes sont « OK » et qu’ils n’ont pas besoin de dispositif d’aide au témoignage.
- Il est « difficile, sinon impossible » d’obtenir la CCTV pour un témoin adulte.
- La situation actuelle des adultes vulnérables est identique à la situation des enfants avant 2006.
- Il est préoccupant qu’après que le représentant du ministère public ait présenté une demande, le juge décide que le témoin devrait essayer de témoigner pour « vérifier » s’il a besoin du dispositif d’aide. Si les victimes et les témoins craintifs et intimidés voient l’accusé, ils se ferment et il n’y a donc pas de témoignage, ce qui va à l’encontre de l’objet même de la loi.
- L’identification tardive du témoin vulnérable demeure un obstacle à une démarche proactive pour obtenir des dispositifs d’aide au témoignage.
- Le rôle de la cour provinciale est versé dans l’intranet; une question se pose concernant la protection de l’identité du témoin, surtout lorsque le chef d’accusation est l’inceste.
- Un problème se pose du fait que la demande doit être présentée au juge assigné pour présider l’instance - cela fait souvent en sorte que la demande est présentée le jour même de l’audience, et non au préalable, ce qui est l’idéal.
- Dans les tribunaux spécialisés en violence conjugale, plusieurs procès sont souvent mis au rôle pour la matinée et plusieurs autres pour l’après-midi. Le temps est compté et il est donc difficile de planifier et de repérer les témoins qui pourraient avoir besoin d’un dispositif d’aide.
- Dans les collectivités petites, éloignées et isolées, les témoins se montrent souvent peu coopératifs avec le représentant du ministère public. Ils peuvent dire que les faits ne se sont pas produits ou qu’ils ne s’en souviennent pas; ils n’expriment pas leur crainte et il est donc difficile de présenter des éléments de preuve de leur vulnérabilité.
- Dans les endroits où siège la cour de circuit, en plus d’un manque de dispositifs d’aide au témoignage, il n’y a pas de salle d’attente pour le témoin et aucune intimité. Parfois, toute la population locale vient assister à l’audience. Les témoins attendent parfois dehors dans un véhicule. C’est difficile pour les témoins même lorsqu’un écran et, parfois, un dispositif portatif de CCTV est fourni.
4.1 Dernières réflexions des participants interviewés
[Traduction]
Il faut tirer parti du Code criminel et des possibilités qu’il offre. L’information est la clé - il faut informer les gens de leurs options. Il faut présenter les demandes. Il faut préparer le témoin.
Les demandes relatives à la CCTV et à la personne de confiance devraient « aller de pair ».
Il faudrait signaler les affaires comportant des témoins adultes vulnérables. En tant que représentants du ministère public, nous comptons sur les policiers à cette fin. Il est essentiel qu’on nous le signale à l’avance. Nous pouvons alors obtenir les renseignements dont nous avons besoin pour planifier et prendre des dispositions.
Nous devons parler de ces causes. Nous devons présenter des demandes pour les témoins adultes vulnérables. Essayons. Comme nous l’avons fait une fois, nous pouvons le refaire. Nous pouvons dire : « Ça a bien fonctionné - nous pouvons donc le refaire ».
C’est dans la loi - nous qui jouons un rôle dans l’administration de la justice avons besoin de plus de sensibilisation, de connaissances et d’éducation.
Il faudrait créer un aide-mémoire de la jurisprudence relative aux adultes vulnérables et un modèle ou un guide succinct pour présenter des demandes.
Le coût élevé des évaluations et le coût relatif aux témoignages d’experts pour établir l’existence d’une déficience mentale sont des obstacles à la présentation de ces demandes. Le gel du financement et les délais inhérents aux évaluations posent aussi problème et entravent l’accès à la justice.
Dans certains palais de justice, la salle d’audience n’est pas toujours adjacente à la salle réservée au témoignage. Des problèmes peuvent surgir lorsqu’il manque de personnel judiciaire pour apporter les documents pertinents ou les pièces dans la salle réservée au témoignage. Il faut adopter une approche globale pour trouver une solution puisqu’il s’agit d’un problème global.
4.2 En résumé
L’information réunie dans le présent rapport représente les perceptions et le vécu de représentants du ministère public et de fournisseurs de services aux victimes à l’égard des dispositifs d’aide au témoignage pour des victimes adultes vulnérables. Les données proviennent d’entretiens menés avec des participants qui ont répondu à plusieurs questions sur l’utilisation de ces dispositifs. Elles révèlent un degré considérable de variation dans le vécu et les perceptions des participants; cette variation est attribuable en partie à l’emplacement et à la taille d’une collectivité donnée. Autrement dit, les défis sont différents dans les petites collectivités éloignées comparativement aux défis qui surgissent dans les grands centres urbains. Nous rappelons aux lecteurs que les constatations présentées ici ne peuvent être généralisées à l’ensemble des représentants du ministère public ou des fournisseurs de services aux victimes ni au Canada dans son ensemble.
Tant dans le contexte urbain que dans le contexte rural, de nombreux problèmes sont liés à un manque de compréhension et de connaissances chez les participants à l’administration de la justice : l’effet de traumatismes et de la victimisation sexuelle sur la participation des témoins; les problèmes de santé mentale en général; la satisfaction des besoins des personnes handicapées et la façon de travailler avec elles; et la façon dont une déficience peut influer sur la participation de témoins dans le système de justice pénale.
Par ailleurs, tant les représentants du ministère public que les fournisseurs de services aux victimes ont réclamé l’élimination des obstacles pour les témoins vulnérables traumatisés et intimidés. Les victimes et les témoins susceptibles d’être craintifs à l’idée de signaler des crimes de violence pourraient être plus susceptibles de le faire s’il y avait une plus grande certitude concernant la disponibilité de dispositifs d’aide au témoignage. Les participants s’entendaient sur le fait qu’il peut être extrêmement important d’utiliser des dispositifs d’aide au témoignage pour aider les adultes vulnérables à donner un récit complet et franc des faits d’un acte criminel allégué.
Références
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