Article 19 – Procédures devant les tribunaux établis par le parlement et devant les tribunaux du Nouveau-Brunswick
Dispositions
Procédures devant les tribunaux établis par le Parlement
19.(1) Chacun a le droit d'employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux établis par le Parlement et dans tous les actes de procédure qui en découlent.
Procédures devant les tribunaux du Nouveau-Brunswick
(2) Chacun a le droit d'employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux du Nouveau-Brunswick et dans tous les actes de procédure qui en découlent.
Dispositions semblables
Des dispositions presque identiques lient les tribunaux du Québec, du Canada et du Manitoba en vertu de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et l'article 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba, respectivement. Voir également l'article 14 de la partie III (Administration de la justice) de la Loi sur les langues officielles fédérale de 1988 et les alinéas 530.1 a), b) et c) de la partie XVII (Langue de l’accusé) du Code criminel.
Objet
La jurisprudence de la Cour suprême du Canada est à l’effet que les droits que garantit l’article 19 de la Charte sont de même nature et portée que ceux garantis par l’art. 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et l’art. 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba (Société des Acadiens, au paragraphe53)Note de bas de page 10. Ces dispositions partagent un but commun, soit celui d'assurer aux francophones et aux anglophones l'accès égal aux tribunaux (Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, à la page 739).
Jurisprudence
1. La portée du droit
L’art. 19 de la Charte prévoit le droit de chacun d’employer le français ou l'anglais devant les tribunaux établis par le Parlement (paragraphe 19(1)), les tribunaux du Nouveau-Brunswick (paragraphe 19(2)) ainsi que dans tous les actes de procédure qui en découlent.
Le droit d’utiliser l’une ou l’autre des langues officielles n’implique pas celui d’être entendu ou compris par ceux et celles à qui l’on s’adresse (Société des Acadiens, au paragraphe 53; Mercure, à la page 298; Cross, au paragraphe 31; Kilrich, au paragraphe 74).
2. L’expression « tribunaux »
Le paragraphe 19(1) de la Charte s'applique aux procédures dont sont saisis les tribunaux établis par une loi du Parlement (MacKenzie, aux paragraphes 36 à 39).
Le terme « tribunaux » inclut les organismes quasi judiciaires. Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si un organisme non judiciaire doit être considéré comme un « tribunal » est énoncé de la façon suivante : il s’agit d’organismes créés par la loi qui ont le pouvoir de rendre la justice, qui appliquent des principes juridiques à des demandes présentées en vertu de leur loi constitutive et ne règlent pas les questions pour des raisons de convenance ou de politiques administratives (Blaikie no 1, aux pages 1017-1018 et Société des Acadiens, au paragraphe 53).
Les droits que garantit le paragraphe 19(2) de la Charte à l’égard des tribunaux du Nouveau-Brunswick sont de même nature et portée que ceux garantis par l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 en ce qui concerne les tribunaux du Canada et ceux du Québec (Société des Acadiens, au paragraphe 53). Par conséquent, le paragraphe 19(2) se rapporte non seulement aux cours du Nouveau-Brunswick visées par l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 mais également aux cours créées par cette province et où la justice est administrée par des juges nommés par elle (Blaikie no 1, à la page 1028).
3. Les détenteurs du droit
Les droits linguistiques protégés par l’article 19 de la Charte sont ceux des justiciables, des avocats, des témoins, des juges et autres officiers de justice à qui on s’adresse; et ce sont ceux des rédacteurs et des auteurs des actes et des pièces de procédures et non ceux de leurs destinataires ou de leurs lecteurs (Société des Acadiens, au paragraphe 51). Par conséquent, un justiciable n’est pas en droit d’exiger sur la base de cette disposition que la preuve documentaire de la Couronne ou d’une autre partie lui soit fournie dans la langue officielle de son choix (Rodrigue, à la page 6) ou que les parties manuscrites de formulaires tels que les actes d’accusation ou les dénonciations soient dans la langue officielle du justiciable (Noiseux, aux parties III et IV).
La faculté d’une personne de s’exprimer dans les deux langues officielles ne change rien à son droit constitutionnel d’opter soit pour le français, soit pour l’anglais, dans le cadre d’une instance (Mazraani, au paragraphe 20). Ce choix doit d’ailleurs être exercé de façon libre et éclairé, ce qui n’est pas le cas lorsque la personne choisit une langue parce qu’elle « croit à tort qu’elle doit s’exprimer dans la langue du juge ou d’une partie. » (Mazraani, aux paragraphes 42 et 73). En outre, il ne revient pas à l’avocat de la partie qui a appelé un témoin de décider de la langue dans laquelle ce dernier témoignera (Mazraani, au paragraphe 33).
Il est même possible pour une personne de changer son choix de langue (Mazraani, au paragraphe 40).
