Gérer les difficultés de contact : une approche axée sur l'enfant
2003-FCY-5F
RÉSUMÉ
Introduction
C'est un défi d'entretenir des relations utiles aux enfants des familles qui ont vécu un divorce. Dans certaines familles, les problèmes relationnels commencent bien avant la séparation. Dans d'autres, les enfants sont les témoins impuissants du drame que vivent leurs parents. La quantité plutôt que la qualité des contacts peut devenir la question capitale pour les parents. Les comportements aliénants sont parfois subtils et un parent peut ne pas en percevoir les effets sur l'enfant. On ne peut les attribuer à une cause unique, mais ils sont préjudiciables pour les enfants. Dans des circonstances plus extrêmes, les compétences parentales des deux parents sont compromises. Dans la documentation, les problèmes entourant les relations enfant‑parents après le divorce sont de plus en plus qualifiés de « difficultés de contact »
.
Les contacts enfant-parents visent à fournir aux enfants des possibilités de nouer de bonnes relations avec les deux parents. Leurs modalités devraient refléter les besoins individuels des enfants et aider à réduire le conflit entre les parents. La genèse et la dynamique des difficultés de contact sont complexes. Pour les comprendre, il faut examiner minutieusement les comportements et les réactions des enfants ainsi que les parents et la situation créée pour la famille après le divorce. Les décisions entourant le régime de garde, et notamment le calendrier résidentiel de l'enfant, sont souvent source de conflits pour les parents. Dans certaines circonstances, les relations minimales ou inexistantes enfant‑parent représentent l'abandon d'un enfant par un parent. Les difficultés de contact peuvent aussi refléter la répugnance d'un enfant à passer du temps avec un parent. Dans d'autres circonstances, le conflit constant des parents entrave la capacité de la famille à entretenir de bonnes relations enfant‑parents. Pour certains parents, le caractère antagoniste des poursuites crée des difficultés de contact.
But
Le présent document traite de l'utilité du syndrome d'aliénation parentale (SAP) et des autres explications proposées à l'égard de l'aliénation. À partir des résultats d'un examen de la documentation et de consultations auprès d'informateurs clés au Canada et à l'étranger, les auteurs ont formulé plusieurs questions critiques entourant les difficultés de contact. Ce document décrit en quoi les contacts sont utiles aux enfants, les facteurs qui influent sur les contacts, l'expérience de ceux-ci par les enfants, la prévalence des difficultés et les variables des éléments qui sapent ou entravent les relations enfant‑parents. Le document décrit aussi les implications en matière de gestion des difficultés de contact ainsi que les orientations possibles des solutions axées sur l'enfant et destinées à résoudre les difficultés de contact.
Résultats de l'examen de la documentation et des entrevues d'informateurs clés
Le terme « syndrome d'aliénation parentale »
a tout d'abord été utilisé en 1985 par Richard Gardner pour décrire des difficultés de contact qui, selon lui, combinaient la programmation parentale avec les scénarios propres à l'enfant en vue de dénigrer le parent censément haï. En 1993, Janet Johnston a déclaré que la contribution de l'enfant aux difficultés devait aussi être examinée. En 2001, avec Joan Kelly, elle a reformulé son modèle préalable afin de mettre en lumière le point de vue de l'enfant aliéné dans l'explication des difficultés de contact et la préparation d'éventuelles interventions. Les débats de spécialistes foisonnent afin de déterminer quelles sont la formule, celle de Gardner ou celle de Kelly et Johnston, et les interventions qui correspondent à l'intérêt supérieur des
enfants. Les médias ont attiré l'attention sur des cas de difficultés de contact en décrivant des situations contentieuses à partir d'opinions professionnelles qui n'ont pas fait l'objet de méthodes acceptables de recherche scientifique.
Nombre d'intervenants sont d'avis que la terminologie de Gardner complique la confrontation entre les parents. Les auteurs ont trouvé peu d'appui à la proposition de Gardner voulant que les comportements aliénants soient assez probants pour être considérés comme un syndrome aux fins du diagnostic. Plus récemment, une tendance prend de l'ampleur dans la documentation en vue de cerner les comportements qui influent sur les relations des parents après le divorce. Cette conceptualisation est considérée utile puisqu'elle fournit une base pour les interventions visant à améliorer les relations favorables aux enfants.
Les relations enfant-parents après le divorce varient énormément. Les éléments dénotant une prévalence des comportements aliénants dans la population de divorcés sont anecdotiques, mais ils donnent tout de même à penser que leur nombre augmente. Cette augmentation peut être attribuée à l'amélioration des diagnostics, à la disponibilité de l'information pour les parents, à une meilleure compréhension du système judiciaire, à l'accent accru accordé aux décrets de soutien à l'enfant et à leur exécution ainsi qu'à la perception des arrérages et au rôle des médias. Selon les recherches préliminaires, les mères et les pères risquent autant les unes que les autres d'adopter un comportement aliénant et obstructif.
Les auteurs n'ont pas trouvé de recherches portant sur l'évaluation des résultats d'interventions précises. Les recherches axées sur l'aliénation sont de nature exploratoire, dépendant de statistiques descriptives et de corrélations entre variables. Elles présentent des difficultés méthodologiques inhérentes, par exemple de petits échantillons et des techniques d'échantillonnage tendancieuses ainsi que des sources d'information non indépendantes, des descriptions inadéquates d'échantillons, un manque de groupes témoins et une incohérence dans les définitions et les mesures d'une étude à l'autre.
