Article 20 – Droit du public de communiquer avec les institutions fédérales et les institutions du Nouveau-Brunswick et d’en recevoir les services

Disposition

Communications entre les administrés et les institutions fédérales

20. (1) Le public a, au Canada, droit à l’emploi du français ou de l’anglais pour communiquer avec le siège ou l’administration centrale des institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada ou pour en recevoir les services ; il a le même droit à l’égard de tout autre bureau de ces institutions là où, selon le cas :

  1. l’emploi du français ou de l’anglais fait l’objet d’une demande importante;
  2. l’emploi du français et de l’anglais se justifie par la vocation du bureau.

Communications entre les administrés et les institutions du Nouveau-Brunswick

(2) Le public a, au Nouveau-Brunswick, droit à l’emploi du français ou de l’anglais pour communiquer avec tout bureau des institutions de la législature ou du gouvernement ou pour en recevoir les services.

Dispositions semblables et progression législative

Des dispositions semblables figurent dans la partie IV de la Loi sur les langues officielles fédérale de 1988. Cette partie intitulée « Communications avec le public et prestation de services » énonce les obligations des institutions fédérales en vue de donner pleinement effet au droit du public prescrit par le paragraphe 20(1) de la Charte, et même parfois de compléter et d’étendre la portée de ce droit. Les articles 27 à 34 et 36 à 41 de la Loi sur les langues officielles de 2002 du Nouveau-Brunswick sont au même effet en ce qui a trait au paragraphe 20(2) de la Charte.

Objet

Le paragraphe 20(1) de la Charte prévoit que le public au Canada a le droit d’employer le français ou l’anglais pour communiquer avec le siège ou l’administration centrale des institutions fédérales ou pour en recevoir les services.  Le même droit s’applique aux bureaux des institutions fédérales à l’égard desquels il existe une demande importante ou là où la vocation du bureau le justifie.

Le paragraphe 20(2) de la Charte prévoit que le public, au Nouveau-Brunswick, a droit à l’emploi du français ou de l’anglais pour communiquer avec tout bureau des institutions de la législature ou du gouvernement du Nouveau-Brunswick, ou pour en recevoir les services, et ce, peu importe la demande dans l’une ou l’autre des langues, ou la vocation du bureau auquel il s’adresse, contrairement à ce qui est la règle pour les services dispensés par les institutions fédérales aux termes du paragraphe 20(1) de la Charte. Il s’agit là d’un bilinguisme institutionnel et territorial complet, emportant le droit pour le public d’utiliser la langue de son choix en tout temps lorsqu’il demande un service ou communique avec l’État provincial (SAANB CSC 2008 au paragraphe 1).

L’article 20, à l’instar des autres dispositions constitutionnelles affirmant l’existence de droits linguistiques n’est pas sujet à l’application de la clause de dérogation inscrite à l’article 33 de la Charte. Ainsi, ni le Parlement ni la législature du Nouveau-Brunswick ne peuvent se soustraire à ces dispositions (Gaudet 2010 au paragraphe 31).

Jurisprudence

La portée du droit

« Le public a, au Canada, […] » / « Le public a, au Nouveau-Brunswick, […] »

Le paragraphe 20(1) de la Charte délimite le champ d’application géographique du droit qu’il énonce : la disposition précise que le droit est conféré aux membres du public au Canada. Les membres du public situés à l’étranger (sans distinction de nationalité) ne sont pas couverts par les droits énoncés.

Bien que l’article 21 de la partie IV de la Loi sur les langues officielles fédérale réitère les limites géographiques du paragraphe 20(1) de la Charte, les articles 22 à 25 de la Loi sur les langues officielles fédérale complètent le droit constitutionnel puisqu’ils ajoutent expressément une dimension extra-territoriale aux droits qu’ils prescrivent en matière de communications et de services. Les autres articles de la partie IV de la Loi sur les langues officielles fédérale sont silencieux quant à l’aspect territorial.