Cependant, ce changement n’est pas sans limite. Ainsi, l’historique d’un dossier quant aux nombreuses demandes changeantes d’un accusé notamment quant à la langue du procès, la langue de son avocat et le type de procès (avec ou sans jury), ainsi que les divers échanges d’un juge de procès avec un accusé et la mauvaise foi de l’accusé peuvent justifier la décision d’un juge de procès d’avoir conclu qu’un accusé n’avait pas agi avec diligence pour retenir les services d’un avocat qui serait en mesure de le représenter en français au cours de son procès et que l’appelant ne cherchait qu’à retarder le déroulement de la cause. (Arsenault).
De plus, le tribunal ne peut inciter un témoin ou l’avocat d’une partie à utiliser une langue officielle, même si cela faciliterait la compréhension d’une des parties, y compris une partie qui se représente seule (Mazraani, au paragraphe 2). C’est d’ailleurs aux juges des tribunaux fédéraux qu’il incombe de veiller à ce soient respectés les droits linguistiques des témoins, parties et toute personne comparaissant devant eux (Mazraani, au paragraphe 32).
Enfin, s’il est vrai que le par. 19(2) de la Charte reconnait le droit personnel à chacun d’employer l’une ou l’autre des langues officielles devant les tribunaux du Nouveau-Brunswick, le substitut du procureur général renonce à ce droit lorsqu’il consent et est apte à agir au nom du procureur général dans la langue officielle d’une personne accusée dans le cadre d’une procédure qui tombe sous le coup d’une ordonnance rendue conformément à l’article 530 de la partie XVII (Langue de l’accusé) du Code criminel (Bujold, au paragraphe 8 ; Cross, aux paragraphes 51-2).
4. Distinctions entre les droits linguistiques et l’équité du procès
Les droits linguistiques sont totalement distincts de l’équité du procès. Le droit à une défense pleine et entière est lié aux aptitudes linguistiques uniquement en ce que l’accusé doit être en mesure de comprendre son procès et de s’y faire comprendre. Toutefois, ce droit est déjà garanti par l’article 14 de la Charte canadienne des droits et libertés, une disposition qui prévoit le droit à l’assistance d’un interprète. Le droit à un procès équitable est universel et il ne peut être plus important dans le cas de membres de collectivités des deux langues officielles au Canada que dans celui de personnes qui parlent d’autres langues. Les droits linguistiques ont une origine et un rôle complètement distincts. Ils visent le maintien et le développement des minorités de langue officielle au pays et à assurer l’égalité de statut du français et de l’anglais (Société des Acadiens, aux paragraphes 27-28; Beaulac, aux paragraphes 36-44).
5. Progression par voie législative
Les droits prévus à l’article 19 de la Charte constituent un minimum constitutionnel (MacDonald, au paragraphe104); leur portée peut être élargie (par. 16(3) de la Charte). Dans la sphère fédérale, on note la réalisation d’une telle progression à la partie III de la Loi sur les langues officielles et à la partie XVII du Code criminel.
Liste de la jurisprudence
- Bujold c. R., 2011 NBCA 24 [Bujold].
- Charlebois c. Mowat, 2001 NBCA 117 [Mowat].
- Mazraani c. Industrielle Alliance, Assurance et services financiers inc., [2018] 3 RCS 261 [Mazraani].
- Kilrich Industrie Ltd. C. Halotier, 2007 YKCA 12 [Kilrich].
- MacDonald c. Ville de Montréal, [1986] 1 R.C.S. 460 [MacDonald].
- Procureur général du Québec c.
- Blaikie et autres, [1979] 2 RCS 1016 [Blaikie no 1].
- R. c. Arsenault, 2020 ONCA 118 [Arsenault]
- R. c. Beaulac, [1999] 1 RCS 768 [Beaulac].
- R. c. Cross, [1998] A.Q. no 2629 (C.A. Qué.) [Cross].
- R. c. MacKenzie, 2004 NSCA 10 [Mackenzie].
- R. c. Mercure, [1988] 1 R.C.S. 234 [Mercure].
- R. c. Noiseux, [1999] J.Q. no 507 (C.A. Qué.), juge Fish, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée [1999] C.S.C.R. no 193 [Noiseux].
- R. c. Rodrigue (1994), 91 C.C.C. (3d) 455 (C.S.Terr. Yk.), conf. pour autres motifs par (1995), 95 C.C.C. (3d) 129 (C.A.Y.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée [1995] C.S.C.R. no 83 [Rodrigue].
- R. c. T.D.M., 2008 YKCA 16.
- Reference re French Language Rights of Accused in Saskatchewan Criminal Proceedings, 1987 CanLII 204 (SK CA).
- Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721 [Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba].
- Société des Acadiens c. Association of Parents for Fairness in Education, [1986] 1 R.C.S. 549 [Société des Acadiens].
Le contenu est à jour jusqu’au 2024-04-04.
- Date de modification :