Étant donné la gamme des relations de parentage après le divorce et la diversité des situations familiales, l'examen de la documentation et les entrevues auprès des informateurs clés laissent entrevoir qu'une solution unique pour toutes les situations n'est pas réaliste. Il faut une gamme de stratégies portant sur les difficultés de contact. Les parents ayant peu de conflits entre eux tirent profit d'une formation axée sur les besoins des enfants et sur l'apprentissage de stratégies efficaces de communication et de résolution de différends. Pour beaucoup de parents aux prises avec de nombreux conflits, les interventions en santé mentale associées à l'autorité des tribunaux peuvent être une stratégie efficace pour forger des relations après le divorce. Cette approche permet d'atténuer les frustrations des parents lorsque le système ne reconnaît pas leurs points de vue. L'intervention précoce et la gestion des cas dans le système judiciaire sont essentielles, car plus les parents se retranchent sur leurs positions et les enfants, dans leurs réactions, plus le règlement des difficultés de contact devient difficile. L'autorité judiciaire, par l'entremise du juge ou d'une personne désignée par le tribunal, comme un coordonnateur parental, est nécessaire pour responsabiliser les parents à l'égard de leurs comportements. Les problèmes systémiques, comme les longues attentes pour les dates d'audition devant les tribunaux et les ajournements fréquents, exacerbent les difficultés de contact.
Les parents ont souvent des attentes impossibles à satisfaire à l'égard du système judiciaire. Une représentation uniformément non accusatoire les aiderait à comprendre les limites du processus et l'issue probable des audiences. Cela leur serait également utile pour prendre des décisions éclairées au sujet des options de règlement de différends qui s'offrent à eux. Les ordonnances judiciaires doivent être claires, établissant en détail ce qui est attendu des deux parents.
La documentation est partagée en ce qui concerne les stratégies de gestion lorsqu'une allégation a été déposée. De plus, il n'y a pas de consensus quant au régime préféré des contacts lorsqu'une allégation est corroborée. À moins qu'il ne s'agisse d'un enfant à risque, l'élimination complète des contacts favorise rarement son intérêt supérieur parce qu'il peut y avoir d'autres aspects de la relation qui méritent d'être préservés. Il pourrait être nécessaire d'envisager des formes modifiées de contact telles que des contacts supervisés, des lettres et des appels téléphoniques.
Une approche axée sur l'enfant pour atténuer les difficultés de contact
En se fondant sur l'examen de la documentation et sur les consultations des informateurs clés, les auteurs ont cerné un certain nombre de stratégies portant sur les difficultés de contact. Des initiatives nationales d'éducation donnent accès à des renseignements qui peuvent aider les parents à exercer leurs responsabilités parentales d'une manière qui profite aux enfants. Ces initiatives peuvent aussi influencer les autres intervenants dont le rôle est important dans la vie des enfants, par exemple, les membres de la famille élargie, les éducateurs et les médecins.
Il y a peu de publications à jour sur les enfants et les jeunes au Canada. La technologie offre toutes sortes de possibilités de créer des sites Web, des vidéos et des affiches qui peuvent être présentés dans les écoles et les centres communautaires. Ce sont là des moyens utiles, peu coûteux et conviviaux pour atteindre les jeunes.
Une approche axée sur l'enfant et portant sur les difficultés de contact serait favorisée si les professionnels avaient une formation spécialisée pour mieux comprendre les difficultés de contact, les variables qui contribuent à l'aggravation des problèmes et les dilemmes éthiques qui peuvent survenir. Il faut aussi une formation visant à assurer la confidentialité dans le contexte du règlement des difficultés de contact.
Une stratégie indépendante et impartiale visant à obtenir le point de vue de l'enfant est aussi requise. Les interventions socio-judiciaires permettent de tenir compte du point de vue de l'enfant. Le fait de permettre aux enfants et aux jeunes de s'exprimer oralement et par écrit leur donne la chance de prendre en main leurs propres affaires et d'apprendre l'importance d'une participation constructive à la société. Le concept du tribunal unifié de la famille (TUF), mis en œuvre dans certaines administrations canadiennes, est un modèle important pour gérer les cas de difficultés de contact. Pour ce groupe de familles, la prévisibilité est essentielle. Les services auxiliaires liés aux TUF ou utilisés par eux permettent d'effectuer les évaluations requises dans les cas de difficultés de contact. La fonction spécialisée des TUF est d'encourager la collaboration qui est essentielle à la gestion fructueuse des cas.
Les services spécialisés offerts par un personnel formé et expérimenté aident à régler les difficultés de contact et à maintenir les contacts en permanence entre enfants et parents. Parmi les autres services importants figurent les transferts supervisés, les centres de contact, les coordonnateurs parentaux et la thérapie pour enfants et parents. Les transferts d'enfants ne devraient pas se faire au poste de police.
Il est urgent d'effectuer des recherches pour parfaire nos connaissances des stratégies appuyant les relations enfant‑parents. Des réunions d'experts de disciplines diverses pourraient constituer un forum permettant d'établir un programme de recherche et de discuter des difficultés des pratiques selon la réalité. La création d'un centre d'excellence chargé d'effectuer des recherches, de donner de la formation et des conseils stratégiques et d'agir comme centre d'information appuierait le but énoncé par le gouvernement, à savoir instaurer une stratégie du droit de la famille axé sur l'enfant.
Malgré le défi constitué par les difficultés de contact, de nombreuses initiatives stratégiques et pratiques peuvent être réalisées pour répondre aux préoccupations des intervenants et mettre de l'avant la stratégie canadienne du droit de la famille axé sur l'enfant.
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