Le paragraphe 20(2) de la Charte précise de la même manière le champ d’application du droit créé dans la province du Nouveau-Brunswick : « le public a, au Nouveau-Brunswick, […] / any member of the public in New Brunswick has […] ». Les termes « au Nouveau Brunswick / in New-Brunswick » ne figurent cependant pas aux articles 27 à 28 de la Loi sur les langues officielles de 2002 du Nouveau-Brunswick.

« institutions du Parlement et du gouvernement du Canada » / « institutions de la législature et du gouvernement du Nouveau-Brunswick »

Le paragraphe 20(1) de la Charte s’applique aux « institutions du Parlement et du gouvernement du Canada ». Une formulation identique est employée au paragraphe 16(1) de la Charte.

Le paragraphe 20(2) de la Charte s’applique quant à lui aux institutions de la législature et du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Une formulation identique est utilisée au paragraphe 16(2) de la Charte.

La référence expresse aux institutions du Nouveau-Brunswick au paragraphe 16(2) de la Charte confirme que les institutions provinciales ne sont pas des institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada au sens du paragraphe 16(1). Une Cour provinciale ne relève pas du paragraphe 16(1) (MacKenzie aux paragraphes 46 et 48).

Dans l’arrêt Société des Acadiens, la Cour suprême du Canada a indiqué que l’expression « les institutions du gouvernement » à l’article 16 de la Charte englobait les corps judiciaires ou les tribunaux. (paragraphe 21).

La Gendarmerie Royale du Canada demeure une institution fédérale assujettie au paragraphe 20(1) de la Charte même lorsqu’elle agit sous contrat avec une province (Doucet 2003 au paragraphe 32; Evenson au paragraphe 31; SAANB CSC 2008 au paragraphe 14). Cependant, au Nouveau-Brunswick, puisque chaque membre de la Gendarmerie Royale du Canada est habilité par la législature du Nouveau-Brunswick à administrer la justice dans la province, la Cour suprême du Canada a déterminé que ses membres exercent le rôle d’une « institutio[n] de la législature ou du gouvernement » du Nouveau-Brunswick, et qu’ils sont tenus également de respecter le paragraphe 20(2) de la Charte (SAANB CSC 2008 aux paragraphes 16 et 19).

Les corps policiers gérés directement par la province ou les municipalités du Nouveau-Brunswick sont également soumis au paragraphe 20(2) de la Charte (Gautreau aux paragraphes 47-49; Bastarache au paragraphe 20; Haché aux paragraphes 15 et 57; SAANB CF 2005 au paragraphe 38; Moncton aux paragraphes 104-105; Boucher aux paragraphes 3 à 13).

Les titulaires du droit

L’article 20 de la Charte garantit le droit du public au Canada et au Nouveau-Brunswick. Ce droit concerne aussi bien les personnes physiques que les personnes morales (Brewer au paragraphe 26).

Le droit reconnu

L’article 20 de la Charte identifie deux droits : 1) le droit de communiquer en français ou en anglais avec certaines institutions et 2) le droit de recevoir des services en français ou en anglais de ces institutions (Gaudet 2010 au paragraphe 23). Dans la décision Norton, la Cour fédérale estime que le concept de « services » publics, qui est garanti par l’article 20 de la Charte, est plus large que le concept de « communications » (Norton au paragraphe 76).

Selon la Cour suprême du Canada, le droit de « communiquer » dans l’une ou l’autre langue officielle prévu à l’article 20 de la Charte suppose aussi le droit d’être entendu ou compris dans ces langues, alors que ce n’est pas le cas concernant les droits prévus à l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et au paragraphe 19(2) de la Charte (Société des Acadiens au paragraphe 54, voir aussi Norton au paragraphe 76). Dans la décision Knopf, la Cour d’appel fédérale indique que le terme « communiquer » suppose une interaction, des actions bilatérales entre les parties, alors que le verbe « employer » utilisé à l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et à l’article 17 de la Charte n’englobe pas une telle interaction (Knopf aux paras. 38-40).

L’article 20 ne permet pas de réclamer un service que l’État ne fournit pas (Tucker au paragraphe 8).

Le paragraphe 20(1) et la partie IV de la Loi sur les langues officielles fédérale comportent l’obligation constitutionnelle et quasi-constitutionnelle de mettre à la disposition du public des services qui sont de qualité égale dans les deux langues officielles (Desrochers CSC 2009 au paragraphe 3). Même si le paragraphe 20(1) de la Charte donne une garantie par rapport aux services offerts, l’égalité linguistique en matière de prestation de services peut comprendre l’accès à des services dont le contenu est distinct. Selon la nature du service, il se peut que l’élaboration et la mise en œuvre de services identiques pour chacune des communautés linguistiques ne permettent pas de réaliser l’égalité réelle. Le contenu du principe de l’égalité linguistique en matière de services gouvernementaux n’est pas nécessairement uniforme. Il doit être défini en tenant compte de la nature du service en question et de son objet. Les services offerts doivent être de qualité égale dans les deux langues. L’analyse est comparative. (Desrochers CSC 2009 aux paragraphes 51 et 53).

Lorsqu’une demande importante est établie au titre du paragraphe 20(1) de la Charte, le gouvernement a le devoir d’agir (Doucet 2004 au paragraphe 25).

Dans l’affaire Doucet, dans le contexte de communications offertes par un agent de la Gendarmerie Royale du Canada lors d’un contrôle routier, la Cour fédérale estime que le fait pour un agent unilingue anglophone de mettre le membre du public en communication en français par radio avec un agent capable de s’exprimer en français ne suffit pas pour permettre à la Gendarmerie Royale du Canada de s’acquitter de ses obligations en vertu de la Charte afin que tout membre du public ait le droit de s’adresser à une institution fédérale dans la langue officielle de son choix. Les automobilistes souhaitant s’adresser en français aux membres de la GRC ne devraient pas avoir à se déplacer ni communiquer par téléphone ou radio (Doucet 2004 aux paragraphes 43 et 79).

Dans l’affaire Tailleur, la Cour fédérale conclut que le fait que des membres du public parlant l’une des langues officielles soient susceptibles d’attendre plus longtemps que ceux parlant l’autre pour obtenir un service téléphonique auprès d’une institution fédérale ne satisfait pas à l’obligation constitutionnelle de mettre à la disposition du public des services qui sont de qualité égale dans les deux langues officielles (Tailleur, au paragraphe 106).

Voir également, dans le contexte de communications du personnel de Via Rail avec le public voyageur, la décision Norton qui estime que l’utilisation de l’interprétation simultanée ou de l’interprétation consécutive est irréaliste dans le cas de communications de vive voix et qu’elle diminue la qualité du service. Par conséquent, il n’est possible d’être servi dans la langue officielle de son choix dans ces cas que si des membres du personnel bilingue sont présents (Norton au paragraphe 76).

Par ailleurs, dans la décision Thompson, la Cour fédérale interprète la portée de l’article 20 dans le contexte de la communication à un individu, à la suite de sa demande, de notes déjà existantes (et insérées par l’agent du ministère de l’immigration au dossier interne le concernant). La Cour estime qu’il est implicite dans l’article 20 que les institutions gouvernementales, lorsque les dispositions s’appliquent, doivent fournir les communications dans un délai « raisonnable » à partir du moment où le droit de recevoir les communications dans une langue officielle précise est invoqué, ou, en d’autres termes, dans un délai qui ne causera aucun préjudice à la personne sollicitant la communication dans une langue précise (Thompson au paragraphe 8). Dans ce cas les notes avaient été traduites du français vers l’anglais pour respecter le choix de langue de la personne. (Voir également Musa aux paragraphes 13-15).

L’article 20 de la Charte ne limite en rien le pouvoir des institutions fédérales d’offrir des services en des langues autres que l’anglais et le français aux membres du public qui ne souhaitent pas se prévaloir du droit que leur confère le paragraphe 20(1) et désirent traiter dans n’importe quelle autre langue parlée par des fonctionnaires capables de communiquer efficacement sans l’aide d’interprètes (Abbasi au paragraphe 16, concernant une interview tenue en ourdou). D’ailleurs, le paragraphe 83(2) de la Loi sur les langues officielles fédérale prévoit que celle-ci ne fait pas obstacle au maintien et à la valorisation de langues autres que le français ou l’anglais, ni à la réappropriation, à la revitalisation et au renforcement des langues autochtones.

La notion d’offre active

L’article 28 de la Loi sur les langues officielles fédérale et l’article 28.1 de la Loi sur les langues officielles de 2002 du Nouveau-Brunswick prévoit que les institutions doivent voir à ce qu’il y ait une offre active des services dans les deux langues officielles lorsqu’applicable. Le paragraphe 31(1) de la Loi sur les langues officielles de 2002 du Nouveau-Brunswick prévoit également que « tout membre du public a le droit, lorsqu’il communique avec un agent de la paix, de se faire servir dans la langue officielle de son choix et il doit être informé de ce choix ».Le paragraphe 31(2) de la Loi sur les langues officielles de 2002 du Nouveau-Brunswick prévoit, quant à lui, qu’une fois ce choix fait, l’agent de la paix qui n’est pas en mesure d’assurer la prestation des services dans la langue officielle choisie, doit prendre les mesures nécessaires, et ce, dans un délai raisonnable pour lui permettre de répondre aux choix fait par le membre du public.

Il n’est toujours pas tout à fait clair si l’offre active inscrite à l’article 28 de la Loi sur les langues officielles fédérale est la traduction d’une obligation constitutionnelle découlant du paragraphe 20(1) de la Charte. Dans la décision Doucet 2003, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a estimé que le paragraphe 20(1) de la Charte n’imposait pas au personnel de la Gendarmerie Royale du Canada qui patrouille dans la province de faire « de manière active […] une enquête pour déterminer si les prévenus désirent des services dans une ou l’autre des langues officielles » (Doucet 2003 au paragraphe 36).

Cette question a par contre été discutée par les tribunaux au Nouveau-Brunswick dans le cadre du paragraphe 20(2) de la Charte et de l’article 31 de la Loi sur les langues officielles de 2002 du Nouveau-Brunswick. La jurisprudence a d’abord été assez contrastée (voir notamment : Gaudet 2009 au paragraphe 23; Robichaud, aux paragraphes 19, 25-32; Robinson aux paragraphes 21-22; Haché aux paragraphes 46 et 58; McGraw 2007 au paragraphe 22; Gaudet 2010 au paragraphe 41; Losier 2010 au paragraphe 16; Losier 2011 aux paragraphes 8-9; Furlotte au paragraphe 28; Robichaud 2011 aux paragraphes 22, 31, 39-41).

La question est désormais réglée au niveau provincial au Nouveau-Brunswick par la décision Losier de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick en 2011. Dans cette décision, la Cour conclut que le policier qui a interpellé l’intimé dans le cadre d’un programme organisé de contrôle routier était tenu de respecter les obligations du paragraphe 20(2) de la Charte (Losier CA 2011 au paragraphe 9). La Cour fait sienne les conclusions de la Cour du Banc de la Reine qui avait conclu que l’absence d’une offre active de l’agent de la paix du droit de l’accusé de se faire servir dans la langue officielle de son choix et le non-respect de ces droits linguistiques constituaient, non seulement une violation du paragraphe 31(1) de la Loi sur les langues officielles de 2002 du Nouveau-Brunswick mais aussi une violation du paragraphe 20(2) de la Charte, ce qui ouvrait la voie à une réparation en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte (Losier CA 2011 au paragraphe 8; Losier 2011 aux paragraphes 21, 28 29). La Cour d’appel valide également la décision prise par les cours inférieures d’exclure la preuve recueillie à la suite de la violation de la Charte, ce qui conduit à l’acquittement de M. Losier (Losier CA 2011 au paragraphe 12).

Dans des décisions subséquentes, les conclusions de la Cour d’appel concernant l’offre active ont été appliquées, mais contrairement à Losier, l’exclusion de la preuve a été refusée (voir entre autres Savoie au paragraphe 71; Landry au paragraphe 38; Thériault au paragraphe 36; Robichaud 2012 au paragraphe 29; Robinson 2014 aux paragraphes 57, 67; Soh au paragraphe 81; Lavoie au paragraphe 39; Gautreau au paragraphe 38).

Une offre active est une entrée en communication qui informe le public qu’il peut communiquer en français ou en anglais. Son propos est d’assurer qu’une personne se sente à l’aise pour demander un service. Une offre active peut prendre la forme d’une signalisation, d’une salutation personnelle ou d’un message (FFT au paragraphe 139).

Dans la décision Thériault, la Cour du banc de la Reine du Nouveau-Brunswick confirme la décision de la cour inférieure qui a conclu qu’un agent de la paix qui interpelle un membre du public et lui dit « Hello-Bonjour », sans plus, ne respecte pas l’obligation d’offre active énoncée au paragraphe 31(1) de la Loi sur les langues officielles de 2002 du Nouveau-Brunswick et qui ressort également du paragraphe 20(2) de la Charte (Thériault au paragraphe 13; voir aussi McGraw 2012 au paragraphe 28). Les mots « service en français / service in English » offrent implicitement le choix entre le service en français et en anglais. Dans l’affaire Boucher, la Cour du banc de la Reine du Nouveau-Brunswick accorde de l’importance au fait que le choix de langue de l’accusé a été respecté en tout temps, même si l’offre active aurait pu être plus claire (Boucher aux paras. 6, 7,14).

Les notions de demande importante et de vocation du bureau au paragraphe 20(1) de la Charte

Les notions de demande importante et de vocation de bureau prévues au paragraphe 20(1) de la Charte sont mises en œuvre et définies par la partie IV de la Loi sur les langues officielles fédérale et le Règlement sur les langues officielles – communications avec le public et prestation des services, DORS/92-48 (le Règlement).

Dans l’affaire Norton, la Cour fédérale a déclaré que les critères réglementaires procuraient une plus grande certitude et une plus grande uniformité dans l’application des concepts qui figurent à l’article 20(1) de la Charte et à la partie IV de la Loi sur les langues officielles fédérale, mais qu’ils ne devaient pas être interprétés et appliqués de façon rigoureuse. Le Règlement ne peut l’emporter sur la Loi sur les langues officielles fédérale ou la Charte, et il doit toujours être interprété et appliqué d’une manière conforme aux objectifs généraux du préambule de la Loi sur les langues officielles fédérale et refléter les valeurs fondamentales de la Charte et de la politique canadienne en matière de bilinguisme (Norton au paragraphe 98; voir aussi Doucet 2004 au paragraphe 49)

Les limites au choix de mode de prestation de service par l’État

Le pouvoir de l’État d’habiliter les autorités d’un autre ressort pour effectuer la prestation des services dont il a la responsabilité semble assujetti à certaines limites.

La Cour fédérale a par exemple examiné le cas des communications avec le public et de la prestation des services extrajudiciaires liés à l’administration des poursuites des contraventions fédérales. Ces prestations étaient fournies antérieurement par le ministère de la Justice du Canada donc en tenant compte du paragraphe 20(1) de la Charte et de la partie IV de la Loi sur les langues officielles fédérale. La Cour a indiqué que la définition d’un nouveau cadre législatif prévoyant l’application du droit provincial devait respecter les droits linguistiques applicables. Plus précisément, elle a conclu que l’application successive et cumulative de la Loi sur les contraventions du Canada, de la Loi sur les services en français de l’Ontario et des ententes intervenues avec le Procureur général d’une province et des municipalités ne rend pas inopérants le paragraphe 20(1) de la Charte et la partie IV de la Loi sur les langues officielles fédérale.  Ces dispositions s’appliquent toujours et en cas de conflit avec la loi provinciale sur la langue de service, la prédominance doit être accordée à la Loi sur les langues officielles fédérale et au paragraphe 20(1) de la Charte. (Commissaire aux langues officielles aux paragraphes 148-149).

Un gouvernement ne peut pas adopter de politiques qui feraient obstacle, par suite de la conclusion d’ententes, au respect de droits reconnus (SAANB CSC 2008 au paragraphe 17).

Les services offerts par des tiers qui agissent pour le compte des institutions

L’article 25 de la Loi sur les langues officielles fédérale prévoit les cas dans lesquels les communications et services offerts par des tiers « pour le compte » d’une institution fédérale doivent l’être dans l’une ou l’autre des deux langues officielles. Cet article précise que lorsque l’institution fédérale dont relèvent les communications et services serait tenue de les offrir dans l’une ou l’autre des langues officielles si elle les fournissait directement, elle doit s’assurer que le tiers qui agit pour son compte les offre dans les mêmes conditions. C’est sur l’institution fédérale que pèse l’obligation de s’assurer que les services du tiers sont conformes à la loi. Depuis les modifications apportées à la Loi sur les langues officielles fédérale par le projet de loi C-13, entré en vigueur le 20 juin 2023, l’article 25 se décline désormais en trois paragraphes : le paragraphe 25(1) réitère l’ancien article 25, le paragraphe 25(2) prévoit que « Pour l’application du paragraphe (1), le tiers est présumé offrir des services pour le compte de l’institution fédérale dans l’un ou l’autre des cas suivants : a) l’institution fédérale exerce un contrôle suffisant sur le tiers; b) le tiers met en oeuvre un programme ou un régime législatif sous la responsabilité de l’institution fédérale. » et le paragraphe 25(3) précise qu’« Il demeure entendu qu’une simple contribution financière du gouvernement fédéral à un tiers n’est pas suffisante pour engager l’application du paragraphe (1). ».  Une obligation similaire est prévue à l’article 30 de la Loi sur les langues officielles de 2002 du Nouveau-Brunswick.

Dans l’arrêt SAANB CSC 2008, la Cour suprême du Canada a cité avec approbation la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Commissaire aux Langues officielles à l’effet que l’article 25 de la Loi sur les langues officielles fédérale confirme le principe constitutionnel voulant qu’un gouvernement ne puisse pas, en déléguant certaines responsabilités, se défaire de ses obligations constitutionnelles imposées par la Charte. (Commissaire aux langues officielles au paragraphe 116, SAANB CSC 2008 au paragraphe 17).

Une institution fédérale ne peut non plus justifier le non-respect du paragraphe 20(1) en s’en remettant au bon vouloir d’un fabricant, ni à une autre institution fédérale responsable d’acheter ou de fournir un produit dans les édifices fédéraux (Sénat au paragraphe 42).

La distinction entre l’article 19 et l’article 20 de la Charte

La divulgation de la preuve et les sommations à comparaître dans le cadre d’une instance judiciaire ne sont pas visées par l’article 20 de la Charte, parce que la structure même des articles 16 à 20 de la Charte démontre que chacun de ces articles régit un domaine distinct et étanche des activités parlementaires, gouvernementales et judiciaires. Tout porte à croire que le Constituant était conscient de la différence, d’une part, entre les droits linguistiques judiciaires (article 19 de la Charte) et le droit à un procès équitable (alinéa 11d) de la Charte), et de celle, d’autre part, entre les droits linguistiques judiciaires (article 19 de la Charte) et l’emploi de la langue officielle d’une personne dans les communications avec les bureaux du gouvernement (article 20 de la Charte (Charlebois CSC 2005 au paragraphe 54, le juge Bastarache, dissident pour d’autres motifs, voir aussi Société des Acadiens aux paras. 52, 53).

Le paragraphe 20(1) de la Charte et la partie IV de la Loi sur les langues officielles fédérale et son règlement n’exigent pas que la divulgation de la preuve dans le cadre d’un procès criminel soit effectuée dans la langue officielle d’une personne accusée. Cependant, la correspondance orale et écrite du bureau du ministère de la Justice à l’extérieur du prétoire doit s’effectuer dans la langue officielle de son choix ou de son avocat ou de son avocate (Rodrigue au paragraphe 28).

List de la jurisprudence citée (par ordre chronologique)

Décisions judiciaires rendues depuis la dernière mise à jour:

Le contenu est à jour jusqu’au 2024-04-04.